Opinion
Et encore une
guerre pour améliorer les sondages...
une !
Abdellah
Ouahhabi
Mardi 15 janvier
2013 Voilà donc un
président de la France qui, se trouvant
au plus bas dans les sondages de
popularité, décide de déclencher une
nouvelle guerre loin, hors de nos
frontières et de nos intérêts nationaux
! Après le chaos que
nous avons installé en Lybie, après la
Syrie où l’échec se profile (il
semblerait que des agents spéciaux
français, envoyés en mission pour
abattre le régime en place y seraient
détenus prisonniers !) et après
l’Afghanistan où l’échec est avéré (il
fallait libérer les femmes afghanes… le
sont-elles ? dans un éditorial récent,
Le Monde constate un échec militaire et
une «
fuite
» des occidentaux) – je ne parle pas de
l’Irak, nos gouvernements successifs
courent vers une nouvelle aventure, vers
nouvel échec pour faire oublier les
précédents.
Désormais voilà que l’armée française
est basée à Bamako.
Cela coûte de l’argent, des vies
humaines… Laissons la propagande de côté
et répondons à la question : à quelle
fin précisément ?
Rappelons quelques points importants :
1 /
La colonisation a dessiné une carte de
l’Afrique à grands coups de lignes
droites, au plus près des intérêts
coloniaux. A la
sortie de la Seconde Guerre Mondiale,
les frontières des pays africains ont
été reconduites pour répondre aux
besoins impérialistes, très loin des
intérêts des peuples concernés.
Il est donc logique que, tôt ou tard,
des ajustements voient le jour malgré la
décision de l’OUA et de l’ONU de figer
les frontières pour ne pas entrer dans
un grand chamboulement continental.
D’ailleurs, ces ajustements
post-coloniaux ont été imposés par
l’Occident à certains États – toujours
en fonction des intérêts des métropoles
colonialistes et impérialistes : la
confiscation de la Palestine aux peuple
palestinien, la partition de l’Inde et
le Cachemire retiré au Pakistan,
l’Indonésie séparée de la partie
chrétienne (Timor Oriental). En pleine
guerre froide, l’Éthiopie de gauche a
été délestée de l’Érythrée, l’État
somalien fut défait.
Plus récemment, la Yougoslavie a été
démantelée et le Soudan a été coupé en
deux parce que ce pays préférait
commercer avec les Chinois.
Sous nos yeux la Lybie, la Syrie sont
menacées de partition à la suite
d’interventions impérialistes.
Par contre, sont combattus les
ajustements, la réorganisation des États
en place ayant pour initiative des
acteurs locaux comme au Mali ou en
Egypte. 2/
La France se serait donnée pour mission
de combattre l’« Islam radical ». Cette
expression est un nuage de fumée pour
enraciner la France dans l’impérialisme
Otanien et notamment pour renforcer au
Moyen-Orient la légitimité de
l’existence de la chimère de droit
international, Israël.
« Combattre l’Islam radical », c’est en
réalité combattre les ennemis d’Israël…
en transformant la France en ennemi des
peuples qui aident le peuple palestinien
à recouvrir TOUS ses droits.
Est-ce l’intérêt de la France de
soutenir de facto un État artificiel,
ouvertement colonial, raciste et
religieux ? Il ne
faut pas oublier que l’attaque des Tours
Jumelles à New York a été justifiée par
ses auteurs comme une sanction contre
l’appui bien réel et inconditionnel des
USA à Israël. Oui,
la France d’aujourd’hui permet à l’armée
israélienne de collecter des fonds en
France. Les Français
qui achètent des produits cacher paient
une dîme dont une partie est destinée à
l’État d’Israël. Les
jeunes Français sionistes sont autorisés
d’aller tuer du Palestinien, « tuer de
l’Arabe » comme naguère notre armée «
cassait du Fellaga » en Algérie.
Mais si un Français démocrate veut
soutenir financièrement et modestement
une famille palestinienne nécessiteuse
ou s’il veut s’engager aux côtés des
Palestiniens qui combattent l’occupation
illégale, il devient un terroriste, un
islamiste fanatique, un antisémite, un
futur condamné par la justice française.
Dans le même temps, l’Islam rétrograde
de l’Arabie Saoudite ou du Qatar ou de
Bahreïn, si loin de nos valeurs
républicaines, sont acceptés tels quels
et leur influence sur les publics
français est favorisée par des abandons
de souveraineté de la France sur son
propre territoire : je dispose de
documents précis établissant ce fait.
De fait, la France promeut exclusivement
l’Islam rétrograde des dirigeants
étrangers qui n’agissent pas dans
l’intérêt de leur pays, mais qui sont
des marionnettes, des démagogues
maintenus en place pour matraquer leur
population et pour lui faire accepter de
se soumettre aux intérêts étrangers et
capitalistes… mal compris.
3/
Il
ressort de cet interventionnisme
militaire compulsif que la France ne
fait pas d’effort pour remporter des
marchés commerciaux en Afrique
autrement qu’à travers des relations
de domination militaire.
L’éducation des millions de jeunes
défavorisés est négligée ; la
recherche scientifique a des budgets
squelettiques ; les budgets de santé
sont de plus en plus contraints : on
est loin des investissements
volontaires de l’époque gaulliste.
Cette attitude, ces choix de
dépenses (plus d’un milliard d’euros
par an consacrés aux interventions
extérieures !) continueront de
plomber notre potentiel d’innovation
technologique, notre offre
commerciale et affaiblissent la
cohésion nationale.
Le président a déclaré que «
l’intervention militaire de la
France au Mali ne vise aucun intérêt
particulier », mais alors pourquoi y
aller ?
C’était une intervention platonique,
tout cet argent gaspillé, ces vies
innocentes perdues ? Depuis quand «
les relations amicales »
déterminent-elles les relations
internationales ?
4/
Dans
un autre passage de son
intervention, Monsieur Hollande
précise qu’il agit dans le cadre de
la lutte contre le terrorisme qui
menacerait la France si un État
terroriste s’installait au Mali :
- A qui veut-on faire croire qu’un
État installé au Mali, un pays parmi
les plus pauvres de la planète,
pourrait dans un jour prévisible
menacer la sécurité de l’État
français, doté de l’arme nucléaire
et membre permanent du Conseil
Sécurité ?
La France est un grand pays moderne
; il lui suffit pour sa sécurité de
contrôler ses frontières et les
visiteurs étrangers suspects.
- Il faut dire la vérité, à savoir
que l’armée française s’est rendue
au Mali pour tuer les ennemis de nos
valets locaux afin que ces derniers
puissent rester au pouvoir et
continuer à nous céder leurs
richesses nationales à vil prix.
Des Maliens vivant en France depuis
des décennies et qui contribuent à
notre économie espèrent une
amélioration de leur sort ; des
Français vivent des jours difficiles
dans cette crise qui durera encore
longtemps ; n’y avait-il pas un
meilleur usage national des sommes
engagées pour l’intervention
militaire au Mali ?
5/
De
plus, cette intervention est
illégale au regard du droit
international :
- La résolution du Conseil de
sécurité n°2085 ne la prévoyait pas
;
- Nous n’avons pas de convention
d’assistance militaire avec le Mali
et surtout pas pour intervenir dans
un conflit intérieur.
- Le président provisoire qui a
demandé l’intervention de Monsieur
Hollande n’a aucune légitimité pour
le faire : il n’a pas été élu, mais
désigné à titre provisoire.
- Des membres du Conseil de sécurité
ont demandé que l’action de la
France soit effectuée sous
supervision et contrôle de l’ONU et
de l’OUA.
Après les premiers succès obtenus
lors de confrontations initiales «
force contre force », comme en Irak,
comme en Afghanistan, dans la durée,
cette intervention militaire est
vouée à l’échec,
à la fuite... plus ou
moins dissimulée, léguée au
successeur de Monsieur Hollande.
Les citoyens français ne veulent pas
manger de ce pain souillé du sang
des innocents, du sang de nos
soldats, de la misère des peuples
asservis par nos armées.
On sait déjà que les bombardements
de notre armée ont tué des civils
innocents, sans compter la vie de
militaires, des otages et des
victimes françaises qu’il ne
manquera pas d’y avoir. Qui est
juridiquement responsable de ces
morts innocents ? de ces exécutions
extra-judiciaires ?
6/
Nous
voulons et nous pouvons manger, la
conscience tranquille, le pain
honnêtement gagné par notre
recherche scientifique et
technologique en remportant
commercialement, à la loyale, des
marchés dans le monde entier. Voilà
où devrait aller l’argent de la
France : la santé et la formation
des Français, la recherche
scientifique et technologique.
Tôt ou tard, avec l’accord français
ou contre lui, des modifications
interviendront en Afrique. Des États
forts parce que représentatifs de
leur population et homogènes
démographiquement y verront le jour.
Ils seront stables.
Du point de vue religieux, ils
seront islamistes progressistes ou
islamistes rétrogrades – ce n’est
pas l’affaire de la France qui est
laïque ; cela concerne les peuples
africains.
La France est un État laïc ; elle ne
pas choisit ses alliés ou ses
partenaires commerciaux en fonction
de leur religion.
Ce qui nous intéresse, c’est de
faire de bonnes affaires
commerciales avec tous les États et
d’avoir de bonnes relations
culturelles avec le monde entier
afin de montrer l’exemple.
Assaillir et enlever un marché par
la force et le sang, grâce à notre
armée, est une erreur grave qui sème
la haine contre la France et que les
générations futures françaises
paieront.
On n’arrête pas l’histoire.
7/
On
constate par ailleurs que cette
politique des tambours de guerre met
en danger la sécurité des Français
dans le monde : pourquoi à l’Élysée
espère-t-on que les ennemis que nous
nous sommes fabriqués soient «
gentils » avec nous ?
J’écris cet article éditorial et je
sais que je peux être victime d’un
attentat en France ou à l’étranger
parce que je suis Français, parce
que mon gouvernement a une politique
post-colonialiste en Afrique et
pro-israélienne au Moyen-Orient :
cette politique expose tous les
Français à des risques inutiles
8/
En
plus, cette politique est un alibi
pour ressortir la chasse au faciès
des placards ; c’est une atteinte à
la démocratie nationale : retour au
dispositif vigipirate qui cible des
populations françaises sur le
principe du faciès et qui est en soi
une atteinte aux droits fondamentaux
des Français – espionnage de la vie
privée. Ce genre d'aventure
post-coloniale, de "françafrique", a
un effet retour qui sape la cohésion
sociale en France même.
Pour toutes ces raisons, comme
Monsieur de Villepin, je suis contre
cette aventure militariste coûteuse,
inutile, dangereuse et vouée à
l'échec.
Abdellah Ouahhabi
Ancien
Réalisateur et Producteur de France 2
Le dossier Afrique noire
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