Opinion
Egypte : le Potus
use ses ultimes cartouches
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 3 juillet 2013
Toujours à
sa "tournée du propriétaire" en Afrique,
le président des Etats-Unis d'Amérique
ne déroge pas à la règle, il n'oublie
pas qu'il doit continuer à s'occuper des
affaires du monde et à sermonner les
turbulents, même s'ils se fichent de lui
comme d'une guigne, comme le peuple
égyptien. A partir de l'Afrique du Sud,
le 29 juin, il déclare : "à l'évidence,
nous suivons la situation avec
inquiétude". Il n'en dit pas plus,
d'après ce qui a été rapporté de sa
conférence de presse. Jusque-là, il n'y
a rien à dire, il a le droit d'être
inquiet et nous savons pourquoi. Les
Frères musulmans sont en mauvaise
posture et les Egyptiens, par dizaines
de millions, en ont contre Mohamed Morsi
pour son allégeance obséquieuse aux
desiderata de Washington. Le 29 c'est
aussi la veille de la manifestation
annoncée que tout prédisait qu'elle
serait grandiose. Et elle le fut,
phénoménale et unique dans l'Histoire de
l'Humanité, par son ampleur. Le 30 juin
ce sont entre 20 et trente trois
millions de personnes qui sont sorties
dirent leur hostilité au bradage de leur
pays, dans des slogans sans équivoques
aucune. L'Egypte ne devrait obéir qu'à
elle-même dans la gestion de ses
affaires. Le Frère président est fustigé
pour sa rupture des relations avec la
Syrie et pour ses bassesses à l'égard
des puissances occidentales et des
monarchies du Golfe. Devant ce cauchemar
éveillé, Barak Obama voit crouler le sol
sous ses pieds. Il devient moins
loquace, mais ses mots trahissent la
panique qui prévaut à la Maison-Blanche
où l'on doit s'écharper à propos du
choix de soutenir les Frères, que
certains voyaient comme de mauvais
chevaux. "On ne peut pas parler de
manifestation pacifique quand il y a des
agressions contre des femmes",
bredouille le Potus arrivé en Tanzanie,
en brodant sur un mensonge, alors qu'il
avait pris fait et cause pour les très
violentes manifestations qui ont fait
déboulonner Hosni Moubarak. Celles-là ne
l'agréent pas, elles compromettent
mortellement le travail accompli, depuis
que Hillary Clinton, son ex-cheffe de la
diplomatie, est partie se faire filmer
sur la place Tahrir. Il a tout tenté
pourtant. Il a envoyé John Kerry, son
nouveau responsable du département
d'Etat, faire peur aux contestataires,
il a fait donner de la voix à son
ambassadrice au Caire, sans autres
résultats que de les exaspérer, en leur
confirmant la nature de supplétifs des
Frères. Pis, il a exacerbé le
patriotisme égyptien, renforcé le
sentiment anti-étatsunien et provoqué la
réminiscence du fier passé de l'Egypte,
quand Gamal Abdenasser défiait l'OTAN.
Dernière cartouche, il appelle "toutes
les parties doivent faire preuve de
retenue", avec la tenace illusion de
compter, tout en faisant faire un
communiqué à Kerry, où il rappelle que "Morsi
est le président démocratiquement élu et
le reste jusqu'à présent". Ceci en
réponse à un ultimatum des Forces armées
qui donnent 48h au Frère raïs pour
répondre au "dégage" du peuple. Très peu
de chance que le message passe, même
auprès de l'armée pour laquelle ses
accointances avec les étatsuniens
doivent peser beaucoup moins lourd que
le péril qui la guette à demeure. On
dit, enfin, que les lignes téléphoniques
sont saturées entre le Caire, Washington
et Tel-Aviv. Certainement que se
concocte une "sortie de crise" sur fond
d'entourloupe qui a de forte chance de
compliquer la situation, tant les
Egyptiens ont atteint un niveau de
conscience inégalé. A l'heure où
s'écrivent ces lignes, les Frères ne
désarment pas et crient au complot
contre l'Islam, ce qui a peut-être
quelque chose à voir avec quelque
assurance donnée par Obama. Ils devront
pourtant très vite se faire à l'idée
qu'ils ont perdu leur aura et plus
encore.
Article publié sur
Les Débats
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