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Une paix juste
Adrian Grima


Les hauteurs du Golan

on Babelmed.net

http://www.babelmed.net/Countries/Mediterranean/just_peace.php?c=2862&m=9&l=en

Cela aurait dû être un Forum pour une Paix Juste au Moyen-Orient. Mais l’adjectif polémique, inconfortable – « juste » –, accolé au nom tellement télégénique – « paix » –, aurait dû faire faire passer moult signaux d’alarme au rouge, et depuis bien longtemps !

Et puis, il y avait aussi la question, bien plus irritante encore, de tous les participants confrontés à la nécessité d’adapter un Document de Principes de Référence, qui faisait ressembler l’ensemble du forum à quelque symposium studieux, et non pas simplement à une sorte de resucée de partie de campagne organisée à seule fin de prendre de belles photos, dans le style d’Annapolis, ni à une simple opportunité de se faire payer une escapade aux frais de la princesse dans les quartiers Bo-Bo de Madrid.

Deux jours avant le début du Forum, le vendredi 14 décembre 2007, le Réseau des ONG palestiniennes (Palestinian Non Governmental Organisations Netword – PNGO) a reçu des informations fiables selon lesquelles une importante délégation israélienne avait été imposée au comité d’organisation du Forum, et que cette délégation israélienne ne se plierait pas à la règle démocratiquement décidée voulant qu’elle adopte avant toute chose le Document de Principes de Référence, lequel ne mâche pas ses mots et énonce les choses carrément.

Ceci a amené la délégation des Territoires palestiniens occupés, ainsi que l’Alternative Information Center, partenaire de la société civile israélienne, partenaire du comité international organisateur du Forum, à s’en retirer. Le boycott, par le PNGO et la délégation des associations palestiniennes emmenée par le PNGO a pour conséquence que tous les ateliers de travail organisés par cette fédération, dont celui que j’avais été invité à coprésider et portant sur « Développement durable, immigration et coopération dans la région méditerranéenne » ont été annulés.

A la veille de la séance inaugurale, les Palestiniens ont publié une déclaration pour annoncer leur retrait. Ils ont déclaré qu’en raison « de pressions sans précédent de l’establishment israélien », une délégation israélienne importante avait été « invitée » d’une manière antidémocratique et sournoise à participer au Forum sans avoir souscrit au Document de Référence dudit Forum. « Cela représente non seulement une violation flagrante de la règle numéro un pour y participer ; c’est une violation de la volonté expresse de la majorité écrasante des membres du Comité International, qui est l’organe décisionnaire et directeur de cette conférence. »

Un forum social dans l’Europe (dite) libre

Le même jour, Mikado Warschawski, directeur de l’Alternative Information Center, une association palestino-israélienne sans but lucratif fondée en 1984, a publié une déclaration sur le titre « Voici pourquoi je ne participerai pas » au Forum Social de Madrid pour une Paix Juste au Moyen-Orient. Il y dénonce le fait que le gouvernement espagnol a interféré dans l’organisation du Forum Social. « Les forums sociaux », tels que définis dans la Charte de Porto Allegre, sont des forums d’associations de base, populaires, sans aucune intervention d’agences étatiques, ni de partis politiques (ni a fortiori d’organisations militaires). « Le ministères espagnol des Affaires étrangères a constitué une délégation parallèle israélienne, plus importante que la délégation officielle », afin de modifier le programme « anti-Annapolis » du Forum social madrilène. Mikado a écrit que le gouvernement espagnol avait « le droit de préférer les organisations sionistes », mais qu’il n’avait, en revanche, aucunement le droit d’imposer son propre agenda et ses propres priorités à ce Forum indépendant.

« Le Centre d’Information Alternative, conjointement avec le PNGO, Ittijah, l’ICAHD (Israeli Committee Against House Demolitions – Comité israélien contre les démolitions de maisons) et la Coalition des Femmes Israéliennes pour une Paix Juste s’étaient énormément investis dans le Comité international, qui avait été créé afin d’aider les comité local à préparer le forum et à arrêter la liste des organisations parties prenantes. Quiconque a été impliqué dans la politique progressiste au Moyen-Orient sait très bien que la constitution d’une telle liste est un problème politique majeur : la plupart des organisations arabes, dont les organisations palestiniennes, ne participent pas à des rassemblements politiques dans le cas où y participeraient des organisations israéliennes qui ne soutiendraient pas les droits des Palestiniens, tels que définis par l’Onu et le droit international, y compris, évidemment, le droit au retour des réfugiés palestiniens. Ce fait entraîne l’exclusion de la plupart des organisations sionistes israéliennes. »

Ayant appris la décision de se retirer du Forum prise par le PNGO tandis qu’il était en voiture et qu’il rejoignait l’aéroport [de Tel Aviv] pour s’envoler vers Madrid, Mikado Warschawski a pris la décision de retourner à Jérusalem, « en solidarité avec les organisations de la société civile palestinienne. »

Dans sa déclaration, Mikado Warschawski argue du fait que le véritable enjeu est moins tant tel ou tel forum, que « Guerre et Paix au Moyen-Orient ». A Annapolis, les Etats-Unis et leurs alliés ont finalisé leurs « plans en vue de la prochaine guerre, n’hésitant pas même à évoquer des frappes nucléaires. C’est une guerre contre l’Iran, contre le Liban et contre le Hezbollah, contre le Hamas et le peuple palestinien, dans le cadre de la guerre mondiale planifiée par les néoconservateurs de Washington et de Tel Aviv. » En des temps où le monde est divisé entre les partisans d’une telle guerre et ceux qui s’y opposent, entre la liberté et l’oppression, entre la coexistence pacifique et l’agression, entre la vie et la mort, nos positions en faveur d’une paix fondée sur la justice (et non sur un acquiescement résigné, conséquence d’un passage à tabac) doivent être d’une limpidité absolue.

Un projet méditerranéen

L’atelier qu’on m’avait demandé de coprésider portait sur « Développement durable, immigration et coopération dans la région méditerranéenne. » Il y a de « forts liens causaux entre le legs du colonialisme européen dans le monde arabe et l’émergence de l’instabilité dans la région méditerranéenne, ainsi que l’influx d’immigrants arabes en Europe ». Le sommaire de l’atelier de travail suggérait que l’Europe devrait investir dans le développement durable, soutenir le changement démocratique authentique et corriger les injustices historiques dans le monde arabe afin de contribuer à édifier une culture de paix et de justice.


Floraison du callistemon citrinus, ou « arbre aux rince-bouteilles » (myrtacée),
photographiée à Nazareth

Cet atelier avait pour objet de susciter la prise de conscience des facteurs organiques empêchant un développement durable dans le monde arabe et de se faire l’avocat d’un rôle européen effectif et progressiste dans la stabilité politique, la créativité et la diversité culturelle, ainsi que dans la prospérité socio-économique de la région méditerranéenne.

Une semaine avant le Forum de Madrid, je me trouvais à Marseille, pour assister à une réunion de la Fondation Française Anna Lindh, un réseau associatif de la vie civile, et nous y avons beaucoup débattu de la Méditerranée, non pas en tant que zone géopolitique, ni même en tant qu’ère culturelle dotée d’une identité commune, mais bien plutôt en tant que projet, ce que le journaliste algérien indépendant Yassin Temlali a appelé un « devenir », un travail en cours. Il a évoqué le besoin non tant d’une « rencontre des cultures », mais bien plutôt d’une « culture des rencontres », une culture où l’on se découvre, où l’on apprend à se connaître mutuellement.

Ceux qui sont engagés dans la société civile, dans cette région en particulier, savent que les conditions dans lesquelles les gens recherchent le dialogue sont cruciales pour la crédibilité et le succès de toute initiative. Ce premier pas vers la réalisation d’un projet méditerranéen, comme l’a suggéré Yassin Temlali à Marseille, c’est la « connaissance », le fait d’apprendre à se connaître et à se comprendre mutuellement, même en cas de désaccord. Mais une rencontre authentique ne saurait avoir lieu dès lors que le terrain de jeu n’est pas aplani, dès lors qu’il y a des partenaires qui approchent cette rencontre depuis une position de supériorité, ou dès lors que des valeurs fondamentales, comme la vérité et la justice, ne sont pas des valeurs partagées.

La rencontre du réseau français des associations, à Marseille, auquel avaient été invités de nombreux militants et travailleurs culturels du pourtour de la Méditerranée, a souligné les ambigüités de la notion de « dialogue des cultures » - c’est la raison pour laquelle Thierry Fabre lui a préféré l’expression des « cultures en partage » [qui peut se comprendre comme des cultures qui partagent des choses en commun, et le partage des différentes cultures]. Les associations de la société civile ont insisté (de manière prophétique, pourrait-on dire aujourd’hui) sur le fait que des « échanges culturels » doivent être menés à bien par les intervenants eux-mêmes, «  en toute indépendance des stratégies de l’Europe en Méditerranée » (voir Yassin Temlali : Le « dialogue des cultures » à l’heure des comptes géostratégiques, sur le site http://www.babelmed.net 

Que reproche-t-on au dialogue ?

Sans doute les nouveaux « invités » israéliens n’ont-ils pas adopté le Document de Référence pour la simple et bonne raison qu’il réitère « le principe fondamental selon lequel seule, une paix fondée sur la justice, le droit international et les droits de l’homme peut être viable, équitable et durable. »

Dans sa déclaration, Mikado Warschawski mentionne deux associations israéliennes sans doute invitées par le ministère espagnol des Affaires étrangères. Il s’agit du Peres Peace Center, favorable à la guerre contre l’Iran, et Peace Now (La Paix Maintenant), qui a soutenu la deuxième guerre contre le Liban (en juillet 2006), tout au moins tant que celle-ci n’avait pas encore tourné au fiasco militaire.

« Impossible : je ne veux pas, aujourd’hui, participer au même forum », a écrit Mikado, « que ces gens-là ! »

Le jour même où les Palestiniens ont eu vent du « coup antidémocratique » de « groupes extérieurs » voulant « imposer leur volonté » au Forum, le quotidien israélien Ha’aretz (mercredi 12 décembre 2007) publiait un article apparemment sans aucun lien avec ces événements, sous la plume d’Uzi Benziman, et intitulé : « Seule la guerre dure éternellement ». Le journaliste y attire l’attention sur cette ironie qui veut que des efforts pour amener la paix, comme dans le cas de l’interminable histoire des négociations avec les Palestiniens, cela demande un temps infini, alors que partir en guerre, comme dans le cas de la décision prise par Israël de lancer la Seconde guerre du Liban, cela se fait en un rien de temps.

Par conséquent, que reproche-t-on au dialogue ? Est-ce le fait de boycotter le dialogue qui a permis à une superpuissance militaire du Moyen-Orient et à ses alliés complices sur les deux rives de l’Atlantique et ailleurs d’occuper, d’emprisonner et d’humilier un peuple tout entier ? N’est-ce pas plutôt le recours à des processus de paix prêts à filmer, à des feuilles de route, à des résolutions internationales, en guise d’écrans de fumée visant à dissimuler des vols de terres et une politique dans le style de l’apartheid ?

Le Document de Référence (qui fait trois pages), se termine ainsi : « Le Forum pour une Paix juste au Moyen-Orient permettra aux mouvements sociaux et aux associations non-gouvernementales de démontrer, et d’exprimer « qu’il n’y a pas de chemin conduisant à la paix, car c’est la paix qui est le chemin ».

Le but déclaré du Forum était de « donner une voix aux mouvements et aux divers acteurs sociaux » qui « luttent, depuis de longues années, afin de donner une chance au dialogue dans cette région du monde. » Le comité international d’organisation est convaincu qu’un tel dialogue doit être solidement basé sur :

a) la reconnaissance mutuelle du droit international ;

b) un accord mutuel portant sur l’égalité entre tous les êtres humains, sans égard pour leur identité religieuse, ethnique ou autre, et, donc, sur leur éligibilité à tous les droits humains ;

c) un engagement mutuel à mettre fin à l’oppression (c’est-à-dire aux politiques coloniales et racistes [d’Israël], ainsi qu’à leurs conséquences).

C’est peut-être cette idée du dialogue, écartant tout bla-bla stérile et hypocrite, qui a mis en branle l’establishment politique (et fomentateur de guerre ?), et qui a fait avorter toute chance d’un réel dialogue à Madrid-la-branchée. Jusqu’ici : rien de nouveau, sous le soleil…

Ce qui demeure, toutefois, et cela commence à devenir de plus en plus significatif, c’est la clarté avec laquelle les militants progressistes de la paix et de la justice, tant Palestiniens qu’Israéliens, ont exprimé leur engagement à l’égard d’une paix juste, sinon rien.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

Textes de référence :

Madrid Social Forum for a Just Peace in the Middle East : http:// www.foroporlapaz.org

Reference Document of Principles : http://www.foroporlapaz.org/upload/documentos/D0005-07_Reference_doc_FINAL_EN.pdf

Uzi Benziman, “Only war remains forever,” : http://www.haaretz.com/hasen/spages/933624.html



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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