Opinion
L'Etat d'urgence
économique, cet euphémisme «
démocratique »
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 22 août 2013
Un certain Christian Saint-Etienne a
jeté sur la scène un nouveau concept,
qui commence a faire florès. Non pas
qu’il soit particulièrement producteur
de génie, mais parce qu’il a eu l’art de
voler au secours du discours dominant,
en panne d’outils sémantiques
mystificateurs. Le monsieur offre une
bouée de sauvetage, aux gouvernements
confrontés aux difficultés politiques et
sociales, découlant de la mise en œuvre
des mesures d’austérité qui leurs sont
dictées par les banquiers et par les
institutions financières
internationales. Recyclant à peine une
procédure constitutionnelle, prévue pour
assurer l’ordre public en cas de
troubles majeurs, l’état d’urgence
appliquée aux libertés publiques, il
invente « l’état d’urgence économique ».
L’objectif pour être réalisé doit être
sous-tendu par une condition, ennoblie
par une terminologie appropriée, celle
de « remettre l'homme libre et
responsable de ses actes au cœur de
notre société politique ». Pour
notre concepteur, jusqu’ici n’a régné
qu’une tradition de « médiocrité
consentie ». Entendre par-là un mode
de gestion de la chose publique qui
intègre le fait d’hésiter devant le
front social. Bien sûr Saint-Etienne ne
le dit pas en ces termes. Il fait usage,
encore, de formules qui n’affrontent pas
le bon sens ordinaire. Il opte pour une
imagerie des choses. Pour lui, la France
« se programme pour être un nain en
2017 » et, toujours d’après-lui,
pour conjurer cette issue jugée
dramatique « il faut briser le
charme pour réveiller la Belle
endormie ». Le profil de l’auteur
est d’être professeur au Conservatoire
national français des arts et
métiers … et rien moins que membre de
l'Union des démocrates et indépendants.
N’y trouvons pas de contradiction depuis
que la « démocratie » régnante s’est
mise à dérouler sa nature profonde, dont
l’appartenance militante ne l’empêche
pas de considérer que « la rage
égalitariste pousse le corps social à
la recherche d'une uniformisation par le
bas ». L’état d’urgence économique
viendrait, ainsi, à point nommé écraser
la tête du «serpent de la lâcheté
collective ». ce genre de propos
passerait pour une énième lubie, d’un
énième illuminé, si tout autour et au
cœur du système politique européen, en
particulier, ne se manifestait pas de
plus en plus les signes d’une
fascisation, qui n’est retardée que
grâce à une relative léthargie du front
social encore illusionné par l’idée de
l’intangibilité de « l’Etat de droit »,
considéré comme un acquis éternel. Le
concept de Saint-Etienne a quand même
traversé la Méditerranée pour être porté
par la présidente de l'Union tunisienne
de l'industrie, du commerce et de
l'artisanat (Utica), qui s’est offusquée
de ne pas trouver de répondant à l’appel
de son organisation de « décréter
l'état d'urgence économique, à
tranquilliser les investisseurs
nationaux et internationaux ».
Datant de 2012, ces « appels n'ont
aucune suite » dit-elle. En
écho une « agence de notation » a
enfoncé la crédibilité de la Tunisie à
cause de « l’instabilité politique ».
C’est dire que la finance et le profit
se soucient peu des préoccupations des
peuples.
Article publié sur
Les Débats
© 2013 Les Debats
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