Opinion
Autopsie d'une
information
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 16 janvier
2012
En Syrie,
comme nous le disent les médias, il y a
un peuple, tout le peuple, qui se
révolte et un «régime» qui lui tire
dessus. Il est bien question, de temps
en temps, de «déserteurs» constitués en
«armée syrienne libre» qui font le coup
de feu, sans plus. Les morts, tous les
morts ou presque, sont du fait de
l'armée régulière ou pour parler comme
les médias «l'armée de Bachar El Assad».
Et puis il y a eu un mort pas comme les
autres, pas un Syrien, un journaliste
qui, de surcroît, travaille pour France
2, la première chaîne publique
française. Gilles Jacquier a été tué à
Homs par un tir d'obus, alors qu'il se
trouvait parmi un groupe de confrères
accompagnés de citoyens et de militaires
syriens. Les réactions ne se sont pas
fait attendre, qui n'intègrent pas les
huit victimes syriennes. On commence par
celle de l'un de ses collègues de la
chaîne, Loïc de la Mornais : «Soit des
éléments de l'Armée syrienne libre ont
aperçu un convoi officiel entouré de
militaires, et ont attaqué, en ignorant
la présence de journalistes occidentaux.
Soit il s'agit d'un coup monté par les
services syriens, qui ont fait venir des
journalistes pour organiser un attentat
visant à faire peur. Le régime syrien en
est largement capable». On y relève que
l'hypothèse des groupes armés est
soulevée, mais ils sont dédouanés. Ils
n'auraient pas tiré s'ils avaient su
qu'il y avait des journalistes
étrangers. Par contre le «régime syrien
en est bien capable». Cette position
rejoint celle de l'Elysée qui «soupçonne
une manipulation» des autorités
syriennes. L'une des sources (citée par
Le Figaro) dit ceci : «On peut croire à
un malheureux accident. Mais il tombe
plutôt bien pour un régime qui cherche à
décourager les journalistes étrangers et
à diaboliser la rébellion». Le directeur
des rédactions de France Télévisions,
Thierry Thuillier, estime qu'il y a des
«éléments troublants» qui entourent
l'événement. Concernant ces éléments qui
le troublent, le directeur s'interroge :
«Par exemple, pourquoi, alors que ce
convoi de journalistes est escorté
militairement, pourquoi d'un seul coup
les militaires disparaissent de la
circulation au moment des premiers tirs
?» et «pourquoi des civils pro-Assad, et
non des officiels du régime, ont-ils
guidé les équipes des journalistes vers
les points d'impact ?» Des questions qui
laissent sans voix. Selon lui, des
militaires au sol n'auraient pas dû se
mettre à l'abri et plutôt couvrir de
leurs corps les journalistes (cela les
aurait protégés), les accompagnateurs
sont «pro-Assad» et ont «guidé vers les
points d'impact» et les officiels,
suivez mon regard, savaient de quoi il
retournait, puisque ce ne sont pas eux
qui se sont occupés de la délégation.
Ensuite, viennent les journaux. Le
point.fr, par exemple, (13/01/2012),
«Syrie : Gilles Jacquier a-t-il été
assassiné ?» «De nombreux détails
troublants autour de la mort du reporter
français vont dans le sens d'une attaque
commanditée par Damas». «Difficile enfin
d'imaginer que les dissidents syriens
sont assez équipés pour lancer quatre
obus avec une telle précision sur la
même cible». En définitive, le
gouvernement syrien est ainsi fait qu'il
persiste à démontrer que sa
diabolisation n'est pas le fait du
hasard et qu'il fera tout pour que sa
réputation de tueur ne souffre d'aucune
ambiguïté.
Article publié sur
Les Débats
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