Opinion
Le Milk-bar dans
l'absolu des médias
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 5 avril
2012
Doit-on offrir à un criminel, sioniste
et néocolonialiste, l'occasion de
débattre du bien fondé du combat
libérateur d'un peuple? Doit-on lui
permettre d'épiloguer sur la tragédie et
les souffrances indicibles des Algériens
? Zohra Drif ne semble pas s'être posé
ces questions. Elle y est allée, sans se
rendre compte, apparemment, que
l'important n'était pas dans ce qu'elle
allait pouvoir dire, mais dans le fait
de se prêter à ce type de débat où la
conclusion n'est pas dans l'évaluation
de la force des arguments des
protagonistes. Elle est dans la
possibilité que ce débat se tienne,
l'objectif premier de la démarche des
initiateurs. Par le jeu pervers d'une
distribution étudiée des rôles, sur le
plateau, elle est réduite à être la "
poseuse de bombes du Milk-bar ", un
personnage d'un fait divers, rien de
plus, en d'autre termes, juste ce qu'il
faut pour la mise en scène nécessaire à
sa stigmatisation et à l'étouffement de
la mémoire par le recours à l'émotionnel
de magazine. Une tueuse qui " ne
regrette rien " pour " ne pas renier le
système auquel elle adhère depuis sa
jeunesse ", propose un article de
Marianne, organisateur du Colloque " La
guerre d'Algérie-50 ans après ". La "
poseuse de bombe ", " devenue
aujourd'hui sénatrice " (ce qui est
noté) a été confrontée à l'une de " ses
" victimes, amenée comme pièce à
conviction, pour le spectacle de la
seule douleur qui devrait compter. Pour
Marianne, toujours, la " confrontation
n'a pas tenu ses promesses ", parce que
Zohra Drif a eu le réflexe de se
contenter de parler la lutte de
libération, sans s'attarder sur ses
détails. Là elle a bien fait, car des
détails il y en aurait eu si les autres
victimes avaient été là, les Algériens
qui n'ont pas été conviés à venir
exposer leurs blessures, leurs drames et
en parler, à la face des " bonnes âmes
". Cela ne faisait pas partie du
programme et ne le devait pas. Sur un
autre registre, la simple allusion à
certains faits historiques peut valoir
des sanctions pénales, voire
l'emprisonnement, pour " négationnisme
". C'est ainsi qu'une volonté farouche
d'encadrer l'écriture de l'Histoire se
développe, au sein de la France
officielle, sauf pour ce qui concerne
les crimes de masse commis lors de la
construction et de la gestion de l' "
empire ", dont les populations ont
pourtant connu tout ce dont les nazis
ont pu se rendre coupables. Ce n'est pas
le cas quand il s'agit du colonialisme
et de ses indigènes et le genre de
colloque de Marianne contribue à
déconstruire l'Histoire, dans le sens de
la délégitimation de la contre violence
des opprimés, qui doit devenir, seule,
sujette à condamnation. Car, même s'il
arrive qu'on lui reconnaisse une
justesse, elle serait inadmissible, par
la qualité de ses cibles. C'est ce à
quoi s'attelle une bonne partie de
l'armada médiatique française, fort peu
soucieuse de restituer la vérité sur les
spoliations, les massacres, les famines
organisées, l'indigénat et les
tentatives de destruction systématique
de la dignité de ceux auxquels est,
aujourd'hui, refusé le recours aux armes
pour recouvrer leur pays et leur statut
d'êtres humains.
Article publié sur
Les Débats
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