Opinion
Les leçons d'un «
printemps »
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 1er septembre 2013
Le « printemps arabe » n’aura pas été
inutile. Bien au contraire, il a permis
de mettre en évidence les problématiques
de fond, que ni l’impérialisme
triomphaliste à l’excès, ni les Frères
musulmans euphoriques, alliés dans
l’entreprise, n’avaient perçues ou voulu
percevoir. Les Etats-Unis et leur
satellite croyaient avoir, enfin,
parachevé la destruction des derniers
vestiges nationalistes et/ou
« socialistes » et la Confrérie a cru
récolter le fruit de sa longue marche
vers l’instauration de sa « société
islamique ». Ce qui devait être
instauré, selon les vœux et de
l’alliance atlantique et des Frères,
était une « démocratie de marché »
débarrassée de toutes les entraves
souverainistes et protectionniste, aux
couleurs d’un Islam « modéré », mais non
moins rempart contre la menace des
idéologies réfractaires à la dictature
du marché mondialisé. Malheureusement,
pour les deux protagonistes de cette
alliance, les dynamiques propres des
peuples arabes et assimilés n’allaient
pas du tout dans le sens désiré. Et
cette réalité s’est imposée dès le
début, avant même que soit passé un état
de grâce minimal. En Tunisie et en
Egypte, là où la « légalité des urnes »
a semblé consacrer les Frères en tant
que « direction révolutionnaire », ce
sera plutôt la radicalisation des
revendications qui va se produire, dans
une démarche qui n’a pas laissé la
moindre opportunité de prise en main des
deux pays. Ainsi, dès le départ les
Frères ont été interpellés sur les
données fondamentales qui ont conduit à
l’effondrement des régimes de Zine El
Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak. Quand
eux envisageaient aveuglément de
poursuivre la politique de leurs
prédécesseurs, sous couvert de la
mythique et miraculeuse « solution
islamique », dont-ils ne dévoilent pas
le moindre indice, si ce n’est un
discours moralisateur sans prise sur les
immenses attentes populaires. La
contestation pouvait se libérer,
d’autant que l’aura religieuse s’est
très rapidement évaporée chez la majeure
partie de ceux qui avaient donné leurs
bulletins de vote à ce courant. Ce
divorce est consommé avec la mise en
œuvre des pouvoirs fréristes des mêmes
méthodes de répression, que les
travailleurs en grève ou les
manifestants ont eu à affronter
auparavant. On a pu compter des morts.
Et ce n’était nullement des slogans
laïcs qui étaient scandés par le grand
nombre. Mensonge qu’ont développé et que
continuent de développer les médias de
l’alliance atlantique, dans une
tentative désespérée de réduire les
luttes en cours à une confrontation
religieuse, en recourant à
l’amplification du poids social
d’individus ou de courants d’opinion,
dits laïcs, marginaux. L’objectif étant
d’occulter la véritable cible du
mécontentement, le système économique et
social prédateur au service des
multinationales et de la spéculation de
la finance internationale. Mais l’échec
est assourdissant. Pis pour les
apprentis sorciers de la
« printanisation », l’anti-impérialisme
que l’ont croyait affaibli ou disparu
renaît plus fort. Il exprime désormais
le lien fait entre les Frères et les
Etats-Unis et la dénonciation de
l’agression programmée contre la Syrie.
Pas de quoi prédire un avenir quelconque
dans le monde dit arabe sans inclure le
refus des peuples de se soumettre au
diktat de l’OTAN.
Article publié sur
Les Débats
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