Opinion
La Libye anticipée
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 19 novembre
2011
L'Organisation du Traité de l'Atlantique
Nord n'a pas réussi entièrement ses
objectifs en Libye. Il ne s'agit pas ici
de la destruction de l'Etat libyen, ni
de l'installation de ses propres Libyens
à la tête du pays, choses accomplies. Il
s'agit plutôt de sa tentative de faire
passer sa mission pour une «protection
des civils» et pour une assistance à
l'instauration d'une ‘’démocratie’’.
Pour les civils, l'OTAN ne pourra pas
cacher indéfiniment les dizaines de
milliers de morts que ses bombardiers
ont déchiquetés ou que ses supplétifs
ont égorgés. Pour la
‘’démocratie’’, elle ne pourra
empêcher la réalité du pouvoir fantoche
qui a succédé à Kadhafi. Sans préjudice
de la gouvernance musclée qu'il faudra
exercer pour tenir en respect un peuple
(y compris les ‘’révolutionnaires’’)
habitué à des prodigalités socioéconomiques sans pareille dans le
monde et qui, du jour au lendemain,
devra se faire aux rigueurs financières
de l'économie de marché. Mais, était-ce
dans ses préoccupations de tenir
réellement compte de l'opinion publique
? L'aventure libyenne est désormais
entrée dans sa phase décisive. Le
partage de la proie. Les plaintes des
victimes, les invectives des gens de
bien et les éventuelles pantomimes des
organismes officiels des droits de
l'Homme, ne feront pas ciller les
chargés d'affaires, tout à leur frénésie
de s'assurer une part de marché. Et le
débat fera beaucoup de déçus parmi les
prédateurs de la première heure. Les
plus perspicaces des observateurs le
disent : «Ils ont tué pour presque
rien.» Ce seront les Etats-Unis qui
mèneront la danse. On a vu cela le «jour
de la victoire» quand ce fut la
‘’Charia’’ à la place de ces jeunes
gominés et de ces filles arborant le
drapeau tricolore en logo sur leurs
joues. On s'est fait une quasi certitude
quand on a appris que le Qatar avait
5.000 hommes au sol et que le Premier
ministre désigné est sorti directement
d'une valise étatsunienne. Sa première
tâche sera de s'entourer d'un personnel
présentable et convaincu de servir le
puissant du moment. Les Libyens
attendront qu'on leur concocte des
élections et qu'on trouve des solutions
appropriées à leurs propensions
culturelles bédouines. Le plus urgent
est de rétablir le fonctionnement de la
pompe à dollars. Et, comme dans tout
milieu régi par la violence, ce seront
les plus forts du moment qui se
serviront les premiers et qui
s'approprieront les lots les plus
juteux. Les comparses attendront leur
tour dans le strict respect de la
hiérarchie. Inutile de se demander ce
que deviendront ceux qui nous ont été
exhibés, un jour, sur le perron de
l'Elysée. Leur rôle est terminé. L'un
d'entre eux, Mahmoud Jibril, a déjà pris
le parti de se retirer de lui-même. Les
autres suivront ou seront poussés à le
faire. Reste, tout de même, l'hypothèse
forte d'une lutte armée entre les
différentes factions et entre les
chefferies de tribus qui aspiraient à
des parcelles de pouvoir. Soyons assurés
que ce sera plus un bien qu'un mal pour
les maîtres de l'ouvrage. Parce que ce
sera une justification plus forte que la
résolution 1973 pour s'installer avec
armes et bagages, pour protéger les
installations pétrolières et leur
exploitation.
Article publié sur
Les Débats
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