Opinion
Une autre
entourloupe colonialiste en chantier
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 7 mai
2013
Le 11
septembre 2012, Moncef Marzouki,
président provisoire de la République
tunisienne, par cooptation des Frères
musulmans d'Ennahda, a déclaré à partir
de Doha au Qatar que «la Tunisie va
soumettre officiellement à
l'Organisation des Nations unies (ONU)
un projet de création d'une cour
constitutionnelle internationale». Le 3
mai 2013, s'est ouverte à Tunis une
conférence sous le signe «Etablissement
de la cour constitutionnelle
internationale, une mesure pour prévenir
le détournement des institutions
démocratiques». Certainement convaincu
d'une mission immanente et d'être
réellement auréolé d'un prestige
personnel, M. Marzouki s'en va
démocratiser la planète. Et c'est du
sérieux. Selon lui, les institutions
internationales actuelles ne peuvent
modifier le rapport entre dictature et
démocratie. En conséquence, il a
sérieusement cravaché sur le sujet, il a
mobilisé, durant des mois, juristes et
spécialistes constitutionnalistes et se
trouve désormais près du but. Son projet
va prendre forme pour prendre la
destination des instances onusiennes.
Auprès desquelles M. Marzouki promet de
peser de tout le poids dont il dispose
pour faire la promotion de son dossier.
En attendant ce jour, il se contente de
communiquer son enthousiasme et ne se
prive pas de mots : «Rêvez que la cour
constitutionnelle internationale sera
basée à Tunis. Mais laissez-moi rêver
également… que la grande salle de sa
bibliothèque portera mon nom. Si c'est
trop demandé, j'accepte la cafétéria.»
Des mots qui donnent du grain à moudre à
la rue tunisienne et un sujet
supplémentaire aux critiques acerbes du
Président. Surtout qu'en termes de
priorités, la situation du pays en pose
suffisamment pour que les Tunisiens
rejoignent les lubies de leur Président.
Ainsi, ne l'oublions pas, c'est du Qatar
qu'a été émise l'idée de la cour
constitutionnelle internationale. Ce qui
devrait paraître tout à fait incongru et
étonnant à la fois. L'émir Hamad n'a pas
réagit et à continué à «aider» la
Tunisie, lâchée par la finance mondiale,
malgré la grande hostilité populaire à
son égard. Il ne s'est donc pas senti
menacé. La démarche de M. Marzouki
s'avère de fait sans danger à l'égard de
la gouvernance en vigueur dans les
pétromonarchies. D'ailleurs, il vient de
proférer une menace sans ambiguïté
contre ses compatriotes : «Toute
personne qui manquera de respect envers
ce pays (le Qatar) devra assumer ses
responsabilités.» Lors de son séjour à
Doha, il avait aussi réitéré qu'il
voulait, comme le Qatar, une
intervention militaire arabe «en soutien
au peuple syrien». Du coup, sa cour
constitutionnelle internationale se met
à sentir le soufre avant même de naître.
Le rôle «démocratique» qui lui est
imparti ne doit pas être différent de
celui de la CPI, il aura même l'avantage
de rendre caduques les procédures
d'agression actuelles, puisque ladite
cour pourra être saisie par des
«associations» et peut-être par des
«personnalités» droitdelhommistes qui
considéreraient que la démocratie serait
bafouée. Il suffira que l'ONU lui
attribue les pouvoirs qu'il faut et le
tour est joué. Un simple arrêt de sa
part permettra de mettre en branle des
opérations de «sauvetage des peuples».
Mais, comme les peuples européens sont
eux-mêmes victimes de mesures
anticonstitutionnelles, leurs dirigeants
se risqueront-ils à suivre le président
tunisien ? Peut-être que oui, puisque le
droit de la force prime en dernière
instance.
Article publié sur
Les Débats
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