Opinion
Les Frères sans
printemps
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 13 mai 2013
Les Frères
algériens ont d'abord changé de camp.
C'était, à leur corps défendant, la
seule chose à faire que de quitter
Bouteflika et son alliance
présidentielle. Rappelons-nous qu'ils
étaient très peu nombreux dans les
faiseurs d'informations à ne pas leur
dire que l'Algérie devait faire un
«printemps». Ils ont donc fait ce qu'il
fallait. Ils ont même construit une
Alliance, verte pour l'assortir avec la
couleur de la saison attendue. Il faut
dire qu'il y avait de quoi être sûr de
faire la bonne affaire. Autour, chez les
Arabes et assimilés, tous les Frères ont
gagné la partie, grâce à l'OTAN ou à la
faveur d'élections. Avec une nuance pour
les Frères marocains qui ont été obligés
de se contenter de strapontins, faute de
mieux au royaume alaouite. Alors la
providence ne devait pas décevoir en
Algérie. Là ! Rien ne s'est passé comme
prévu. Les analystes, spécialistes,
experts, reporters de presse avaient
seulement cru à leurs propres fantasmes.
Les Algériens, non seulement, n'ont pas
bougé dans le sens voulu, mais
paraissent ne plus être fascinés par le
fonds de commerce religieux. Ils ont
même, peut-être, été aidés en cela par
le trop d'empressement de la confrérie à
abattre ses cartes avant que de
s'assurer de la suite des événements.
Les Algériens n'ont pas du tout aimé le
cheikh en chef des Frères dévoiler ses
accointances avec leurs ennemis jurés,
les colonialistes. Parce que les
Algériens, qu'on dit «nationalistes
ombrageux», sont plutôt et surtout très
vigilants sur certaines choses, qui
touchent au sacrifice de millions de
leurs aïeux et de leurs aînés. Les
Frères, comme les autres «changeurs»,
n'ont pas perçu ce phénomène. Ils ont
opté pour le mépris du peuple qui
«refuse de changer», parce qu'il aurait
été acheté par le «régime». Le fait que
ce peuple ait des préoccupations plus
concrètes, que le lyrisme d'un
«changement» indéfini, au lieu de
tempérer les ardeurs printanières les
renforce, eu égard au grand dépit qui a
prévalu, qui pousse à la fuite en avant,
histoire de ne pas perdre la face. Tant
pis, si les grèves, émeutes et autres
mouvements de contestation démontrent
que le «régime» n'a rien acheté du tout
et indiquent le type de changement
souhaité. Ainsi, les Frères qui ont
perdu beaucoup des leurs, partis
chevaucher des opportunités moins
compromises, continuent de délirer. Ils
viennent de changer de tête. Une
occasion d'attirer l'attention sur eux
et une façon de confirmer leur rupture
avec Bouteflika, en se débarrassant d'un
visage trop «compromis» avec le
«pouvoir». Le nouveau patron du MSP peut
désormais dire sans être gêné aux
entournures : «Avant, on était dans le
gouvernement, on avait des ministres
dans le gouvernement. Maintenant, on n'a
pas de ministres dans le gouvernement.
Maintenant, on est plus libres de
critiquer ce gouvernement et de donner
notre point de vue». Difficile pourtant
d'expliquer, en dehors de la trompeuse
euphorie printanière, ce qui a bien pu
provoquer le revirement, quand jusqu'au
bout les Frères ont soutenu à bout de
bras le «programme du Président», qui
n'a pas été modifié à ce que l’on sache.
Article publié sur
Les Débats
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