Opinion
Démocratie et
violence économique
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 26 août
2012
L’inégalité
économique est, déjà, en soi une
violence, absorbée par le contrat
social, et refoulée grâce à la religion,
au fatalisme ou à la résignation des
exclus du pouvoir de l'argent. Cela
n'empêche pas que la propriété privée
sacralisée soit protégée par un arsenal
de lois et par la force armée, car tous
les individus ne sont pas également
soumis à la morale dominante où à
l'autorité. On trouve au premier niveau,
de la contestation de l'ordre social, la
délinquance ordinaire, mode
d'appropriation des biens inaccessibles
par la voie légale (affairisme, travail
salarié, revenu rentier…). Au dernier
niveau se manifeste la remise en cause
des fondements de la société, par les
projets révolutionnaires. Mais, en
général, sur de longues périodes la paix
sociale est maintenue par des mécanismes
de régulation, qui permettent d'éviter
les points de rupture et les conflits
majeurs, par des réponses financières où
matérielles aux revendications des moins
riches ou des plus pauvres. Cependant la
crise économique qui affecte le système
mondial de production et de distribution
capitaliste, des biens et des services,
commence à révéler que le contrat social
accepté de tous, peut s'avérer
inopérant. Il en est ainsi de la
démocratie, règle essentielle du jeu des
formations sociales occidentales, qui
connaît ses premières attaques, de la
part des représentants de la
"souveraineté populaire", sous couvert
de "plans de rigueur" et autres mesures
en faveur du sauvetage des banques et
des grandes entreprises. Elus par les
peuples, les pouvoirs se mettent
ouvertement au service de la finance
mondialisée. On a vu, à titre
d'illustration, l'Union européenne
menacer les électeurs grecs sur un
éventuel vote hostile à l'austérité. Ce
sera, d'ailleurs, cette affaire qui va
lancer un débat sur la nature du vrai
pouvoir. Roland Gori, psychanalyste,
professeur de psychologie à l'université
d'Aix-en-Provence, par exemple, découvre
que "le politique se trouve aujourd'hui
"colonisé" par les valeurs du marché. Au
nom d'une idéologie, celle de la "raison
économique" comme seule et unique
manière de peser le monde, la nature et
l'humain, le pouvoir installe de
nouveaux dispositifs". Des dispositifs
qui, dit-il, "confisquent la capacité
des citoyens à juger et à décider ce qui
est bon pour eux". Mais Gori procède
plus du constat, que de l'autopsie du
système, ce qui le fait s'en tenir aux
apparences et de ce fait ignorer la
question de savoir comment cela puisse
être que soit confisquée la capacité des
citoyens. Et, surtout, comment, comme il
le dit, "la démocratie fondée sur les
principes d'égalité et de liberté
politiques des citoyens tend à être à
l'heure actuelle remplacée par une
"expertise" bafouant la souveraineté
populaire". Le fait est que cette
"souveraineté" n'était respectée que
selon certains critères, celui où elle
ne met pas en danger les "valeurs du
marché", selon leur perception par le
pouvoir de cette "expertise", qui juge
aujourd'hui que la démocratie est un jeu
risqué. Le pouvoir en capitalisme ayant
pour mode d'adaptation de changer de
forme en fonction des exigences
historiques. Ce qui permet d'affirmer
que si la crise dure ou s'approfondit,
la démocratie sera mise au placard, pour
des jours meilleurs, et des
gouvernements autoritaires verront le
jour pour protéger, par la violence, les
profits et la survie des banques et des
entreprises.
Article publié sur
Les Débats
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