Opinion
Le possible
dérapage de François Hollande
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 22 octobre
2012
On commence
à comprendre les tirs à boulets rouges
contre François Hollande, à la suite de
sa reconnaissance que la police
française a commis un massacre contre
les Algériens, le 17 octobre 1961. La
déclaration du président français, en
elle-même, n'engageait pas tout le
passif colonial, puisqu'il n'était
question que d'un seul événement,
découpé, circonscrit, daté, rien avant,
rien après. Un fait suspendu dans le
cours du temps. Un fait qui, si on
pousse le raisonnement, n'était pas
inscrit dans les pratiques ordinaires
vis-à-vis de ce qui furent les
indigènes. Une erreur policière, dont
Maurice Papon, le préfet, l'individu,
serait le seul responsable, adossé au
laxisme de la République, qui est mise à
mal dans sa moralité et dans ses
principes. Une grosse bavure en somme,
sans plus, qui ne concerne pas
l'ensemble de la complexe histoire d'un
système barbare, dont le procès reste à
faire, quand l'humanité sera sortie des
ténèbres. C'est un geste a minima que
semble s'être autorisé à faire M.
Hollande. Mais les gardiens des lieux de
mémoire, les idéologues de la stratégie
qui n'a jamais quitté les centres du
pouvoir français, sont aux aguets. Toute
incartade sur la lecture officielle du
passé est considérée comme un danger
mortel. Demain, M. Hollande ou d'autres
peuvent aller plus loin, glisser vers le
pire, se prêter à remettre en cause le
colonialisme en stigmatisant ses crimes.
L'un des pourfendeurs du président
français est Henri Guaino, cet
ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, pour
lequel il écrivait des discours, des
morceaux d'anthologie, tel ce
chef-d'œuvre du genre : le discours de
Dakar en 2007, où les Africains ont eu
droit à une leçon de bonne conduite
vis-à-vis d'eux-mêmes, tels qu'ils
seraient, des bons à rien, et vis-à-vis
des «civilisateurs». Concernant
l'Algérie, M. Guaino, qui parle
désormais pour son propre compte, a dit
: «Si le président de la République va
en Algérie, fait acte de repentance pour
tout ce qui s'est passé, et qui était
horrible de part et d'autre, que va-t-il
dire aux Français, dont les parents ou
les fils ont été égorgés, éventrés ? Il
est sur une très mauvaise pente. A force
d'abîmer son pays, son image, son
histoire, on ne rend pas service à la
nation». Passons sur le «part et
d'autre» et sur l'amalgame de la victime
et du bourreau, arrêtons nous sur la
mise en garde contre ce qui serait le
fait de ne pas «rendre service à la
nation». Aucune autre interprétation ne
peut être validée, ici, que celle qui
voudrait que la France coloniale doit
être préservée et qu'elle aurait
toujours de l'avenir. Et avec la
possibilité de saisir des opportunités
d'expansion, comme au bon vieux temps de
l'empire. Pourtant, le même monsieur,
qui réagissait à la répétition par
François Hollande du mea-culpa sur la
déportation des juifs, avait quelques
nuances sur le sujet. Emporté, il avait
déclaré : «Si c'est la France qui a
commis la rafle, comme le dit Hollande,
il donne raison à Pétain. Vichy était la
France, son gouvernement était légal.
Mais Vichy n'était pas la France ! Je
peux m'excuser pour ce qu'ont fait des
gouvernements de la République pendant
la colonisation. Pas pour Vichy.»
L'hostilité au maréchal Pétain, lui
avait laissé accepter ce qu'il rejette.
Une preuve que les colonialistes ont
toute conscience de la barbarie, quand
ils en louent les «bienfaits».
Article publié sur
Les Débats
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