Opinion
Spectacle à venir
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 29 août 2011
En Tunisie,
la «révolution» offre un spectacle qui
doit bien amuser ceux qui s'en sont bien
sortis. Le tour de passe-passe est en
train de réussir à merveille. Le
sacrifice de Zine El Abidine Ben Ali est
en train de payer au-delà de toutes les
espérances. Bien sûr, les Tunisiens ont
un peu moins peur qu'auparavant, qui
n'hésitent plus à faire grève ou à
manifester, mais l'essentiel est que,
dans leur écrasante majorité, ils ne
semblent plus avoir envie de refaire les
journées de janvier. La preuve : la
matraque a pu être remise au goût du
jour sans qu'il y ait de réactions. Les
matraqués en sont quittes pour leurs
blessures ou leurs ecchymoses, qui
finiront par guérir, le temps que la
colère se refroidisse. Au bout de la
transition, une grande kermesse va
tout occulter. En attendant ce jour,
toutes les mesures ont été prises pour
que rien ne change. Le peuple, de toutes
les façons, va avoir le vertige devant
la centaine et plus de partis qui vont
le courtiser. Comme c'est la première
fois que ça lui arrive de voter dans ces
conditions, il sera bien en peine de
dire ne pas y voir la démocratie, dans
toute sa plénitude. D'ailleurs, il se
permet même d'être indécis à plus de
60%. D'ici qu'il se présente devant
l'urne avec sa centaine de feuillets,
qu'il devra trier, seul dans l'isoloir,
seul avec sa conscience de citoyen qui
va opter en toute liberté pour une
option ou pour autre, il peut écouter
les doctes positions des uns et des
autres et surtout tenter de décortiquer
la subtilité du débat entre «démocrates»
et «islamistes», entre la promesse de
«jasmin» et une supposée régression. Il
faut dire qu'il n'y en a plus que pour
Ennahda, ce parti qui est le seul à
présenter une popularité, alors que tous
les autres sont soit inconnus, soit très
peu courus. Parmi ces autres, si tant
est qu'ils divergent réellement, c'est
la course à l'union sacrée contre le
péril qui menacerait et la démocratie et
l'économie et la nation. L'argument
massue est la menace sur les bikinis sur
les plages, sur les shorts dans les
rues, sur la bière dans les bars, donc
sur le tourisme, donc sur le gagne-pain
du peuple, donc sur l'avenir du pays. Ce
qui fait qu'en dehors d'être contre la
formation de Ghanouchi, on ignore ce
qu'ils proposent. Le gouvernement
transitoire alimente la paranoïa. De
déclarations, en mesures vis-à-vis des
mosquées, il paraphe la polarisation
providentielle. Les tireurs de ficelles
savaient bien que le truc allait
prendre. Ils savaient bien que d'un côté
il y aurait des tétanisés devant la
perspective islamiste et de l'autre des
islamistes qui jureraient ne pas l'être.
Les affaires sont sauves. La
«révolution» est préservée des périls et
les affaires sont hors de danger. Le
système, le vrai, n'est pas tombé. Sa
caricature jetée en pâture aux médias et
au peuple aura fait son office. En
octobre, le spectacle promet d'être
grandiose, parce qu'il fermera
définitivement une parenthèse qui n'aura
que trop duré. Tout le monde au
garde-à-vous devant la volonté du peuple
qui se sera exprimée. Vraiment ? C'est
ce qu'on dit. A moins qu'il se passe
autre chose. Nul ne sait.
Article publié sur
Les Débats
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