Opinion
L'Afrique du Cap à
Alger
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 10 décembre
2011
Colonisée,
déstructurée, asservie, saignée dans ses
enfants, l'Afrique n'en finit pas de
panser ses plaies. Bien sûr, qu'elle est
indépendante et qu'elle est souveraine,
selon le droit international. Elle a
même le devoir de garder ses forces
vives chez elle, pour les empêcher
d'aller polluer de leur présence les
équilibres sociaux de l'Europe. Cette
Europe qui s'est construite en lui
suçant sa sève et en tuant sa terre.
Cette terre dévoyée, torturée, vidée de
sa biodiversité, au profit des cultures
industrielles du capital colonial. Ce
capital colonial qui a exporté durant
des siècles ses richesses vers sa
métropole insatiable. L'Afrique
exsangue, ne retient plus sa
progéniture, alors obligée d'aller
chercher la vie dans ces pays qui la lui
ont ravie. Mais, l'Europe ne veut
d'elle. Elle veut profiter seule de
cette opulence qu'elle doit, pour
beaucoup, à la vampirisation du
continent noir, qu'elle continue de
pressurer, de paralyser et de miner dans
ses fondements. Les pays d'Afrique du
Nord sont chargés d'endiguer la
prétendue invasion migratoire et ils s'y
attellent avec zèle. L'Etat algérien
vient de procéder au jugement expéditif
de plus d'une centaine de migrants
«subsahariens» et de décider de les
expulser, dans des conditions qui font
rougir de honte ceux qui sont toujours
attachés aux idéaux de liberté et de
justice, et à la fraternité des opprimés
née dans le vaste mouvement de
libération africain. Au Maroc, les
vedettes de la Marine Royale ont
intercepté, mardi dernier, 57 migrants
subsahariens à bord d'une embarcation.
Deux hauts faits de «la lutte contre
l'immigration illégale». Ceux qui
échappent aux mailles du filet, finiront
au fond de la Méditerranée ou, avec un
peu de chance, dans un atelier
clandestin ou dans le dénuement et les
refuges de fortune, traqués par la
police qui protègent la quiétude des
nantis. Plusieurs événements régionaux
ont contribué à accentuer le mouvement
migratoire des populations
subsahariennes vers l'Algérie. Peu
importe qu'elles soient les victimes des
manœuvres néocoloniales qui
déstabilisent et orchestrent les guerres
civiles. La Côte d'Ivoire mise à genoux
pour être finalement confiée par l'ONU,
sous les ordres de la «communauté
internationale», à un président
«certifié» faisait travailler un million
de ressortissants de ses voisins. Il va
sans dire qu'elle ne peut plus faire
travailler ses propres citoyens. La
Libye accueillait des millions
d'Africains. Grâce à l'OTAN et à sa
«révolution», grâce aux massacres qui
les ont ciblés, ils ont fui vers leur
pays et vers n'importe où, pour retomber
dans la misère. Au Soudan, avec les bons
offices des Occidentaux, les foules de
migrants ont dû aussi partir à la
recherche d'une terre plus clémente. Et
puis on les nomme les «subsahariens»
pour les distinguer, à première vue,
d'on ne sait quels autres Africains. Ce
terme, anodin en apparence, qui permet
dans le même temps de les caractériser
différemment et d'en faire une catégorie
à part, a fini par prendre une
signification particulière, chargée de
sens. Il aurait été plus simple
d'utiliser le nom de leurs pays ou de
leurs territoires différenciés. Ce n'est
pas le cas. Le terme est devenu
générique et fort commode. Un jour,
pourtant, il n'y aura plus que des
Africains du Cap à Alger.
Article publié sur
Les Débats
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