Opinion
Algérie : la
faillite de la «démocratie-maison»
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 21 mars
2012
Le plus grand paradoxe du paysage
politique algérien est que l'opposition
la plus radicale, la plus visible et la
plus médiatique , est constituée de
personnes qui ont soit été au cœur du
pouvoir, soit été faites notoires et
milliardaires par ce même pouvoir. Cette
même opposition est, de plus, résolument
acharnée à user du soutien de puissances
étrangères. Dans les bureaux où on a
fabriqué cette " engeance " on doit se
cogner la tête contre les murs. Les
apprentis sorciers avaient cru baliser
la " démocratie " concédée après les
feux d'octobre 88 par un personnel triés
sur le volet. A commencer par ces
journalistes " réformateurs ", tous
issus de la presse unique. Il fallait
occuper l'espace et ne rien laisser au
hasard. Cela a marché un certain temps.
Le temps que les fortunes se fassent et
que l'appétit s'aiguise. Le temps,
encore, que la menace islamiste
s'estompe. Ce qui fut fait selon un
canevas ficelé. Au départ, la "
démocratie " a eu les représentants et
la presse qu'il fallait, qui
connaissaient les codes et les modes
d'emploi. Exit toute possibilité
d'infiltration du nouveau discours
dominant. De la lutte contre le
terrorisme à la conquête des espaces
d'expression, en passant par la
glorification de l'économie de marché et
la stigmatisation du " socialisme ", de
l'Etat providence et du secteur public
économique, la mission a été accomplie
sans faille. Toujours sur le pont, les
ex porte-voix du parti unique ont veillé
par l'occultation et par le bruit à
évacuer toutes les résistances qui
pouvaient freiner la marche triomphale
du démantèlement des conquêtes
socioéconomiques de l'Algérie
indépendante. Les tireurs de ficelles
croyaient tenir le bon bout. Ils
croyaient avoir les relais qu'il
fallait, qui tiendraient la société et
la protégeraient des influences
indésirables. En prime, régnerait la
démocratie domestiquée et immunisée
contre les vents contraires. Ce calcul
était presque parfait, en théorie. Mais,
imperceptiblement, la machine commença à
connaître des ratés. Puis, les vents
contraires se levèrent d'où on ne les
attendait pas. C'est du cœur du
dispositif censé asseoir la stabilité
politique que vinrent les coups de
boutoirs les plus violents, sans que la
possibilité de crier à la trahison soit
offerte. Voilà un ex premier ministre ou
ministre qui s'épanche dans la presse
étrangère et cet ex journaliste du
sérail qui prend fait et cause pour les
pressions extérieures. Voici ce chef de
parti, porté au pinacle, qui en appelle
à la " communauté internationale "
contre ses parrains " devenus "
dictateurs, par le miracle de sa
mutation en opposant. Désormais, il y a
loin de cette cuisine qui paraissait
infaillible de précision et de
perspicacité. Les défenseurs pressentis
du système reconfiguré se sont émancipés
et briguent les rênes du pays au prix de
toutes les opportunités qui s'offrent,
dont la principale est résumée dans
l'espérance ouvertement exprimée de
l'ingérence étrangère. Dans leur élan,
ils n'hésitent même pas à tenter de
faire un bilan noirci de l'indépendance
versus un bilan positif suggéré du
colonialisme. Ces derniers jours, l'un
des enfants gâtés du journalisme
algérien a cru bon d'interpeler contre
sa repentance, le chef du parti français
qui a appliqué les " pouvoirs spéciaux "
aux Algériens, Triste dénouement,
faut-il conclure, de l'opération "
démocrates-maison ".
Article publié sur
Les Débats
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