Opinion
Retour sur terre
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 29 mai
2012
L’un des
plus grands poètes israéliens
contemporains, Aaron Shabtai, avait,
nettement, refusé l'invitation au Salon
du livre de Paris, exceptionnellement
dédié à l'anniversaire de la création de
l'Etat d'Israël, son pays. Voici ce
qu'il a répondu à l'auteur de la lettre
: «Je ne pense pas qu'un Etat qui
maintient une occupation, en commettant
quotidiennement des crimes contre des
civils, mérite d'être invité à quelque
semaine culturelle que ce soit. Ceci est
anti-culturel ; c'est un acte barbare
travesti de culture de façon cynique.
Cela manifeste un soutien à Israël... Et
je ne veux pas, moi, y participer».
C'était en 2008. Deux années,
auparavant, en 2006, aucun journal
sioniste n'a voulu publier son poème
consacré à l'agression israélienne
contre le Liban. Il y disait, entre
autres : «Au nom de tous les livres
magnifiques que j'ai lus - Au nom de
tous les baisers que j'ai donnés -
Puisse l'armée être défaite !» En
Israël, sa vie est devenue un enfer.
Pourtant, la presse mondialisée ne vous
en parlera pas ou très peu. Pour la
simple raison qu'il n'obéit pas aux
critères qu'il faut et qu'il critique
Israël, se plaçant dans le camp des
ennemis de la «démocratie» certifiée par
la «communauté internationale».
Car,
justement, comme l'avait précisé
François Hollande, «si Israël est
l'objet de tant de critiques c'est qu'il
constitue une grande démocratie». Notre
poète, Aaron Shabtai, pour revenir à
lui, est convié au 5e Festival de poésie
à Jérusalem de novembre 2006. Il répond
ceci : «J'aimerais que mon nom ne figure
pas parmi la liste des participants…Je
m'oppose à ce qu'un festival de poésie
se déroule dans une ville où les
habitants arabes sont systématiquement
et cruellement opprimés, emprisonnés
derrière des murs, privés de leurs
droits et de leur espace de vie,
humiliés aux check-points, tandis que
les lois internationales sont violées.»
Il ajoute : «Pas plus dans le passé que
dans le présent, les poètes ne sont
autorisés à ignorer les persécutions et
les discriminations.» Dans cette même
ville, il y a quelques jours, s'est tenu
un festival littéraire, où ont été
exhibés un certain nombre d'écrivains,
qui ne sont pas du même avis que Shabtai.
L'un d'entre eux est un Algérien,
Boualem Sansal, qui en est «revenu riche
et heureux» et en regrettant qu'il n'y
eut pas «un Palestinien» dans le lot. Il
n'avait, simplement, pas compris que les
organisateurs n'ont pas pu trouver un
Palestinien disposé à jouer le rôle de
supplétif, quand le crime mobilise le
monde, quand en 2003, pour ne citer
qu'elle, une jeune fille de 24 ans,
ressortissante des Etats-Unis, est morte
écrasée par un bulldozer israélien dans
la bande de Gaza.
Selon les
autorités d'occupation : «Corrie était
dans la bande de Gaza pour servir de
bouclier humain dans une campagne
terroriste arabe» et «sa mort constitue
un coup dévastateur à la politique
d'Israël contre les terroristes». Rachel
Corrie était simplement membre de
l'International Solidarity Movement
(ISM), engagée contre les exactions
sionistes en Palestine occupée. Elle a
payée le prix d'avoir été du côté de la
justice contre la barbarie, quand
certains préfèrent le giron de l'infamie
régnante et les unes de la presse aux
ordres.
Article publié sur
Les Débats
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