Opinion
Le vertige des
hauteurs
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 7 janvier
2012
S'il y
avait un point de naïveté, chez Bouguerra Soltani et sa camarilla de
«Frères», ce serait de prendre les
Algériens pour des nigauds. Le Cheikh a
pris de l'épaisseur, on ne peut le nier.
Il a même fait prospérer la maison et
lui a permis de résister à une scission.
Car ce n'est pas facile, quand on a pris
une telle hauteur, d'empêcher que les
têtes grossissent. Et il y en a qui ont
grossi. C'est la rançon de
l'émancipation de cette populace qu'il
fallait séduire et constituer en base
électorale. Nos «Frères» se sont,
ensuite, acoquinés avec les partis qui
gagnent. Ils se voulaient grands, ils le
devinrent. Quand le deus ex machina,
Abdelaziz Bouteflika, est revenu mettre
de l'ordre dans une Algérie encore
troublée, ils ont compris qu'il fallait
lui coller aux basques et se faire
hisser à ses côtés, pour bénéficier de
l'enthousiasme populaire. C'est, donc,
tambour en tête que Hamas, devenu le
très BCBG : HMS ou MSP (Mouvement de la
société pour la paix), portant cravate
et barbe taillée au millimètre, fera
partie du parti du président, l'alliance
présidentielle, créée en février 2004,
pour porter et soutenir à bout de bras
le programme du chef suprême. En ces
temps-là, bien malin qui pouvait croire
que les «Frères» avaient d'autres
ambitions que de pénétrer les cercles du
pouvoir. Ils prirent goût aux
mondanités, oublièrent peu à peu la
galère de la militance, se costumèrent
et se mirent à rouler en carrosse. Tout
le bataclan de la réussite, version
ascenseur social. Le verbe se polit et
l'allure se raffine. Au bout, plus rien
ne rappelle les activistes décharnés et
dévoués qui hantaient les mosquées
populaires. C'est ceux-là qui ont pu
avoir les voix qui les ont mis là où ils
sont. Mais HMS croit toujours que ces
voix sont toujours là et, même, qu'elles
sont devenues plus nombreuses, bien plus
nombreuses. Assez nombreuses pour
écraser toutes les voix contraires. Par
quel miracle ? Pourrait-on s'interroger.
La réponse est toute simple. Il y aurait
l'ouverture d'une nouvelle ère, propice
à ce genre d'événement. Elle a commencé
par l'instauration de la Charia en
Libye, par le chef de la bande que
l'OTAN a installé à la tête de ce pays,
elle s'est poursuivie par la victoire
des islamistes en Tunisie (autour de 15%
des électeurs inscrits) et en Egypte où
les «Frères musulmans» et les salafistes
ont raflé le mécontentement et la colère
d'un peuple excédé par un système dont
il espère sortir, et se serait confirmée
par celle du PJD marocain, qui a mis un
mois a obtenir du roi Mohammed VI une
douzaine de ministères, sans la Défense
et sans l'Intérieur. Le tableau est
complet et on devrait y trouver la
prophétie sur le futur sacre du MSP, qui
a pris les devants et qui a signifié à
Bouteflika qu'il n'avait plus besoin de
lui. Sauf que le MSP omet le fait qu'Ennahda
sort de prison ou revient d'exil,
immaculée, que les Frères d'Egypte n'ont
jamais quitté leur quartier, que le PJD
fricote étroitement avec le Makhzen pour
des clopinettes et que les Libyens n'ont
jamais été consultés. Soltani omet aussi
sa propre histoire. A moins qu'il ait
raison d'être naïf et de croire en son
étoile et que les Algériens seraient
d'incorrigibles nigauds.
Article publié sur
Les Débats
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