Opinion
Le changement bien
ordonné
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 30 mars 2011
Tout laisse
croire que l'Algérie est en train de
changer, par le bas, sans que les
«changeurs» à la mode «arabe»,
sponsorisés par les «grandes
démocraties», trouvent un quelconque
ancrage dans cette lame de fond, qui
pose les vraies questions des citoyens
réels. Il n'y a qu'à observer que toutes
les revendications révèlent les
véritables dérives et non pas les
noumènes, en vogue dans les menaces
aéroportées que lancent Hillary Clinton
et ses clercs européens. La première et
la plus déterminante de ces dérives est
l'abandon de la souveraineté nationale
au profit des marchands internationaux.
C'est elle qui explique le plus que les
richesses nationales ne contribuent pas
au développement du pays (pays riche,
peuple pauvre), mais à la prospérité des
fournisseurs étrangers et de leurs
relais locaux, quand
l'investissement public peut résoudre un
grand nombre de problèmes, dont ceux de
la croissance et de l'emploi. La
pression populaire pousse surtout dans
ce sens, qui ne se satisfera pas des
mesurettes «patriotiques» qui, de toutes
façons, ne peuvent suffire à inverser ou
à refondre une économie extravertie et
livrée aux vents capricieux du marché
mondial. S'ouvriront, bientôt, les
débats concrets sur le sujet. Parce
qu'il n'y a pas une autre réponse
économique que celle-ci. L'utilisation
pleine et entière de nos
ressources dans l'industrialisation du
pays et la dynamisation de notre
agriculture. La deuxième dérive, qui a
beaucoup à voir avec la première, est le
climat propice aux «affaires» qui s'est
créé (l'euphorie libérale et la panique
de rester sur le carreau) et qui a
provoqué une course effrénée à
l'accumulation, avec tout ce que cela
suppose comme «dessous de table»
nécessaires pour se frayer le chemin,
vers les contrats juteux, dans la
jungle des tractations commerciales et
irrésistibles pour des fonctionnaires et
des bureaucrates aspirés par le délire
de l'enrichissement. On appelle cela la
corruption, pour la dissocier, du point
de vue moral, du système qui la
nourrit et sans lequel elle ne pourrait
exister. La troisième dérive est d'avoir
cru que le peuple croit à l'économie de
marché et qu'il allait en accepter les
règles, alors qu'aucun peuple au monde
ne l'a fait de son propre gré. Ce qui
fait qu'on soit devant ce qu'il pense et
qu'il exprime dans différents modes
opératoires. Le personnel politique au
pouvoir essaie de réagir au coup par
coup. Mais, la dynamique semble en route
pour que le changement soit une révision
complète des données politiques qui ont
exclu ceux pour qui les mots démocratie
et droits de l'homme veulent dire autre
chose que le «chacun pour soi» dans une
course à armes inégales où les déjà
nantis et les «bras longs» sont en pole
position. Le minima requis se trouve
dans la rupture des accords
internationaux léonins et la libération
complète de l'initiative économique de
l'Etat, qui compensera les chimériques
IDE. Il y a un pays à reconstruire et un
peuple qui attend. En Tunisie, le débat
est ouvert, et on fait peur aux
Tunisiens. Le patron des patrons de ce
pays, M. Ben Sedrine, lance
l'alarme : «Le recours obsessif à l'Etat
Mama, au niveau de l'emploi, est une
chimère... Car les pansements et les
charpies étatistes ne servent à rien
dans les tranchées de la crise
sociale…». Son argument : «un monde où
les forces du marché et les agences de
notation dominent la planète. Organisent
la compétition entre les nations.
Contrôlent les richesses. Assurent la
gouvernance mondiale». Soit exactement
ce qui a été dit pour que l'Algérie
détruise ses capacités de production,
démantèle les dispositifs de protection
de son marché et sombre dans l'apathie,
en quête inassouvie d'investissements
illusoires.
Copyright © Les
Débats : Ahmed Halfaoui
Publié sur Les Débats
Reçu de l'auteur pour publication le 15
août 2011
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