Opinion
Libye: le règne de
la «nouvelle vérité»
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 5 octobre
2011
Après le
charnier de Tripoli, vite oublié par les
charognards de la presse «démocratique»,
voici le dépôt d'armes chimiques de
Sebha qui attire par ces pestilences.
Dans les deux cas ce seraient des
«découvertes». Allons donc ! On arrive
presque à faire oublier que les membres
les plus en vue du «nouveau pouvoir»
étaient des membres des plus en vue de
l'ancien pouvoir. C'est pour nous faire
oublier qu'ils devraient tout savoir de
ce qui se tramait quand ils faisaient
partie des maîtres de la Libye. Un
charnier de 1 700 cadavres, sous leurs
pieds, quand ils paradaient dans la
capitale, et ils l'ignoraient ! De deux
choses l'une, ils se sont faits doubler
par la propagande qu'ils ne contrôlent
pas ou ils nous prennent pour des niais
prêts à avaler toutes les couleuvres
qu'ils peuvent nous servir. Le pire est
qu'il n'y a aucun démenti, ni mea culpa
qui suivent. On laisse la page ouverte
et on cherche autre chose à faire gober.
Quel respect pour la vérité !
Heureusement que depuis le début les
mensonges ont été si gros qu'ils font à
peine sourire. Il y a eu les 6 000
morts qu'Al Jazeera et France 24 n'ont
pas pu montrer. Il y a eu ces soldats
dopés au Viagra pour violer on ne sait
qui de leurs sœurs, mères, tantes,
cousines (en omettant au passage que le
Viagra n'a rien d'aphrodisiaque). Il y a
ces Noirs africains qui sont torturés et
massacrés parce qu'ils sont noirs et
Africains et il y a en permanence ces
milliers d'enfants et leurs parents qui
meurent sous les bombes et qui ne
figurent jamais au menu des journaux
télévisés. Ces sources de la nouvelle
vérité à laquelle doit se faire le
monde. Ces sources qui ne sont jamais du
côté des civils que l'on tue vraiment.
Ils ne sont ni à Syrte, ni à Béni Walid,
ni là où l'opération «protecteur unifié»
travaille à «protéger» les civils. Alors
qu'on devrait avoir droit de les voir
ces civils heureux d'être protégés par
l'OTAN.
Ce serait
tout bénéfice pour l'Alliance, pour les Pétromonarques, pour l'ONU, pour ces
députés de droite et «socialistes» qui
ont voté et applaudi la chose. Ça
rassurerait les bonnes âmes qui jugeront
sur pièce les résultats de
l'intervention. Mais, on ne les voit
jamais, ceux-là que Mouammar Kadhafi
devait exterminer. Ils n'ont plus droit
au chapitre, on n'en a plus besoin. On
n'arrive pas à les deviner, si l'on s'en
tient aux images qui nous inondent et
qui nous servent invariablement des
hurluberlus qui tiraillent dans le
désert, sur on ne sait qui. Il y a
quelques mois, un reporter disait que de
toutes les guerres, de tous les conflits
qu'il avait couverts, celui-ci
était «bizarre». On ne l'a plus lu, ni
entendu dire autre-chose. Il a dû soit
se fondre dans la «vérité», soit
disparaître des rédactions. Ça ne
pardonne pas de détonner. Surtout par
les temps qui courent en Libye. Il avait
certainement la certitude d'être parti
vivre et raconter une révolution, une
vraie. Car une révolution c'est
forcément beau et noble. Ce qu'il a vu
l'a empêché de trouver les mots pour le
dire. Il a été frappé par ce qu'on
appelle une violente dissonance
cognitive et on ne sait pas s'il s'en
est remis.
Article publié sur
Les Débats
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