Opinion
Médias : retour
sur un «printemps»
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 26 septembre 2013
Il y a à
peine deux années la presse mondialisée
était à l'affût du moindre frémissement
de la rue chez les Arabes et assimilés.
Il suffisait que quelques dizaines de
personnes se rassemblent pour qu'y soit
vu le début d'un " printemps "
dévastateur pour le gouvernement
concerné. La fébrilité était à son
comble. A tel point que l'essentiel des
moyens à l'international, reporters,
équipe et matériels de tournage, était
braqué sur la région. Depuis, il s'en
est passé des choses, la fièvre et
retombée et des foules peuvent
s'égosiller sans que soit dépêché le
moindre photographe. Peut-être que si,
mais pour faire dans le service minimum.
Pas plus. Plus question de s'exciter sur
un " changement " en marche ou une
explosion populaire vouée à se
transformer en " révolution ". C'est
ainsi, que les Marocains ont pu
manifester par milliers à Rabat, sans
que le bruit qu'ils ont fait ait fait
conclure au pire. En Tunisie, la partie
de bras de fer qui se joue entre le
pouvoir en place, détenu par les Frères
d'Enahdha et l'opposition ne donne pas
non plus beaucoup de grain à moudre aux
rédactions jadis " printanières ".
Absence de visibilité ou modification
des données de base, le constat est là.
Le " printemps " n'est plus un concept
porteur que l'on peut appliquer aux
événements actuels. Parce que les
mouvements en cours sont plutôt plus
ciblés dans leurs déterminations. Au
pays du Makhzen ce sont les atteintes au
pouvoir d'achat qui suscitent la colère
contre les Frères du PJD, auxquels le
roi a concédé la fiction de gouverner,
en Tunisie c'est l'enlisement des Frères
dans l'incapacité de produire les
miracles de la " solution " qu'ils
étaient censés détenir. Dans les deux
cas, le " printemps " a été décrété
avoir eu lieu, donc nous pouvons
supposer qu'il n'y a plus rien à voir.
Même si pour les peuples en question la
situation soit a empiré, soit n'a pas
évolué dans le sens voulu par les
révoltés. Le fait est qu'il y
ait eu reconsidération de l'analyse sur
ces peuples, réduits un temps à des
organismes primaires animés par des
pulsions instinctives. Désormais, leur
attitude fait peur. Ils n'ont plus
l'expression de ces cyber-activistes et
" droitsdelhommistes ", en phase avec la
" démocratie " labellisée " in ". Ils
sont eux-mêmes, tels qu'ils sont, avec
leurs propres aspirations, qui ne
figurent pas dans les stratégies des
officines occidentales, qui ne sont pas
intégrées dans la feuille de route
idéalisée d'une ouverture débridée aux "
forces du marché ". Pis encore, les
peuples ont très rapidement perçu qu'en
guise d' " amis " ils avaient plutôt des
adversaires à combattre et à
neutraliser. Un développement inattendu
du processus, qui a dû refroidir
l'ardeur des " démocratiseurs " et semer
le trouble dans leurs certitudes d'être
dans la phase finale d'établissement de
leur hégémonie. Maintenant c'est un
formidable retour de flamme qui doit
être affronté, dont les effets ne sont
pas encore connus et qui émane des
tréfonds des populations. Là où la
notion de démocratie est forte de tous
ses signifiants.
Article publié sur
Les Débats
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