Opinion
Le temps des
seconds couteaux
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 1er décembre
2011
Jamais,
peut-être, dans l'histoire de la
République française un ministre des
Affaires étrangères ne s'est autant
éclaté ni n'a autant étalé sa fatuité.
Alain Juppé ne se retient plus, il
exulte sans retenue, sautille devant les
micros dressés à la gloire qu'il croit
être sienne. Il est toujours sur le pont
et il est certainement le plus visible
des pourfendeurs de «tyrans», après,
bien sûr et à tout seigneur tout
honneur, la grande Hillary Clinton dont
il doit jalouser la position et qui
l'écrase du poids de la puissance de ses
bases. On l'avait vu qui plastronnait et
qui roulait des biscoteaux contre
l'armée de Kadhafi, cette redoutable
machine de guerre, comme tout le monde
le sait. On l'avait entendu claironner
sur le «job» accompli après que l'OTAN
ait pris Tripoli. On n'a pas vu la
bouille qu'il a faite quand
Bernard-Henri Lévy s'est rappelé à son
souvenir, comme maître d'ouvrage en
faisant claquer son étendard devant le
CRIF. Mais on sait, au moins, qu'il ne
devait pas maîtriser ses sucs
gastriques, au souvenir d'avoir servi de
second quand il fallut mener une
opération jugée trop sérieuse pour qu’on
la lui confie. On l'observe répéter sa
danse guerrière contre la Syrie. Même si
la bande, appelée Conseil syrien,
exhibée n'a pas le même succès
médiatique que l'originale libyenne.
Même si, cette fois-ci, les Russes ont
d'autres calculs et l'obligent à ne pas
trop en faire. Même si, malheureux, il re-sert la même prophétie de «jours qui
sont comptés». De temps à autre, à
l'occasion, il regarde le «printemps» et
distribue des bons points quand il peut.
Sans se demander si quelqu'un les prend
en considération et à quoi ils peuvent
servir. Dernièrement, il n'a pas pu se
retenir d'apprendre au monde qu'il se
«réjouit» de ce qui se passe en Tunisie.
Il a dit la même chose concernant le
Maroc, son geste est attendu et apprécié
par qui de droit. Concernant la Tunisie,
il tente sa chance, il s'essaie à
l'ingérence et avance à pas feutrés,
sans fanfare, mais ne s'empêche pas de
dissimuler son arrogance qui affleure
malgré lui. Il est dommage que Rached
Ghannouchi ne l'ait pas rappelé à
l'ordre et ait accepté, en gardant le
silence, de recevoir ce compliment
condescendant : «On ne peut pas partir
du principe que tout parti qui se réfère
à l'islam doit être stigmatisé. Je pense
que ce serait une erreur historique». Il
aurait dû l'inviter à s'occuper des
«lignes rouges» que ses maîtres
franchissent allègrement contre les
peuples, à commencer par le peuple grec
qui s'est vu spolier le droit de se
prononcer sur le sort que les banques
lui réservent. Le sémillant ministre n'a
pas reçu la cinglante réponse qu'il
méritait, quand il s'est permis de
prodiguer ce conseil : «Il faut … parler
avec ceux qui ne franchissent pas les
lignes rouges qui sont les nôtres,
c'est-à-dire le respect des élections,
l'Etat de droit, les droits de l'homme
et les droits de la femme,
naturellement». Les Tunisiens, par
contre, qui ne sont pas d'accord qu'on
vienne polluer leur pays d'une
nauséabonde mansuétude, disent qu'ils
«veulent patauger seuls dans leur
démocratie».
Article publié sur
Les Débats
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