Opinion
«Printemps» et
autres arabesques
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 31 décembre
2011
Algérie :
On ne sait pas si on va finir un jour
par savoir «pourquoi l'Algérie est
restée à l'écart du Printemps arabe»,
mais il ne se passe pas un jour sans que
quelqu'un nous apporte une explication.
L'un des derniers en date est Tony
Barber, du Financial Times. Il pense que
«la réponse est dans l'exceptionnelle
brutalité de son passé colonial». C'est
un peu mieux enveloppé que pas mal
d'autres conclusions. Elle n'empêchera
pas, pour autant, que des loupes
continueront de parcourir cette
incongruité de l'histoire. L'Algérie n'a
pas eu son «printemps», même pas celui
qu'on plante à coups de bombes, comme le
libyen. Si la question se pose, c'est
que le phénomène aurait dû se produire.
Pour la première fois, l'intelligence
serait mise à dure épreuve. Heureusement
que ce n'est qu'un certaine forme
d'intelligence, celle qui fleurit depuis
qu'il est devenu possible d'étaler la
fatuité, sans risque de perdre son
espace journalistique ou son siège
autour de plateaux télévisés. L'autre
question, que suscite celle-ci par la
force des choses, ne figure pas dans la
liste des préoccupations des chasseurs
de «printemps». Elle serait, de
surcroît, plus perspicace. La voici :
devrait-il y avoir un «printemps», en
Algérie ou ailleurs ? Une fois qu'on lui
aura trouvé une réponse, on pourra
s'inquiéter ou se rassurer, selon le
cas. Parce que ce serait plus logique de
partir d'une hypothèse que d'une
conclusion.
Syrie : une délégation de la
Ligue arabe visite le pays, pour
observer la façon dont le gouvernement
traite ses administrés. C'est devenu
possible, depuis que cette organisation
s'est trouvée la seule vocation qu'elle
peut assumer et dans laquelle elle
excelle. Après la Libye, la Syrie est
donc sa deuxième mission pour le compte
de la «communauté internationale». Les
délégués n'ont «rien trouvé». Entendre
par là les faits que Al Jazeera et ses
partenaires médiatiques ont filmés ou
rapportés. Cela n'a pas été jugé normal
par ces mêmes médias et par ceux qui ont
«démocratisé» la Libye. Il y aurait eu
«manipulation de la situation par le
régime» et les délégués doivent
absolument confirmer les «massacres de
civils» et la «présence de chars dans
les rues des villes visitées». Les
réactions sont si outrées, qu'on se
demande à quoi était destinée la
mission, s'il fallait que son rapport
soit préétabli. Ainsi va la vérité des
puissants et du droit de la force.
Tunisie : les réunions de la nouvelle
assemblée élue ne suscitent pas beaucoup
d'enthousiasme. A commencer par le
discours d'investiture du Premier
ministre, Hamadi Jabali, qui aurait été
emprunté à Zine El Abidine Ben Ali. Il
serait, dit-on, «vide de tout projet
palpable, chiffré, pertinent et
réaliste» et plein de mots ronflants aux
airs connus : «chafafiya»
(transparence), «dimocratia»
(démocratie), «maslaha watania» (intérêt
national) et autres slogans. Autour, on
attendait mieux que ça : au moins un
programme, un calendrier et des
échéances, aussi modestes qu'auraient pu
être les objectifs.
Libye : le CNT se
réunit toujours à Benghazi, lui seul ne
croit pas que Tripoli serait aussi sûre
après avoir été «libérée», comme on le
sait, par l'OTAN, ses bombardiers et ses
forces spéciales. Lors de sa dernière
réunion, la bande en est encore à tenter
de se faire connaître et estime qu'«il
est du droit de tous les Libyens de
connaître les noms et l'histoire des
responsables du Conseil transitoire
ainsi que la façon de gérer cette
institution qui est la haute autorité
exécutive en Libye». Comme quoi, des
mois après la «victoire», on reste
clandestin.
Article publié sur
Les Débats
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