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Opinion
Revue de presse
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 30 avril
2012
Des centaines de millions de personnes
sont naturellement portées à s’informer.
Pour ce faire, rien de plus simple que
de se brancher sur les journaux
télévisés, qui font autorité en la
matière. Tout y est la présomption
d’honnêteté, le détachement propre à une
objectivité sans faille, des sources au
dessus de tout soupçon et l’emballage
plastique animé par des journalistes au
look d’enfants de chœur et au sourire
désarmant toute velléité de défiance.
Dans la journée du 28 avril voici ce
qu’on pu voir servir aux
téléspectateurs. Grand titre : « Bolivie
: Manifestation contre Evo Moralès ».
Réalité des faits : deux à trois cents
Amazoniens ont manifesté, non contre
leur président mais contre un projet de
route qui doit traverser leur
territoire. Explication : Evo Moralès,
démocratiquement élu, ne plaît pas aux
maîtres du monde, parce qu’il ne fait
pas partie des partisans du pillage de
son pays. Grand titre : « Des dizaines
de Sud-Coréens manifestent contre le
nucléaire Nord-Coréen ». Explication :
ce fait divers insignifiant, qui
n’intéresse pas grand-monde, doit être
mis en évidence, parce qu’il participe à
entretenir la pression sur la Corée du
nord. Grand titre : « Le Bahreïn, la
ligne rouge que l’Iran est tenté de
franchir ». Explication : la révolution
en cours au Bahreïn doit être réduite à
une manipulation iranienne, sur le
simple argument que l’écrasante majorité
des Bahreinis est chiite. Se justifie,
par la même occasion, l’intervention
sanglante de l’Arabie saoudite et
l’indifférence de la « communauté
internationale ». Grand titre : «
Timochenko: appel au secours de sa fille
». Explication : Ioulia Timochenko est
l’une des figures de proue de la «
révolution orange » en Ukraine, version
slave du « printemps ». Elle faisait
partie de l’opposition « pro-occidentale
», contre les « pro-russes ». Après une
prise « colorée » du pouvoir, les
Ukrainiens ont fini par comprendre que
son camp devait dégager. Accusée d’abus
de pouvoir et de détournement, elle est
incarcérée et doit être régulièrement
jugée. Les Occidentaux ne pouvaient pas
ne pas y voir un complot. Angela Merkel
considère qu’il y a « acharnement
judiciaire ». Ioulia a engagé une grève
de la faim et devient une victime qu’il
faut sauver. Grand titre : « Des armes,
destinées aux rebelles selon le régime
syrien ». Explication : un bateau en
provenance de Libye est arraisonné,
dans le port de Selaata, à environ 50 km
de Beyrouth, et fouillé par la marine libanaise. Il transportait
trois conteneurs d’armes de tous
calibres. Mais, dans le titre, c’est le
« régime » syrien qui dit que ces armes
étaient destinées aux rebelles. La
présomption d’une autre destination est
clairement privilégiée, quand on sait
qu’un « régime » ne bénéficie d’aucune
crédibilité et ne constitue pas une
source recommandable en termes
d’information. Autour de ces grands
titres, beaucoup de faits divers plus
spectaculaires ou émouvants, les uns que
les autres, qui meublent le journal et
lui donne sa consistance. Pour
s’informer sur le sort des noirs
libyens, sur l’état de la famine en
Somalie ou sur d’autres faits
d’actualité, il faut chercher ailleurs.
Article publié sur
Les Débats
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