Le gouverneur militaire de la
province de Tulkarm m’a convoqué un jour en
1987, j’étais alors en résidence surveillée à
Deir Ghossoun, en vue de rencontrer un des
officiers de l’état-major israélien. J’avais
rendez-vous à 14 heures, il eut quinze minutes
de retard, je décidai de quitter le sérail de
Tulkarm. A peine sorti de la porte principale
que les soldats pointaient sur moi leurs fusils,
me demander de rentrer. L’un des officiers me
dit que le général a pris un peu de retard mais
qu’il insiste pour te voir. Il prit ma carte
d’identité pour m’obliger à rester. Le général
arriva vers 14h30.
Le général
me questionna à propos de la solution dans la
région, je lui répondis qu’elle se résumait en
deux mots, le droit au retour. Il dit que cela
signifie la destruction de l’Etat d’Israël, je
lui répondis qu’il se trouvait face à deux
alternatives : ou bien accepter le droit au
retour et échapper, lui et son peuple, à la
destruction ou bien ne pas l’accepter, il
exposait alors son peuple à un danger qu’il ne
pouvait concevoir. Il demanda à propos de ce
qu’il ne pouvait concevoir, je lui répondis,
l’anéantissement et l’expulsion. Il dit
que le rapport de forces dit que c’est plutôt
vous qui allez être anéantis, je lui dis que je
ne parlais pas du rapport de forces actuel, mais
du prochain. Il dit que mes paroles sont
démesurées, je lui répondis : elles sont
démesurées en 1987, mais elles seront modestes
trente ans après. Il me demanda si je
patienterai toute cette période, je lui dis que
je léguerai la patience à mon fils.
Le général me dit que le
gouvernement d’Israël est prêt à accepter la
fondation d’Etat palestinien en Cisjordanie et
la bande de Gaza, je lui répondis que l’Etat qui
n’est pas la conséquence du droit à
l’autodétermination ne pourra être autre que
l’agent sécuritaire d’Israël. Lorsque
j’obtiendrai le droit à l’autodétermination, je
déciderai ce que je veux, fonder un Etat ou un
Empire, ou bien décider l’unité avec un Etat
arabe. Cette décision appartient au peuple
palestinien. Il me dit que Arafat recherche un
Etat et il est prêt à négocier avec Israël. Je
lui répondis : tant mieux, négocie, essaie. Le
projet d’Etat palestinien que vous bénissez sera
dépassé par les événements, il sera
dépassé par le rapport de forces. Vos charges
seront lourdes dans le futur de sorte que vous
ne trouverez aucune utilité à négocier avec ceux
qui sont prêts à le faire. Le général m’a décrit
comme un extrémiste et m’a menacé de
déportation. Je lui répondis : « je serai
soulagé de ne pas te voir ».
Depuis cette date,
vingt-trois ans sont passés, il reste donc sept
ans à ma promesse. Au cours de cette période,
Israël est sorti chassé du Liban, il a perdu la
guerre de 2006, il a perdu la guerre contre
Gaza, et il a vu, de ses propres yeux, comment
la panique a contraint un quart de la population
d’Israël à s’enfuir et à réclamer le salut, tout
comme il a mené des manœuvres spéciales pour se
préparer à chasser des forces étrangères qui se
sont emparées d’agglomérations juives au nord de
la Palestine.
Sur quoi me suis-je appuyé et
sur quoi je m’appuie ? Je me suis appuyé sur une
évolution qui faisait son chemin en silence,
dans la région, et qui s’est poursuivie jusqu’en
2006, en silence aussi, lorsque le Hezbollah a
livré une partie de ses secrets de combat. Je
voyais l’éclipse rapide de l’OLP, principal
acteur de la région et la montée de nouvelles
forces sur la scène palestinienne, plus
sérieuses et plus engagées envers la cause
palestinienne, je voyais un éveil technologique
en Iran qui annonçait un éveil technologique en
Syrie, tout ceci constituant de fortes
motivations pour de larges catégories sur la
scène arabe et islamique pour se révolter contre
l’humiliation, la faiblesse et décider la lutte.
Les Américains e les Israéliens ont énormément
fait souffrir les Arabes et les musulmans et il
n’y avait aucune alternative que la relève. Ce
comportement ne peut que susciter sa négation et
son contraire, et c’est ce qui s’est passé, à
grande vitesse, du Pakistan jusqu’au Soudan.
Il est clair que la
corruption mine l’Etat d’Israël, de la tête au
pied et que l’effondrement moral est parvenu
jusqu’à la tête de l’Etat et ses ministres. Sa
direction historique a disparu, son armée a
changé et son moral est tombé. Israël est
toujours puissant, sur le plan militaire et
sécuritaire, mais le ver a pénétré dans tous ses
membres.
Ce que j’ai demandé, monsieur
le général, en 1987, n’a plus cours. Le plafond
de mes exigences a été relevé, et s’élèvera au
fil des jours. Actuellement, je demande la
suppression des accords de Sykes-Picot, je
demande la proclamation d’une résolution rendant
illégal le mandat en 1922 et considérant tout ce
qui a suivi comme illégitime.
En espérant
que vous ne vous appuyerez pas sur vos muscles,
car l’ardeur des muscles non régis par la raison
risque d’aboutir à la catastrophe. Nous pouvons
résorber la destruction provoquée par vos bombes
nucléaires, mais vous êtes incapables de
résorber celle provoquée par nos fusées
traditionnelles. Ne vous appuyez pas sur les
Américains, car ce qu’ils pouvaient vous offrir
il y a dix ans, ils ne pourront vous en fournir
le quart dans dix ans. Je te conseille d’agir
pour ton lendemain, tu pourrais venir à moi
réclamer l’assistance. Je te ferai attendre pour
voir quel sera le jugement de Dieu envers toi :
te prêter assistance et t’accorder la sécurité
ou bien te faire goûter le supplice ?
Ne lis pas mon article de
travers, à la façon dont tu as lu mes paroles en
1987.