Opinion
Le «printemps»
peut fleurir au Nord
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 5 février
2013
Aux
Etats-Unis – pays le plus riche et le
plus puissant de la planète selon le
Washington Post, qui cite un rapport de Working Poor Families Project sur l'état
de la pauvreté – un tiers des familles
qui travaillent reçoivent des salaires
dont la modicité ne leur permet pas de
vivre décemment. Les statistiques sur le
phénomène indiquent que plus de 48
millions d'Etatsuniens émargent à la
distribution de tickets alimentaires. En
Europe, la Fédération internationale de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
(FICR) commence à se poser de sérieuses
questions sur ses missions et ses
compétences, elle qui fondait son action
sur les pays du Sud. La semaine
dernière, elle fait état de 26 millions
de chômeurs (chiffres officiels) dans
les Etats de l'Union européenne, avec
des taux de 50% chez les jeunes de
nombre de pays. La porte-parole de la
FICR déclare : «Nous voyons apparaître
un fossé de plus en plus grand entre les
riches et les pauvres. Et nous sommes
surpris par le nombre de requêtes d'aide
que nous recevons de la part de gens qui
continuent pourtant à avoir un emploi.
Les prix de l'eau, de l'électricité et
des appartements augmentent tandis que
les salaires ne suivent pas.» En France,
la Croix-Rouge distribue, à elle seule,
55 millions de repas par année. Dans
l'UE, aujourd'hui, 116 millions de
personnes souffrent de pauvreté. Sans
que les stratégies et les politiques
mises en œuvre semblent se préoccuper du
phénomène.
Bien au
contraire, il n'est question que
d'aggraver la situation à travers les
mesures d'austérité décidées en dehors
des pouvoirs élus qui sont chargés de
les appliquer, quoi qu'il puisse en
coûter sur le plan socio-économique. En
vertu de ce principe, les 7 et 8 février
prochains, la Commission européenne va
examiner le budget consacré aux aides
alimentaires.
Les
associations, qui sont en charge du
problème, estiment leur montant entre 4
et 5 milliards d'euros, alors qu'il ne
sera attribué, de toute évidence, qu'une
enveloppe de 2,1 milliards à répartir
entre 27 pays. Etant donné qu'il existe
de fortes réticences vis-à-vis de la
question. Devant ce sinistre sans
pompier visible, combien d'Européens
sont-ils à se demander ce que font ou à
quoi servent ces 736 députés élus au
Parlement de Strasbourg ? Sauf,
peut-être, l'un de ces derniers, Younouss Omarjee, qui s'insurge en
constatant que «c'est une honte que
l'Union européenne se pose aujourd'hui
la question de la légitimité de ce
programme et peine à aider ceux qui ont
faim». Au bout, on devrait se demander
si l'Europe, autant que les Arabes et
assimilés, sinon plus au regard de ses
potentialités, est plus que mûre pour un
«printemps». Ferait-elle exception ?
Pourtant, tous les ingrédients s'y
trouvent, que ne voient pas les médias
«printaniers». La gouvernance
anti-démocratique et la dictature des
banques, l'exclusion sociale de dizaines
de millions de citoyens et l'absence
d'autres perspectives que celle de la
disparition des dernières libertés
politiques et conquêtes sociales, au
profit de l'implacable règne de
l'argent.
Article
publié sur
Les Débats
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