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TLAXCALA
Que signifie, aujourd’hui, être
sunnite ?
Abdul-Azîz
Bû Mushûlî
*
in Al-Quds al-Arabiyy, 7 août 2006
Un
tel titre – Que signifie, aujourd’hui, être sunnite ?
– pourrait donner de prime abord l’impression que cet article
s’en tiendrait à une interrogation portant sur le sens du
concept de sunnisme, le musulman sunnite étant censé se
contenter de se confiner à l’intérieur de son principe
religieux sunnite [madhhab sunnî] et, donc, d’en respecter les
rites [‘ibâdât] et de se comporter en conformité avec ce que
prescrit la Tradition [sunnah] en fait de propos, d’actes ou de
décisions.
En
vérité, mon interrogation ne portera absolument pas sur
l’acception historique du lexème « sunnisme »,
cette acception qui est venue se greffer à ce terme, faisant du
sunnisme un principe religieux collectif basé sur une inspiration
tirée du passé et sur la dépendance [taba‘iyyah] ainsi que
sur l’imitation pieuse [taqlîd]. A la suite de quoi, le fait
d’être musulman sunnite a pris le sens d’être quelqu’un
dont la personnalité unique se serait effacée, et qui serait
porteur de valeurs collectives fondées sur un principe de
permanence [thabât], ces valeurs définissant sa personnalité et
ses fins personnelles [ghâyâtu-hu]. En effet, la personnalité
sunnite n’aurait (dans ce sens) d’autre finalité que le fait,
pour l’individu, d’obéir à des principes définis par
avance, c’est-à-dire à des principes correspondant à la règle
d’une identité collective dans l’ombre de laquelle
s’annulerait toute tendance à l’altruisme, en tant que volonté
de l’individu de se libérer des chaînes de la dépendance et
de s’enrôler dans le processus du devenir et du destin [çayrûrah].
Cette
interrogation vise le retour à la source [’açl] – à la
source sémantique du mot sunna [sunnah]. Non pas en vue de fonder
la tradition imitative [ta’sîsu-t-taqlîdi], mais, bien au
contraire, afin de se libérer et de s’échapper de la
conformation au modèle-source, d’oublier l’imitation pieuse
et de recouvrer son être [’isti‘âdati-l-wujûdi].
Le
retour à l’origine – ’açl – équivaut ici à la remémoration
d’une querelle aujourd’hui totalement oubliée, qui a traversé
toute l’histoire de l’imitation sectaire [taqlîd madhhabiyy]
et qui a produit ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler
le salafisme [salafiyyah] ou encore le fondamentalisme [’uçûliyyah],
et provoqué une crise d’identité au sein de sociétés encore
incapables de s’engager dans la projection vers un horizon futur
et restées prisonnières des illusions d’une pensée
identitaire et passéiste qui en déterminait les destinées, et
qui faisait, par conséquent, obstacle à leur émancipation
d’un passé dont la sacralisation était portée à son degré
le plus extrême : celui de la divinisation.
Le
retour à l’origine, au principe, à la source, au « ‘açl »,
est ici un retour visant à en comprendre la signification
authentique – cette signification sur laquelle s’est instituée
la querelle qui a commencé à dynamiser une pratique stéréotypée
prenant la forme d’une imitation servile, qui n’eut de cesse
d’être consacrée en un ordre [sociétal] figé, dans lequel le
sujet se confine – un ordre qui fixe le parangon à l’aune
duquel s’estime ce qui est vrai [haqq] et ce qui est faux [bâTil],
ce qui est orthodoxe [sunniyy] et ce qui est hétérodoxe,
innovateur (ce terme étant pris en mauvaise part, avec
l’acception d’ « hérésie ») [bid‘iyy] (il
s’agit, à l’origine, on le verra d’une innovation blâmable
dans le degré de l’intensité – par excès – de la dévotion,
ndt).
De
fait, notre retour sur la signification du sunnisme,
aujourd’hui, se propose d’extirper le signifiant de divers
signifiés accumulés au fil des siècles, qui ont eu pour effet,
au cours du processus de l’extrapolation juridique analogique [taqlîd
fiqhiyy], de le dépouiller et de l’aliéner du principe actif
de l’existant en tant que fondation et qu’authentification [ta’çîl]
de la contemporanéité, jusqu’à devenir, en fin de processus,
un signifié désignant un ordre de tutelle [wiçâyah] faisant écran
entre le sujet et son effectivité, sa capacité à mobiliser sa
raison, à l’abri des immixtions des médiations de l’hégémonie.
En
effet, être sunnite, aujourd’hui, cela ne signifie en aucun cas
être la copie conforme d’actions [’af‘âl], de propos [’aqwâl]
et de décisions arbitrales [taqrîrât] du Prophète [Mahomet].
Non, cela ressortirait, d’ailleurs, au domaine des impossibilités,
et une imitation de cet acabit s’opérerait au détriment de
l’esprit, de l’effectivité, de l’identité propre et de
l’historicité, si tant est que tu [’anta] n’es point tant
ce qui est [huwa] que tu ne deviens ce qui n’est pas (encore) [fa-’anta
lâ takûna mâ huwa bi-qadri mâ taçîru mâ laysa huwa],
c’est-à-dire cette ipséité aliénée à son essence. Non. Il
s’agit de l’expression de la crise d’une identité simulant
l’imitation absolue, mais perdant en réalité son essence et se
muant en une altérité anhistorique, en lieu et place d’une altérité
historique.
Etre
sunnite, aujourd’hui, cela signifie revêtir [ta’assâ] la
tradition [sunnah] en tant que fondation et qu’émancipation de
la tradition. C’est d’ailleurs là la signification originelle
du terme – sunnah – comme l’indiquent ses sens premiers,
comme nous le verrons plus loin. Dans cette perspective, la sunnah,
c’est l’effort déployé en vue de tendre vers l’avenir, de
l’anticiper [’istishrâfu-l-mustaqbali]. La sunnah est repérage,
orientation (vers un but) [’iqtidâ’] et non pas imitation [taqlîd].
Orientation ? D’après quels repères ? D’après la
remémoration de la situation de conflit idéel [’ikhtilâf] sur
lequel, précisément, la sunnah s’est instituée. La sunnah est
aussi émancipation de l’imitation, qui avait fini par la
transformer, de fait, en sclérose et en négation de
l’autonomie (personnelle) et de la volition.
Pour
toi, être sunnite, cela signifie t’inventer une conduite
personnelle [manhaj khâçç] qui soit à même de te conférer le
droit à exister, à agir, à influer sur le réel et à être
efficient. C’est là une acception qui donne son sens premier au
mot sunnah – ce sens qui s’incarne dans la fondation de
l’avenir, et nullement dans je ne sais trop bien quelle
stagnation dans un passé indéterminé…
Etre
sunnite, aujourd’hui, cela signifie te préparer à prendre
l’initiative [mubâdarah] et à choisir un cheminement [tarîqah…
] non encore emprunté (avant toi), et néanmoins efficient,
c’est-à-dire qui exerce une action sur le réel […
mu’aththirah].
Tel
est le sens véritable du mot sunna, dont la signification avait
été dévoyée. Il s’agit de la signification centrale que revêtait
ce mot du vivant du Prophète [al-‘ahdu-n-nabawiyy]. En effet,
la signification première et originelle de ce mot, tant dans la
langue naturelle (des tribus bédouines) [lughatan] que par
convention [‘içtilâhan] n’a aucun rapport, de quelque nature
que ce soit, avec la notion d’obtempérer [’ittibâ‘] , ni
non plus avec celle d’innovation blâmable (« hérétique »)
[bid‘ah]…
Tout
au contraire, il est associé à la créativité [’ibdâ‘], et
absolument pas à la notion d’innovation blâmable (« hérétique »)
[bid‘ah], dont l’utilisation est strictement réservée, chez
les juristes et les spécialistes des commentaires du Hadîth [‘inda
‘ulamâ’i-l-’uçûli wa-l-hadîthi], originellement, à
l’exagération dans l’imitation pieuse [taqlîd] dans le
domaine des prières rituelles [‘ibâdât].
La
« bid‘ah », l’innovation blâmable – cette
horrible chose ! (ndt) – ne désigne donc absolument pas le
fait d’emprunter un cheminement inexploré, mais bien, en
revanche, celui de pousser la dévotion jusqu’à des extrémités
absurdes [’al-mubâlaghatu fî-t-ta‘abbudi]. Ce terme de bid‘ah
exprime donc un type de dévotion rituelle exagéré à l’extrême,
qui va parfois jusqu’à la négation de la vie et au seuil de
l’idolâtrie [al-irtikân ‘ilâ-t-ta‘abbudi].
Voyons
maintenant quel est le sens originel du mot « sunnah »,
en arabe (en nous référant aux grands dictionnaires, tel le Lisân
al-‘Arab]. Ce mot renvoie à une notion d’institution d’une
nouveauté (positive, créatrice, ndt) [a-t-a’sîsu li-l-jadîdi].
Le
poète Naçib a dit :
« On
pourrait dire que je suis [en quelque sorte] le premier amant
A avoir inventé l’amour [sanantu-l-hubba]
De toute l’humanité,
Puisque, entre tous les êtres, j’ai aimé [dès le plus jeune
âge] quelqu’un :
Moi… »
[Ka’anna-mâ
sanantu-l-hubba
’awwala ‘âshiqin
Mina-n-nâsi ’idh ’ahbabtu min bayni-him wahdî.]
Quant
au poète Khâlid Ibn ‘Atabah al-Hadhliyy, il a dit :
« Ne
sois (surtout) pas effrayé par un cheminement (nouveau), que tu
aurais emprunté ;
Car
le premier à être satisfait d’une innovation créatrice [sunnah],
c’est celui qui en montre la voie,
invitant son prochain à l’y suivre ».
[Fa-lâ
tajza‘anna min sîratin sirta-hâ
Fa-’awwalu
râdin sunnatan man
yusayyiru-hâ]
(distique
cité par le dictionnaire de référence Lisânu-l-‘Arabi à
l’entrée consacrée à la racine SNN).
Cela
signifie que le mot sunnah réfère à l’individualité [farâdah]
et à l’originalité (positive) [tamayyuz] dans le fait
d’emprunter une nouvelle voix, d’innover un nouveau style [’uslûb
jadîd] dans sa vie. Bien entendu, il s’agit ici d’un style
fondateur [’uslûb mu’assis] de par sa capacité d’influer
sur le réel [li-qudrati-hi ‘alâ-t-ta’thîri].
Par
ailleurs, nous relèverons aussi, dans les lexiques de sciences du
Hadîth, la définition suivante de la sunnah :
« Quiconque
a été le premier à faire quelque chose que des gens ont faites
après lui, on dira que c’est lui qui a « innové »
cette chose [sanna-hu] ».
[Kullu
man-i-btada‘a ’amran ‘amila bi-hi qawmun ba‘da-hu, qîla
huwa sanna-hu].
Ou
encore, dans le Hadîth lui-même : Celui qui instituera une
novation louable [sunnatan hasanatan] dans l’Islam [= ne portant
pas atteinte aux préceptes de l’Islam, ndt], il en recevra la récompense
[au Paradis], augmentée des récompenses méritées par tous ceux
qui se seront inspirés de son exemple après lui, sans que cela
ne diminue en rien la récompense qui leur échoira » [Hadîth
transmis par Muslim].
[Man
sanna fî-l-’Islâmi sunnatan
hasanatan fa-la-hu ’ajru-hâ wa ’ajru man ‘amila bi-hâ
ba‘da-hu, min ghayri ’an yunaqqaça min ’ujûri-him
shay’un].
Au
sens conventionnel, technique [‘al-ma‘nâ-l-içtilâhiyy], le
mot sunnah désigne le fait d’instituer une nouveauté [’at-ta’sîs
li-l-jadîdi]. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les
propos du Prophète ont été dénommés le Hadith [’al-Hadîth],
c’est-à-dire la Nouveauté. [Il faut noter ici, en effet,
la polysémie de la racine HDTh, qui produit des dérivés véhiculant
les notions de : nouveauté, propos, jeunesse… ndt]. De même,
les actions [’af‘âl] et les décisions [taqrîrât] (du Prophète)
entrent dans la Sunnah et dans la Sîrah [la biographie autorisée
du Prophète – As-Sirâtu-n-nabawiyyah].
Le
sens conventionnel jurisprudentiel – canonique – [’al-ma‘nâ-l-içtilâhiyyu-l-fiqhiyy]
confirme, quant à lui, que la Sunnah englobe tous les faits et
dires attestés du Prophète [kulla mâ thabata ‘ani-n-nabiyyi]
et qui, par conséquent, ne ressortissent ni au chapitre des
obligations externes [bâb-ul-fard], ni à celui des devoirs [bâbu-l-wâjibi].
On
voit donc bien, en cela, que la Sunnah est institution de
l’action [ta’sîsun li-l-fi‘li], à l’exclusion de tout ce
qui entre dans le cadre de l’obligation [fard], qui consacre,
quant à lui, la dépendance [taba‘iyyah] et l’obéissance
inconditionnelle et automatique, « perinde ac cadaver »,
[’al-imtithâlu-l-’âliyy].
Partant,
le fait, pour toi, d’être sunnite, aujourd’hui, signifie que
tu te guides sur la base et l’effet de l’initiative
constituante [taqtadî bi-fi‘li-t-ta’sîsi], et non pas sur
l’injonction de l’imitation (pieuse) [wa laysa
bi-’amri-t-taqlîdi], même si, seule, celle-ci permet au
musulman, aujourd’hui, d’être effectivement sunnite [c’est-à-dire
sans laquelle on ne pourrait pas parler du tout de sunnisme, de
nos jours ! ndt]. Dans cette perspective, le musulman sunnite
est quelqu’un qui est doté de la capacité à innover de manière
créative (et positive) [’al-qudratu ‘alâ-l-’ibdâ‘i] et
non pas à imiter servilement et à suivre un modèle, par
conformisme [’al-ittibâ‘].
Il
s’agit de la capacité à inventer le bien [’ibdâ‘u-l-khayri]
et à le prodiguer à son prochain [manhu-hu li-l-ghayri], et non
pas de l’adoption de comportements exemplaires bien déterminés,
qui font perdre à l’individu toute capacité à prendre une
quelconque initiative sans en référer aux autorités
jurisprudentielles [sultatu-l-’iftâ’i], lesquelles décideraient
de ce qui est conforme – ou non – à la sunnah [au sens, ici,
de « tradition prophétique »]. La prise de repère,
la guidance, même, de soi, sur un principe originel [’al-‘açl]
constitué en fondation principielle [ka-ta’sîsin] est, en soi,
à la fois une libération et une émancipation par rapport à ce
même principe originel considéré en tant que modèle vidé de
son contenu. De là découle le fait que la prise de décrets
religieux [’iftâ’] [dérivé factitif (verbe) formé sur le
nom « fatwah », ndt] non spéculative [’al-’iftâ’u
ghayru-l-ijtihâdiyyi] sort du cadre de la sunnah. C’est en
particulier le cas des décrets des juristes télévisuels [satellitaires],
lesquels se font une spécialité de décréter des croisades
agressives contre tout ce qui est nouveau [jadîd] et créatif
[’ibdâ‘iyy]…
De
ce point de vue, la « sunna » devient bel et bien
synonyme de création, et non pas d’une hérésie (par excès de
zèle) [bid‘ah], qui ne renvoie, quant à elle, qu’à
l’imitation servile et aveugle [’ittibâ‘]. Mais la pratique
juridico-théologique, expression d’une stratégie visant à
l’hégémonie, a déplacé le sens tant de la sunna que de son
antonyme, la « bid‘ah », jusqu’à faire désigner
à chacun de ces deux termes son exact contraire !
Ainsi,
la sunnah est devenue la dénomination consacrée de l’idéologie
de la sclérose, la « bid‘ah » étant désormais
devenue un terme englobant tous les aspects non dévotionnels de
l’existence, alors que ce concept ne désignait, précisément,
à l’origine, rien d’autre que l’excès et le zèle sectaire
dans le domaine exclusif des rites dévotionnels ! (Parfois,
plus rarement, ce terme désigne non pas un excès de dévotion,
mais une insuffisance).
Ash-Shâtibiyy
dit : « La bid‘ah est une doctrine religieuse hérétique
cherchant à rivaliser avec la religion canonique, dont ceux qui
la suivent visent à exagérer dans la dévotion et l’adoration
de Dieu – Qu’Il soit exalté ! »
[’al-bid‘atu hiya tarîqatun fî-d-dîni mukhtara‘atun
tudâhî-sh-sharî‘ata yuqçadu bi-s-sulûki ‘alay-hâ-l-mubâlaghata
fi-t-ta‘abbudi li-Llâhi subhâna-Hu].
On
le voit, par conséquent : la sunnah ne signifiait en aucun
cas l’investissement des croyants dans l’invention de
nouvelles manières de vivre qui ne respectent point nécessairement
ni la logique des aïeuls ni leur doctrine religieuse, ni leurs définitions
des choses, ni même leurs mœurs, dont on sait bien qu’elles
n’étaient exempte ni de violence, ni d’une indéniable
propension à l’agression et au meurtre, ni d’autres
comportements immoraux…
Mais,
ce qu’il y a de cocasse, dans la représentation d’une sunnah
sclérosée (et sclérosante…), s’incarne dans la
sanctification des pieux prédécesseurs [’as-salafu-ç-çâlihu]
et dans le fait de considérer que tout ce qu’ils ont pu faire
était nécessairement le bien absolu. Cela n’empêche nullement
certains des adeptes du sunnisme, à notre époque, de remettre au
goût du jour la violence envers l’autre [= par exemple, le
non-sunnite, ou le non-musulman, ndt], au motif que ce serait là
fixer sa conduite sur des ancêtres exemplaires en tous points, et
prendre sur eux de la graine ! C’est sous l’égide de
cette logique que se placent, hélas, de nos jours, tous les
groupes sunnites fondamentalistes qui ne reculent pas devant la
compromission dans des exactions sanglantes envers ceux qu’ils
qualifient de brebis égarées et de déviationnistes de la sunnah
[dâllûna wa zâ’ighûna ‘ani-s-sunnati].
La
réhabilitation de la sunnah présuppose celle de son sens
originel de « destruction de la routine » [’itlâfu-l-‘âdati],
c’est-à-dire de défrichage de sentiers nouveaux, dans les
divers domaines de l’existence humaine. La sunnah, c’est le
fait de sortir du système de l’imitation pieuse [taqlîd] et de
la bien-pensance [’al-’ahaqqiyyah], et donc l’exercice du
droit qu’a tout être humain à la différence [haqqu-l-ikhtilâfi].
Suivre la voie du sunnisme, c’est édifier une capacité à
exister vraiment, à s’ouvrir sur le monde ; c’est la
capacité de fonder à monde nouveau, libéré des stéréotypes
tyranniques, qui n’ont jamais généré autre chose que l’arriération,
la dépendance, la négation de la volonté et l’obéissance
aveugle.
Etre
sunnite, aujourd’hui, cela signifie être en cohérence avec sa
volonté propre, afin de faire l’Histoire. C’est endosser la
tradition prophétique [’as-sunnata-n-nabawiyyata] en tant qu’émancipation
d’un ordre ancien et engagement dans une action historique
modificatrice d’un demain instituant. Mais cet endossement
s’est hélas transformé, sous l’effet d’une volonté d’hégémonie,
en imitation servile et en confinement dans l’immobilisme, dans
un refus absolu de toute réforme [’içlâh].
Etre
sunnite, aujourd’hui, c’est s’enrôler dans un mouvement
visant à reprendre le processus de début / origine [’isti’nâfu-l-bad’i-l-’açli],
non pas en vue de le ré-instituer tel quel à notre époque, mais
bien, au contraire, d’instituer, en faisant retour aux origines
principielles [ta’çîl] d’une nouvelle praxis qui soit à même
de libérer l’homme de toute tutelle [wiçâyah] et capable,
aussi, de fonder, selon ces origines principielles, l’innovation
créatrice [’ibdâ‘] et la propagation du bien.
Traduit de l'anglais
par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de
traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es).
Cette traduction est en Copyleft.
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