on Mondoweiss,
20 mars 2009
http://www.philipweiss.org/mondoweiss/2009/03/...
Ha’aretz (quotidien israélien) continue à
divulguer des témoignages de militaires israéliens sur Gaza. Le
rapport le plus complet encore jamais publié est disponible
ici.
La ferveur messianique qui a alimenté la politique israélienne
de châtiment collectif est mise à nu. Je ne vais pas le
commenter ; pour le moment, je vais simplement le lire.
Il y a un autre reportage, dans le Ha’aretz
d’aujourd’hui, que je tiens, en revanche, à commenter. L’article
d’Uri Blau, intitulé 'No
virgins, no terror attacks’ [Pas de vierges, pas d’attentats
terroristes] décrit la pratique des soldats israéliens
consistant à faire imprimer les emblèmes de leur unité sur leur
uniforme militaire, accompagnés de dessins et de texte.
Ci-dessous, vous trouverez quelques exemples de chemises ayant
été ainsi imprimées, avec quelques-unes des innombrables images
ainsi dupliquées. Ces images n’ont paru que sur le site ouèbe du
Ha’aretz en hébreu :
Un T-shirt de tireurs d’élite d’infanterie
porte, ainsi, l’inscription « Plutôt utiliser Durex », à côté de
l’image d’un enfant palestinien tué, avec sa mère en larmes et
un nounours à ses côtés. Un T-shirt d’un tirailleur du bataillon
Shaked de la brigade Givati montre une femme palestinienne
enceinte, avec une cible sur son ventre, le slogan disant, en
anglais : « Un (seul) tir, deux tués ».
Après l’Opération Plomb Coulé, des soldats
de ce bataillon ont fait imprimer sur leurs T-shirts un dessin
représentant un aigle en train de posséder sexuellement le
Premier ministre palestinien (Hamas) Ismail Haniyéh.
Une chemise de « remise de diplôme », pour
ceux qui ont terminé un nouveau cours de « tir au pigeons »
porte le dessin d’un bébé palestinien, qui grandit, devenant un
enfant combattant puis un adulte armé, accompagné de
l’inscription : « Peu importe comment ça commence : c’est nous
qui nous occupons de la fin ! »
Les chemises arborant des messages à teneur
sexuels foisonnent. Ainsi, à titre d’exemple, le bataillon Lavi
en a produit une qui représente un soldat près d’une jeune femme
couverte d’ecchymoses, avec ce slogan : « Je parierais que tu
t’es fait violer !? »
Certaines images, plus rares, mettent en
exergue des exactions dont l’armée dénie l’existence – comme la
notion de « confirmation de mort » (consistant à tirer une balle
dans la tête d’un(e) ennemi(e) à bout portant, afin de s’assurer
qu’il (elle) est bien mort(e)), la profanation de sites
religions, ou des brutalités à l’encontre de femmes ou d’enfants
non combattants.
Le slogan « Que toute mère arabe sache que
le sort de son enfant est entre mes mains ! » avait déjà été
banni des chemises d’une autre unité d’infanterie. Un soldat de
la brigade Givati a toutefois déclaré, voilà quelques jours,
qu’à la fin de l’année dernière son peloton avait fait imprimer
des dizaines de chemises, de doudounes et de pantalons portant
précisément ce slogan.
« Il y a un dessin représentant un soldat
(de « Tsahal ») sous les traits de l’Ange de la Mort, à côté
d’un canon et d’une ville arabe », explique-t-il. « Le texte
était très expressif. Le plus drôle, c’est que quand notre
soldat est allé chercher les chemises, l’homme qui les avait
imprimées s’est avéré être un Arabe. Le soldat en question
s’était senti tellement mal à l’aise qu’il avait dit à la fille,
à la caisse, de les lui livrer à la caserne. »
En 2006, des soldats élèves du cours de
l’ « Equipe Carmon », qui forme des tireurs d’élites, ont fait
imprimer une chemise portant un dessin d’un Palestinien arborant
un coutelas, vu à travers le viseur d’un fusil à lunette, avec
le slogan : « Il va falloir que tu coures, que tu coures, que tu
coures très vite, mon gars, avant que tout soit fini ! ».
Au-dessous, le dessin d’une femme arabe éplorée, penchée sur une
tombe, avec ces mots : « Et après, elles pleurent ; et après,
elles pleurent » [Ces inscriptions sont des parodies d’une
chanson populaire].
Une autre chemise de sniper représente,
elle aussi, un Arabe dans un collimateur, avec cette annonce :
« Tout est fait dans les meilleures intentions. »
Une chemise, imprimée après l’Opération
Plomb Coulé, à Gaza, à l’intention du Bataillon 890 de
Parachutistes, montre un soldat King-Kong, dans une ville
soumise à un assaut en règle. Le slogan est dépourvu
d’ambiguïté : « Si tu as cru que ça pourrait être réparé, éh
bien, tu va voir que ça peut être détruit ! »
Ces chemises doivent obtenir l’aval des
commandants de « Tsahal », et elles font partie de la tradition
militaire, bien que leur nature explicite semble un phénomène
nouveau. Le Dr Orna Sasson-Levy, sociologue de l’Université
Bar-Ilan, a expliqué que ces chemises « font partie intégrante
d’un processus de radicalisation que traverse l’ensemble du pays
(Israël), et dont les militaires sont aux avant-postes. »
Sergiey Sandler, un militant antimilitariste israélien, actif
dans l’importante association
New Profile, a
diffusé cet article par mél, expliquant que ces chemises « sont
une tradition de longue date, dans les
unités de l’armée israélienne ; vous voyez de telles
chemises, bien qu’habituellement, avec des dessins moins
outrageants, dans les rues, partout. C’est là un spectacle qui
en dit bien davantage qu’un tombereau de commentaires, n’est-ce
pas ? »
Je ne pense pas que ce type de chemises « ornées » soit
un phénomène uniquement israélien. Je parie qu’il en existe de
similaires, créées par les soldats US en Irak. Mais elles sont
indicatives d’un environnement où des crimes de guerre massifs
sont susceptibles d’être perpétrés. Elles sont le reflet d’une
mentalité dans laquelle la vie des Palestiniens est méprisée,
voire où elle n’est même pas reconnue. Un des soldats l’a très
bien dit, dans
son
témoignage décrivant de quelle manière une mère et ses deux
enfants ont été tués délibérément. : « L’ambiance, de
manière générale, d’après ce que j’ai compris à partir de ce que
la plupart des hommes placés sous mes ordres m’ont dit… je ne
sais pas comment la qualifier… La vie des Palestiniens, disons,
est quelque chose de vraiment, vraiment moins important que
celle de nos soldats. En ce qui les concerne, en tout cas, c’est
ainsi qu’ils justifient ça… »
Traduit de l’anglais
par Marcel Charbonnier