Opinion
Revoilà Tarzan !
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 5 novembre
2011
Tarzan n'a
jamais vraiment été loin. La preuve, il
est revenu bien en chair et démultiplié,
en autant de Tarzans utiles, remettre de
l'ordre chez les indigènes. Il les avait
laissés trop longtemps livrés à
eux-mêmes et les «bons» parmi les
indigènes, ses indigènes à lui,
l'appellent à cor et à cri. Tarzan est
cette transmutation du personnage
d'Edgar Rice Burroughs, apparu en 1912.
L'auteur, pourtant, avait un tout autre
regard sur les choses. «Ils fuyaient
devant les soldats de l'homme blanc qui
les harcelaient pour l'ivoire et le
caoutchouc qu'ils avaient tenté un jour
de reprendre à leurs conquérants en
massacrant un officier blanc et ses
soldats noirs (…) Cette nuit, les
soldats noirs de l'homme blanc se
livrèrent à un massacre, et seule une
petite troupe de rescapés de ce qui fut
autrefois une puissante tribu parvint à
se fondre dans la jungle épaisse, vers
l'inconnu et la liberté», c'est dans ce
style que Burroughs écrit. Plus tard,
son héros est mis en scène pour d'autres
desseins. Il sera la pointe avancée de
la civilisation blanche contre les
«mauvais» Africains. Puis, on l'a
oublié, un temps. Il faut dire qu'il n'y
avait pas matière à faire. Mais, de
nouveau, les Tarzans s'agitent plus que
jamais et se sont trouvés des «bons» et
des «méchants», comme dans le bon vieux
temps. Les «bons» indigènes, aussi, y
vont de leurs encouragements, tel ce
chroniqueur de chez nous qui se demande
à haute voix s'il «fallait décoloniser»,
dans un papier semblant marquer son
affliction vis-à-vis de l'anniversaire
du déclenchement de la lutte de
Libération nationale. Peu lui chaut
qu'il a fallu se révolter contre la pire
des conditions que l'homme ait pu subir.
S'il s'interroge, ce n'est pas pour la
forme, parce que l'on ne joue pas
gratuitement avec ce genre de sujet. De
plus, il ne pose pas d'autre choix que
celui-là. Il ne se contente pas de
remettre en cause et de dénoncer, comme
cela devrait être, le mode de
gouvernance du pays, il appelle Tarzan à
son secours, en lui faisant part de ses
regrets : «Fallait-il décoloniser ?». Le
«maître blanc» lui manque, tout à coup,
il le préfère à ses semblables
indigènes. Car il n'a que cette solution
à son problème, se mettre sous la
protection qu'il a choisie. Devant des
appels aussi pathétiques, les Tarzans ne
se gênent plus pour offrir leurs
services. En Libye, les «méchants»
Libyens viennent d'en apprendre, à leur
corps défendant, la signification. Les
«bons», ceux qui ont appelé les Tarzans,
ont eu leur «victoire» et les Tarzans
ont pu pousser leur cri dans un monde
qu'ils ont transformé en jungle. Avant
d'en arriver à cette ultime issue, il y
a toutes les situations intermédiaires.
Il y a par exemple ces journalistes qui
s'acharnent à traquer «la barbarie» et
«les souffrances» et qui en trouvent à
la pelle chez les «non blancs». Il y a,
à ce titre, une mobilisation générale de
tout l'arsenal médiatique pour mettre
sous la loupe les «manquements» à ce qui
est censé être la norme. Et, comme le
hasard fait bien les choses, il n'est
plus assez compliqué de trouver des
«victimes» à exhiber et des «plaignants»
à secourir. Il y a, bien sûr aussi, ces
«attardés de l'anti-impérialisme», ces
gêneurs en puissance, mais cela est une
autre affaire.
Article publié sur
Les Débats
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