Opinion
La CPI invitée
dans les affaires tunisiennes
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 6 janvier
2013
La scène
tunisienne vient de s'animer d'une
nouvelle donne : le recours à
l'étranger, comme démarche partisane.
Après que l'Union générale des
travailleurs tunisiens (UGTT) ait reculé
sur la question de lancer une grève
générale en réponse à des agressions
fascisantes, alors qu'elle était en
passe de mettre au pied du mur le parti
au pouvoir, Ennahdha, voilà que les
mêmes milices se sont attaquées à un
rassemblement de la formation de Béji
Caïd Essebssi (BCE), Nidaa Tounès, et
l'ont empêché de se tenir. Dans ce
second cas, il n'est pas question de
s'affronter aux «Comités de protection
de la Révolution» sur le terrain
politique. La nature du parti lui dicte
une autre démarche, celle d'aller se
plaindre devant la Cour pénale
internationale (CPI) «pour crime contre
l'humanité». En arrière-plan, se profile
la menace de BCE contre les Frères de
faire appel, le cas échéant, à la
«communauté internationale», à laquelle
la plainte exprime une allégeance et,
avec celle-ci, une sollicitation
d'ingérence sous forme de pression à son
profit. Il n'y a donc manifestement
aucune intention de s'appuyer sur le
peuple. Cette attitude peut trouver une
explication dans les propos tenus par le
président tunisien provisoire, Moncef
Marzouki, lors d'une interview accordée
récemment à Al-Ahram Hebdo. M. Marzouki,
analysant le paysage politique de son
pays, nous dit que «les militants des
droits de l'homme, souvent issus de la
classe moyenne sinon de la classe
supérieure, avaient littéralement fait
l'impasse sur les droits sociaux et
économiques, sur l'importance de la
pauvreté. Leur conception restait
exclusivement liée aux questions de la
superstructure : la démocratie en tant
que jeu entre les partis, les libertés
publiques et privées». Et on comprend
dès lors pourquoi BCE, à l'inverse de
l'UGTT, ne recourt pas au jugement
populaire. Car, dans les faits, les
larges couches de citoyens en ont déjà
fini avec la démocratie formelle pour
revendiquer les droits fondamentaux,
ceux par qui la démocratie connaître sa
concrétisation. Ainsi, l'éclairage
apporté par M. Marzouki, un militant des
droits de l'homme, sera le premier à
détonner par rapport aux traditions
droitdelhommistes, même si le personnage
est politiquement beaucoup plus proche
de ceux qu'il critique, y compris les
Frères, que des aspirations des plus
pauvres. Celles-ci sont portées par,
entre autres, le Front populaire dont la
figure de proue, Hamma Hammami, désigne
la cible, qui est le projet ultralibéral
d'Ennahdha et de Nidaa Tounès. Tous les
deux sont accusés de travailler à
récupérer à leur profit l'ancien
appareil du Rassemblement
constitutionnel démocratique (RCD), le
parti de Zine El Abidine Ben Ali, qui
quoique officiellement dissout, n'en
continue pas moins d'être susceptible de
réactivation. Le nouveau parti de BCE
étant la preuve vivante de la
possibilité de cette opération. En face,
l'activisme islamiste a pu démontrer son
efficacité contre des militants qui
n'ont aucune tradition en matière
d'affrontements musclés et plutôt formés
à l'exercice d'une hégémonie octroyée
par le système de terreur de la
dictature déchue. S'explique
naturellement l'appel aux puissances
occidentales.
Article publié sur
Les Débats
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