Opinion
Les Al Saoud et la
démocratie
Ahmed Halfaoui
Mercredi 20 avril 2011
Les Al
Saoud sont la dynastie qui a conquis
l'Arabie par le sabre pour en faire leur
propriété privée. Soit 40 frères et
demi-frères qui se succèdent au pouvoir
depuis plus de 80 ans. Ils sont
immaculés aux yeux des fournisseurs de
bombardiers «démocratiseurs». Chez eux,
on ne vote pas comme on veut, mais
personne n'y voit l'exercice d'un
diktat. Bien au contraire, ils sont dans
le peloton de tête de l'équipée
«humanitaire» et «démocratique», contre
les dictatures «arabes». On tient,
peut-être, compte qu'en 2005, la moitié
des sièges des conseils municipaux
d'Arabie saoudite avait été pourvus par
des élus. Ce fut une première
historique, une extraordinaire ouverture
politique et une gigantesque concession
à la représentativité populaire. Les
élections municipales se déroulent en
trois phases. Ne cherchons pas à
comprendre pourquoi. Contentons-nous de
savoir que sur 1 200
conseillers municipaux, les Saoudiens
ont le droit de désigner, par les urnes,
600 d'entre eux et que les 600 autres
seront nommés par les autorités de
Riyad. Seuls deux tours ont eu lieu, le
troisième devant se tenir en 2009 a été
différé de deux ans. Là aussi, il est
inutile de s'attarder sur le pourquoi de
la chose car l'argument qui consistait à
prendre le temps d'améliorer le
règlement et éventuellement préparer
l'ouverture du scrutin aux femmes n'a
pas tenu, ou très peu. Le troisième tour
va se tenir le 23 avril prochain. Il
paraît qu'il y a un principe qui prévaut
: la population accepte de ne pas voter
et, en échange, elle ne paie pas
d'impôts. Implicitement, les richesses
du pays appartiennent aux Saoud, qui en
font l'aumône au peuple. Quant aux
Saoudiennes, elles seront dispensées de
la corvée du déplacement vers les
bureaux de vote. Elles ne font pas
partie du corps électoral et elles ne
peuvent se porter candidates. Selon le
président de la commission électorale,
elles pourraient voter au prochain
scrutin… dans quatre ans, après étude du
«problème». Rendez-vous est pris.
Certainement qu'elles devraient
commencer par avoir le droit de conduire
ou de voyager sans l'autorisation d'un
tuteur. En résumé, en Arabie saoudite,
on ne vote que pour les mairies, on
n'élit qu'une partie des conseillers
municipaux et les femmes ne sont pas
électrices, donc pas citoyennes. Mais la
«communauté internationale» n'y voit pas
de mal, ne s'en offusque pas et ne
trouve même pas à redire quand les
troupes saoudiennes sont allées «calmer»
à coups de mitrailleuses les
manifestants bahreinis. Parallèlement,
Al Jazeera, qui ignore, dès 2007,
l'opposition saoudienne et tout ce
qu'elle peut faire, comme l'agitation
endémique des populations de l'est du
royaume, ne trouve pas les
révolutionnaires du Bahreïn dignes de
figurer dans «l'épopée» qu'elle
chevauche. Et les autres chaînes arabes,
qui ont tenté de couvrir leur lutte et
la répression criminelle qui a frappé
les insurgés chiites, ont été
systématiquement brouillées sur le
satellite Arabsat. Histoire de dire que
cela n'existe pas. Après tout ça, il y a
parmi nous des «démocrates» qui sont
tout contents des appréciations,
jugements, et remontrances des «démocratiseurs»,
jusqu'à en faire des manchettes grandes
comme on ne peut pas.
Copyright © Les
Débats : Ahmed Halfaoui
Publié sur Les Débats
Reçu de l'auteur pour publication le 15
août 2011
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