Opinion
Envoyés très
spéciaux en Syrie
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 30 mai 2013
Arte, très
culturelle chaîne franco-allemande, 20h
30 GMT. Des invités de tout poil, même
un journaliste algérien et une
Franco-Syrienne, pour la couleur
«arabe». Au milieu, un photographe du
journal le Monde au vocabulaire très
utilitaire. C'est lui qui revient de
Syrie. Un sujet ; les «armes chimiques»
de l'armée syrienne. Des preuves, des
photos d'hommes armés affublés de
masques à gaz. Déroulement, trois tours
de table qui répartissent équitablement
la parole. Rendu, très difficile de
retenir quoi que ce soit d'instructif,
sauf de l'Algérien qui a exprimé
clairement son point de vue. Son
inquiétude concernant l'impact, des
livraisons de missiles sol-air à la
Syrie, sur une éventuelle intervention
de l'OTAN, une «zone d'exclusion» par
exemple. Et sa déception que les
Maghrébins pensent à un complot
israélo-qatari, plutôt qu'ils
soutiennent une «révolution». L'émission
a eu le mérite d'être très rapide, au
grand bonheur des téléspectateurs. Juste
ce qu'il fallait pour chacun de dire ce
qu'il avait à dire, très vite. Un
avantage, il n'y avait aucune voix
contraire. Et puis, il était juste
question de marquer le coup, les autres
médias font déjà assez de bruit, en
guise de contre-offensive, à l'encontre
de la conférence internationale, appelée
Genève 2, décidée par les Etats-Unis et
les Russes, plus pragmatiques et plus
puissants, au grand dam du régime
français qui avait plié l'affaire et mis
la barre très haut, exigeant le départ
du président syrien (comme cela était
dit pour le leader libyen). Ladite
contre-offensive repose sur des
«envoyés» très «spéciaux» du Monde qui
ont ramené dans leurs valises des
«échantillons d'armes chimiques» (c'est
eux qui le disent). Une première,
notons-le, dans le métier et dans le
traitement de ce type de chose. Tant pis
s'il y a des moyens plus sérieux dans le
domaine qu'auraient dû utiliser les
«révolutionnaires» pour autant que la
crédibilité leur soit acquise. Car, il
est pour le moins désopilant que des
quidams, censés informer les gens, se
convertissent en chimistes et se croient
investis d'une telle mission. Il est
encore plus désopilant de voir le
vacarme que cela a entraîné. Presque
aussi fort que celui qu'a provoqué la
«découverte d'armes de destruction
massives» en Irak. «On ordonnait aux
soldats montant au front de se munir de
foulards mouillés pour se protéger le
visage», rapporte le Monde, citant un
élément d'un groupe armé. Contre des
armes de ce genre, il y a mieux à faire,
plutôt rien que de s'enfuir, mais le
journaliste ne se pose pas de question
sur l'efficacité des foulards mouillés.
Ce qui lui importe, c'est de croire et
de faire croire à ce qui pourrait aider
la diplomatie de son pays. Après sa
ridicule prestation à l'ONU, Collin
Powel ne s'en porte pas plus mal. Que
peut-il donc bien arriver à un reporter
de presse ? Quant aux missiles russes,
des S-300, le vice-ministre russe des
Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a
confirmé leur livraison et l'objectif de
cette livraison. Ses propos n'ont
souffert d'aucune équivoque. On ne peut
plus clairement, il a déclaré que «des
mesures de cette sorte dissuadent en
grande partie certains esprits échauffés
d'envisager des scénarios dans lesquels
le conflit prendrait un tour
international avec la participation de
forces étrangères».
Article publié sur
Les Débats
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