Opinion
Les politiques et
les peuples
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 10 décembre
2012
En
politique il y a, d'un côté, ceux qui la
pensent et ceux qui l'écrivent, et, de
l'autre, ceux qui sont capables de la
faire, les peuples en général. Ceux du
premier côté font tout ce qu'ils peuvent
pour que ceux du second fassent ce
qu'ils veulent qu'ils fassent. Ils sont,
pour la plupart, le plus souvent déçus.
L'année 2011 a été très riche en ce
sens, chez les Arabes et assimilés. En
Tunisie et en Egypte, les peuples n'en
ont fait qu'à leur tête, déjouant
presque tous les pronostics. Par
exemple, ils devaient revendiquer la
démocratie, c'est ce qui était écrit.
Les peuples n'étaient pas au courant.
Ils n'ont pas lu et ne savaient pas ce
qu'ils devaient faire, selon les
principes en vigueur dans les espaces où
l'ont pensent pour eux. La plus grande
«surprise», selon la doxa dominante, a
été que ce sont les Frères musulmans qui
ont été élus, quand les peuples ont
voté. Les peuples avaient donc une idée
bien particulière de la démocratie et
sûrement pas celle des «démocrates».
Puis, vint le tour des Frères de
découvrir les illusions qu'ils se sont
construites. Les peuples étaient
«musulmans», ils devaient donc accepter
leur règne. Les Frères tunisiens et
égyptiens, comme Zine El Abidine Ben Ali
et Hosni Moubarak avant eux, affrontent
leurs peuples qui tout «musulmans»
qu'ils devraient être ne veulent plus
d'eux. Ces peuples prouvent ainsi qu'ils
ne pensent pas du tout comme disent ceux
qui pensent pour eux. Mais il y a pire
dans l'erreur de jugement. Il a été dit
aux peuples qu'ils avaient fait la
révolution, afin de leur expliquer que
c'était fini, qu'ils avaient réalisé ce
qui devait être réalisé. Le mot le plus
beau qui soit a été trouvé. Les peuples
avaient fait le «printemps». Encore une
fois, les peuples ne semblent pas être
d'accord ou être au courant de la chose.
D'ailleurs, depuis près de deux ans que
cela dure, ils n'ont jamais arrêté ce
qu'ils avaient commencé, même s'ils ont
consenti (un tant soit peu) à voter, en
se disant certainement que cela ne
coûtait rien de le faire. Preuve en est,
qu'ils sont en passe de tout remettre à
plat, tout comme au début de l'année
dernière. Vient alors le besoin de
s'interroger sur ce qui n'a pas
fonctionné entre ceux qui pensent et
écrivent la politique et les peuples. La
réponse se présente dans toute sa
clarté. Tout se trouve dans le contenu
de ce que veulent les uns et les autres.
Surtout que, désormais, les peuples ont
de toute évidence décidé de ne plus
avoir peur de dire ce qui va mal. Ainsi,
leur irruption sur la scène permet de
constater qu'ils n'ont pas du tout les
mêmes préoccupations que les
«démocrates» patentés ou les Frères, et
ce qui les fait bouger est quelque chose
de plus concret et de plus palpable.
Dans la foulée, les peuples se sont
donné la liberté de dire et d'agir en
politique, mais sur leur réel, sur ce
qui entrave leur vie, directement. Comme
le peuple est surtout fait de pauvres et
d'exclus, ses besoins sont très
pressants et très pratiques et n'exigent
pas de circonvolutions intellectuelles
compliquées pour être exprimés. Bien
plus, les Tunisiens et les Egyptiens
sont, aussi, en train de démontrer qu'on
ne peut plus leur faire d'entourloupe en
réagissant aux manœuvres politiques.
Parions que dans les sphères éthérées
des politiques, les têtes doivent être
soit paralysées, soit déboussolées.
Article publié sur
Les Débats
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