Opinion
La grande presse
et ses vérités
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 3 novembre
2012
Il y a un
filon inexploité qui pourrait nourrir
les études à venir sur la dégénérescence
qui a atteint les médias dominant la
planète. Chaque jour qui passe, les
lecteurs de journaux, les auditeurs de
radios et les téléspectateurs sont
soumis au feu roulant d'une information
que les auteurs ne prennent même plus la
peine d'emballer. A tel point, qu'il n'y
a aucun effort à faire pour cueillir les
plus beaux mensonges. L'un des derniers
en date se trouve dans une dépêche de
l'Agence France Presse (AFP), reprise
par le Figaro en ligne du 31 octobre,
sous cet intitulé : «L'aéroport de Hama
: prison terrifiante». On peut y lire
qu'un certain Mourad Al Hamwi, 25 ans, a
été détenu pendant 75 jours à l'aéroport
parmi 57 personnes dans un cachot de 4
mètres sur 3, soit une surface de 12 m².
Un simple calcul peut permettre de se
rendre compte que l'AFP ne contrôle rien
des communiqués fournis par l'Office
syrien des droits de l'homme (OSDH).
Elle se serait rendu compte que l'espace
carcéral cité aurait offert 0.021 m² par
prisonnier et que les victimes auraient
survécu, à cet incroyable entassement,
deux mois durant. Mais l'AFP ne vérifie
pas et peut surtout mentir elle-même
dans le mépris qu'elle a pour
l'intelligence de sa cible. Plus tôt
dans le mois, concernant Bani Walid,
c'était soit «La Libye qui reprend le
contrôle de Bani Walid» (La Croix), soit
«Des forces pro-gouvernementales
s'emparent de Bani Walid» (Nouvel
Observateur), soit «L'armée libyenne
prend Bani Walid sur fond
d'anniversaire» (toujours le Nouvel
Observateur), soit «La remise en ordre
de Bani Walid, un test pour l'autorité
du pouvoir» (Le Monde), soit Les forces
pro-gouvernementales «libèrent» Bani
Walid" (France 24) et ainsi de suite. Et
puis, il y a eu cette sortie du
«ministre de la Défense» libyen, qui a
déclaré que «ce qu'on appelle ‘’Dourou
Libya’’ ne sont que des bandes de
hors-la-loi que son ministère ne
reconnaît pas». On l'aura compris «Dourou
Libya», c'est ce que nos médias très
déontologiques nommaient soit «la
Libye», soit «l'armée libyenne», soit
les «forces pro-gouvernementales».
Comme, bien entendu, la déclaration du
ministre n'a pas été reprise par ces
grands titres. Il a fallu la trouver
dans le tout petit site alwihdainfo.com.
Là où la grande masse des lecteurs n'ira
pas fouiner. Selon le Nouvel Observateur
du 9 octobre, concernant l'Iran on
pouvait apprendre ceci : «Iran. On peut
être pendu pour une manifestation». Le
titre glace d'effroi. En fait, il
reprend l'avis d'un avocat devenu
célèbre grâce à un autre gros mensonge
qui a fait la une durant des semaines.
Il s'agissait de l'Iranienne, qui avait
été condamnée à mort pour avoir été
complice dans l'assassinat de son mari,
par son amant. A cette époque, la grande
presse parlait de «lapidation pour
adultère», un autre déni de vérité et
pour le mode d'exécution qui n'a pas
cours en Iran et pour le chef
d'inculpation qui est tronqué.
L'écrasante majorité de l'opinion
intoxiquée ne saura jamais que la
condamnée (Sakineh) n'a écopée que de
dix ans de prison et qu'elle risque
d'être libérée en conditionnelle sous
peu, après avoir purgé la moitié de sa
peine. Les mêmes n'auront pas dit un mot
sur cette citoyenne d'Arabie, Amina Bint
Abdul Halim Ben Salem Nasser, exécutée
pour «sorcellerie», en décembre 2011,
par la justice des Al Saoud.
Article publié sur
Les Débats
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