Opinion
Qaradaoui, Soltani
et Cie
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 1er avril
2012
L’histoire a ceci de particulier qu'elle
dévoile toujours le fond des choses.
Elle peut laisser les illusions régner,
parfois jusqu'à ce qu'elles prennent des
allures de vérités établies, mais il
arrive toujours le moment où la lumière
est faite. Cela se produit, en général,
au cours d'accélérations qui font
remonter, à la surface, toutes les
vérités cachées. Depuis l'année
dernière, nous sommes en train de vivre
ce type de phénomènes, chez les Arabes
et assimilés et vis-à-vis de l'un des
courants politiques les plus visibles et
les plus typés, qui les traversent
depuis les décolonisations. En haut de
l'affiche de l'opposition historique, le
mouvement des Frères musulmans s'est
construit autour de la notion de défense
de la «Nation des croyants», contre le
communisme et les «mécréants» alliés,
présumés, de l'Occident chrétien et de
la «juiverie mondiale». Tandis que les
Frères portaient la «solution» qui règle
les problèmes économiques et sociaux et
sauve les âmes des peuples en mal de
bonne conduite. Durant des décennies, la
doctrine a été enseignée et martelée. Au
point que personne n'ignore plus cette
identité politico-religieuse et que
rares sont ceux qui savaient l'objectif
antinationaliste et néocolonial que
représentait la confrérie dans la
stratégie des Etats-Unis et de leurs
satellites. Aujourd'hui, les Frères
sortent au grand jour leur véritable
nature, dans une période où la force
brutale est érigée en droit. Dans le
monde dit arabe, ils paradent et se
pavanent, sous la protection des
«ennemis» d'hier, devenus des alliés
susceptibles de leur offrir le pouvoir,
partout où il sera possible de balayer
les dernières résistances et les ultimes
survivances de dignité. Ils sont prêts
au service et trouvent même des
partenaires chez les «démocrates» et les
«modernistes» d'hier, avec lesquels ils
se présentaient des rivalités, qu'on
disait irréconciliables. Ce miracle a eu
lieu après la décision de l'OTAN de
sortir les Frères de sa manche. Ils
seront le joker contre toutes les
éventualités contraires. C'est ce qui se
déroule devant nos yeux. En Syrie, les
Frères sont accourus au premier signe
pour être enrôlés dans le CNS, instance
décrétée «représentative» des Syriens,
par Hillary Clinton. En Libye, ils ont
eu les armes et les bombardiers leur ont
ouvert la route sur les cadavres et sur
les ruines. Ailleurs, ce sont des
pressions «diplomatiques» qui œuvrent à
les hisser sur le podium. Eux ne s'en
cachent même pas. On ne sait ce qu'ils
peuvent bien raconter à leurs ouailles
pour leur faire admettre que les
«mécréants» ne sont plus des ennemis.
Mais on sait, grâce à la «révolution»
libyenne, que les Frères réussissent à
faire prier, ô sacrilège, des musulmans
sous les drapeaux occidentaux. Au point
que les sociologues doivent avoir rangé
leurs grilles d'analyse pour en
construire d'autres. Et ils ont raison.
Il y a un avant «printemps» et un
«après», en termes de qualification des
mouvements islamistes. L'exercice va
être plus difficile dans la tête des
milliers de bonnes âmes nourries au
manichéisme «croyant contre
non-croyant». On attendra pour voir et
mesurer la capacité des vendeurs de
paradis à réussir leur entourloupe.
Article publié sur
Les Débats
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