Opinion
Sauvetage de la
Grèce
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 13 juin
2013
La Grèce
se confirme en laboratoire à ciel ouvert
du néolibéralisme et de l'efficacité du
Traité de Lisbonne. A chaque fois que
nous croyons la démonstration achevée,
se produit un fait nouveau, encore plus
spectaculaire. Et cette fois-ci, il est
des plus inattendus pour ceux qui
avaient cru avoir tout vu de ce dont est
capable le système. Ils ont vu les
usines fermées, les travailleurs
licenciés, les revenus ponctionnés, la
pauvreté s'installer, ils n'auraient pas
souscrit un seul instant à l'idée que la
Télévision publique (ERT) passe à la
trappe. C'est ce qui vient d'arriver. Le
gouvernement grec lui a fait baisser les
rideaux. Trois chaînes, qui employaient
plusieurs milliers de personnes,
n'existent plus. D'après le porte-parole
des autorités, Simos Kedikoglou, le
geste constitue un acte de salubrité
publique contre la «mauvaise gestion»,
puisqu'il est considéré que l'ERT est
«un cas exceptionnel d'absence de
transparence et de dépenses incroyables.
Et tout ceci prend fin maintenant». Un
argument qui se veut imparable et qui
doit justifier un acte unique au monde.
Un précédent aussi, peut-être une
jurisprudence qui peut être invoquée
ailleurs, maintenant que les
imaginations ont été frappées. Une
promesse au bout. Une nouvelle structure
verra le jour sous une «autre forme»,
nous ne savons quand avec… énormément
moins de personnels. La mesure est
tombée sans préavis, sans information
préalable. Les «créanciers» étaient à
Athènes, ils ont dû féliciter les
dirigeants grecs pour leur respect des
règles qu'ils ont édictées pour le
«sauvetage de la Grèce». Ce sont les
représentants de l'Union européenne, de
la Banque européenne et du Fonds
monétaire international. La satisfaction
est certainement à son comble, surtout
dans la conjoncture actuelle où les
Grecs ne veulent pas se laisser faire.
Il n'y aura plus que les télévisions
privées pour communiquer et informer,
autant dire que l'espace d'expression
s'est drastiquement réduit. Ce qui a
fait réagir la Confédération générale
des travailleurs grecs (GSEE) qui met le
doigt sur le problème : «ERT appartient
au peuple grec ... c'est le seul média
indépendant et la seule voix publique,
qui doit rester dans le domaine public».
De son côté, le syndicat de journalistes
Poesy s'est prononcé pour une grève
immédiate de soutien dans les médias
privés, alors que les employés d'ERT
comptent résister. Un autre pas vient
d'être franchi dans le domaine des
médias vers leur marchandisation totale.
Le service public – c'est-à-dire un
service non lucratif par principe, dont
la rentabilité est immatérielle, mais si
déterminante pour la société humaine en
termes de diffusion d'œuvres culturelles
et d'ouverture politique et sociale – va
disparaître. Resteront, dans la place
libérée, les vendeurs de publicité, les
spécialistes de la décérébration et les
propagandistes des forces du marché et
des guerres colonialistes. Au Portugal,
le débat est ouvert depuis quelques
mois. Le chroniqueur Nobre Correia
s'insurge : «Pedro Passos Coelho
(Premier ministre) ne jure que par le
modèle libéral anglo-saxon ou allemand
et prend, sans le savoir, pour exemple
des pays où le service public de
l'audiovisuel est le plus solide. Le
Portugal, en privatisant son service
public de télévision, deviendrait un cas
à part dans l'Europe des 15». Le
chroniqueur oublie juste que son pays
est un maillon faible et que l'on
commence toujours par le maillon faible.
Article publié sur
Les Débats
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