Opinion
Les Algériens, les
Arméniens et les autres
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 9 janvier
2012
Le chef de
l'AKP, ce modèle de pouvoir que la
«communauté internationale» veut voir
fleurir chez les Arabes et assimilés,
n'a pas raté l'occasion de rappeler le
génocide perpétré par le colonialisme
français en Algérie. La France
officielle n'a pas cessé de demander à
la Turquie de reconnaître le massacre
des Arméniens par son armée. Son sénat
va examiner, à la fin du mois de
janvier, la pénalisation de la négation
des génocides, dont celui des Arméniens
par l'armée turque en 1915. Notre chef
du gouvernement, Ahmed Ouyahia n'est pas
content que le premier ministre turc
rappelle à la France officielle qu'elle
devrait commencer par reconnaître ce que
la colonisation a infligé comme
souffrances au peuple algérien. Presque
pathétique, il s'adresse aux Turcs :
«Nous disons à nos amis, nous leur
demandons de cesser de faire de la
colonisation de l'Algérie un fonds de
commerce». Il a peut-être raison, dans
le fond. Mais au vu du contexte on ne
peut s'empêcher de s'interroger sur ce
qui a pu gêner Ouyahia, dans le fait que
soit rappelé le crime non assumé à ceux
qui veulent que d'autres assument leur
crime. On peut, aussi, se mettre à
chercher dans les voies impénétrables de
la diplomatie les raisons de voler au
secours des donneurs de leçons.
L'argument avancé est que la Turquie a
soutenu l'armée coloniale dans sa
répression contre le peuple algérien,
entre 1954 et 1962. Un argument de
taille qui devrait rendre plus pudique
Erdogan, en tant que représentant d'un
pays complice de tueries. Cependant, il
ne suffit pas, parce qu'un fait
historique tout le monde a le droit d'en
parler. En tout cas, une chose est sûre,
la sortie de Ouyahia a dû faire se
trémousser de plaisir de l'autre côté de
la Méditerranée. C'est ce qu'il faut
retenir et qui doit guider l'analyse de
la tentative de mise au pas du Turc. Il
s'agirait, en fait, d'un message
d'apaisement, en cette cinquantième
année d'indépendance. Le problème est
que c'est un prix trop cher à payer, que
de permettre à ceux qui persistent à
parler de «bienfaits» et de «rôle
positif» de la colonisation, et qui
mettent sur le même plan les Algériens
en lutte pour la libération de leur pays
et les hordes de la répression
coloniale, de ne pas se voir désignés
devant l'Histoire, fut-ce par un régime
peu recommandable. Un régime qui
massacre les Kurdes et qui développe des
velléités de puissance et un jeu malsain
à l'égard des anciennes possessions de
l'Empire Ottoman. Reste cette propension
à l'impunité des donneurs de leçons et
leur cynisme devant les tragédies qu'ils
ont eux-mêmes, le plus souvent, mis en
œuvre. En même temps qu'ils font un sort
funeste ou se préparent à en faire
contre des peuples désarmés, ils
développent un zèle étonnant à se poser
en défenseurs des opprimés et des
victimes, bien choisis bien sûrs. La
mise en scène des Arméniens ne relève
que d'un simulacre morbide, qui en fait
un «fonds de commerce», qui fera passer
toutes les ignominies passées, en cours
et à venir. Preuve en est qu'aucune loi
n'a à ce jour connu la moindre évocation
en ce qui concerne le dépeuplement
systématique de l'Amérique, la
déportation et la réduction en esclavage
de millions d'Africains, la mort de
dizaines de millions d'hommes, de femmes
et d'enfants, sous l'oppression
colonialiste en Afrique et en Asie.
Article publié sur
Les Débats
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