Opinion
Nos filles
continueront à monter à l'assaut du ciel
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 22 octobre 2013
Que la
condition de la femme dans nos pays,
l'Algérie en particulier, exige toujours
une sérieuse et fondamentale révolution
des consciences, des lois et des
rapports entre sexes, il n'en demeure
pas moins que les progrès enregistrés
procèdent d'une irrépressible dynamique,
qui n'est pas près de connaître une
involution. L'ordre ancien, ses codes
sexistes, ses pesanteurs et ses
sensibleries ont bien subi une
déstabilisation irréversible, sous
l'implacable poussée d'une société mue
par l'instinct de vie. La pulsion
initiale a été la libération du pays du
colonialisme, qui a permis la déferlante
de millions de femmes sur l'espace
social, à travers le système éducatif
massifié d'abord, où elles ont inversé
le ratio en leur faveur (plus de 60 % à
l'université), ensuite par leur conquête
du monde du travail dans tous ses
secteurs. Par delà elles ont gagné et
imposé, irrésistiblement, de larges
libertés. Au cœur du processus des
militantes ont accompagné et donné du
sens aux luttes multiformes contre
l'oppression et les dénis de droits,
tandis que la société patriarcale,
elle-même, composait avec des
contradictions nouvelles nées du
bouleversement dans le rôle assigné à la
population féminine. Un changement de
rôle qui heurte de front le statut
minorant qui lui est attribué. Ceci
ajouté à l'éclatement de la famille
traditionnelle, dictée entre autres par
le développement du salariat et
l'individualisation des revenus. Ce
formidable élan est pourtant occulté par
certaines voix, bien de chez nous et
émancipées chez nous, qui ont trouvé la
voie royale pour être reconnues, là où
est censée se faire, pour nous,
l'émancipation. Écoutons Soumia Salhi,
syndicaliste, en parler : " je suis
toujours agacée par le matraquage du
discours néocolonial, démultiplié par
internet, ce discours qui dit que rien
n'a changé et part du principe suggéré
qu'il existe, dans les pays du Nord
opulent, une espèce humaine supérieure
au sein de laquelle les femmes auraient
échappé à toute oppression ". Et elle
sait de quoi elle parle. Atteste du
contraire, en dehors des innombrables
violences qui frappent quotidiennement
les femmes au sein de cet Occident
prétendant à la civilisation du monde,
le scandale des couvents de l'horreur,
dénommés Magdalene asylum, dont le
dernier n'a fermé qu'en 1996 en Irlande.
Des milliers de femmes, parfois des
fillettes, y ont été jetées par leurs
parents, la justice, la police ou par
des prêtres. Les raisons vont de la
prostitution, dont elles se seraient
rendues coupables, au fait qu'elles
soient trop jolies, en passant par le
fait d'avoir été violées. Dans ces
couvents ces femmes sont soumises aux
pires des traitements, en sus du travail
forcé, sous la surveillance de nonnes.
Une sur dix y serait morte. Des cadavres
y ont été découverts, après leur
fermeture. Le gouvernement irlandais n'a
reconnu sa responsabilité que cette
semaine. Soumia, toujours elle, nous dit
: " Nous avons connu des joies et des
larmes. Nous avons eu beaucoup
d'espoirs, nous avons conquis beaucoup
de positions et résisté à l'adversité…la
vie a refleuri. Le combat a repris et
nos filles continueront à monter à
l'assaut du ciel. " C'est quand même
plus vrai que les simagrées de nos "
féministes " surmédiatisées, qui de
leurs promontoires de " bons immigrantes
parfaitement assimilées " se dorent le
blason à peu de frais pour la défense de
femmes, qui ne leur ont rien demandé,
qui ignorent qu'elles existent et qui
savent bien ce qu'elles doivent faire
par elles-mêmes.
Article publié sur
Les Débats
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