En direct de Gaza
Gaza, le Coronavirus et le blocus
israélien
Ziad Medoukh
Mardi 17 mars 2020
Depuis l'annonce, début mars, de
plusieurs personnes atteintes du
Coronavirus en Cisjordanie occupée, à
Bethléem en particulier, l'état
d'urgence a été décrété dans tous les
territoires palestiniens pour un mois
par décision de l'Autorité
palestinienne.
Malgré la division inter palestinienne,
et l'existence de deux gouvernements,
les autorités de Gaza ont été obligées
d’appliquer ces décisions prises par
Ramallah, et coordonner avec le
ministère de la santé dans le contexte
de l'épidémie de Coronavirus.
Les écoles, les
jardins d'enfants et les universités
sont fermés jusqu'à nouvel ordre partout
, et un centre de quarantaine a été
ouvert au passage de Rafah au sud de la
bande de Gaza pour les personnes
rentrant à Gaza; même si les
rassemblements ne sont pas interdits
officiellement, et que les cafés, les
restaurants, et les parcs publics ne
sont pas fermés jusqu'à présent, des
mesures de précaution et de prévention
ont été prises dans cette enclave sous
blocus israélien.
Ces mesures, même
très utiles, ont aggravé la situation
économique déjà très difficile, avec des
secteurs touchés directement ou
indirectement, comme le transport
scolaire et universitaire.
Cette semaine, le
gouvernement qui gère la bande de Gaza a
décidé de fermer le passage de Rafah,le
seul passage qui relie cette région à
l'extérieur, une décision réclamée par
la population civile. C'est la première
fois depuis quinze que les Palestiniens
de Gaza demandent la fermeture des
passages et non son réouverture.
Car personne ne
peut imaginer comment les Palestiniens
de Gaza devront faire si le virus les
frappait.
Même si jusqu'à
présent, il n'y a aucun cas infecté par
le Coronavirus dans la bande de Gaza, le
fait que ce virus est arrivé en
Cisjordanie et en Israël. Les
Palestiniens de Gaza commencent à
s'inquiéter notamment dans le contexte
particulier marqué par une crise
sanitaire et économique sans précédent.
Pour eux, ce virus qui n'a pas de
frontières, peut à n'importe quel moment
y arriver, car personne ne peut arrêter
la propagation du Coronavirus avec le
manque d'installations médicales bien
équipées, et la crise fondamentale qui
touche le secteur de la santé en
faillite du fait du blocus.
C'est dans le
secteur de Bethléem au sud de la
Cisjordanie occupée, qu’ont été
identifiés les premiers cas de
l'épidémie Covid-19. Près de 40
personnes sont contaminées. Elles sont
actuellement isolées et soignés en
quarantaine dans un hôtel sous
surveillance médicale intensive.
Pour les
Palestiniens, lutter contre cette
épidémie de Coronavirus n’est pas une
affaire simple, même si les institutions
peu opérationnelles de l’Autorité
palestinienne tentent de suivre à la
lettre les instructions de
l’Organisation mondiale de la santé
(OMS). Cette dernière a confirmé que la
Palestine a été le deuxième pays dans le
monde, après la Chine, a décrété l'état
d'urgence pour freiner la propagation du
virus.
Dans la bande de
Gaza, le pire de scénario est à craindre
si le virus mortel arrive dans cette
région densément peuplée. Et qui souffre
depuis plus d'une décennie.
A part, quelques
médicaments et kits de dépistages
envoyés par l'Autorité palestinienne de
Ramallah, quelques appareils de
diagnostic et des masques fournis par
l'OMS, les hôpitaux de Gaza sont en
mauvais état de fonctionnement, avec un
manque de moyens et d'effectifs, comme
nous avons constaté lors de l'incendie
de début mars, lors l'incendie qui a
touché un marché public au centre de la
bande de Gaza, avec 11 blessés graves
qui sont morts l'un après l'autre.
Le responsable de
l’OMS en Palestine déclare qu’il
n’existe que 50 tests de détection dans
toute la bande de Gaza et une centaine
de masques de protection pour les
professionnels qui seraient amenés à
traiter des patients positifs.
Plus de la moitié
des médicaments essentiels sont
désormais manquants dans les hôpitaux,
dont les antibiotiques.
Sans oublier l'eau
sale, les pannes de courant chroniques,
la bande de Gaza est un lieu impropre à
l'habitation humaine.
Face à cette
situation préoccupante, les Palestiniens
de Gaza sont partagés entre attente,
humour et inquiétude.
Ils sont en train
de suivre avec beaucoup d'attention
l'évolution de cette épidémie en
Cisjordanie et dans le monde entier, ils
attendent le pire des choses avec des
questions légitimes:
Est-ce que ce sont
les autorités israéliennes qui vont
prendre en charge le transfert des
premiers cas contaminés de Gaza dans les
hôpitaux israéliens ? ou ce sera le rôle
de l'OMS ?
Si un seul cas à
Gaza est découvert, la communauté
internationale prendra-elle ses
responsabilités ou va-elle laisser deux
millions d'habitants à leur sort, comme
elle l’a déjà fait et continue à le
faire depuis plus de 14 ans ?
Est-ce que la bande
de Gaza a le droit à une aide
internationale et un secours dans le
pire des cas ?
Beaucoup
d'habitants ici évoquent le Coronavirus
avec un humour noir; ces Palestiniens
isolés disent que Gaza sous blocus est
devenu "L'endroit le plus sûr au monde"
et que la bande de Gaza est en
quarantaine depuis plus de quatorze ans.
Et que le blocus a été pour une fois
utile pour cette population civile, et
que les frontières devraient rester
fermées. Ils disent encore que ces gens
qui ont survécu à trois offensives
militaires, à un blocus mortel et au gaz
toxique, au phosphore blanc sont
capables de battre le Coronavirus s'il
arrive chez eux.
Ils sont inquiets ,
ils appliquent les instructions
demandées, ils ont peur. Ils savent que
leur situation est problématique et
extrêmement préoccupante.
Les familles des
prisonniers sont inquiètes pour leurs
enfants et proches dans les prisons
israéliennes car elles sont privées de
produits de nettoyage à l'intérieur et
que les mesures de désinfection ne sont
pas appliquées par ordre militaire
israélien.
Les Palestiniens de
Gaza ont un peu oublié les attaques
israéliennes sur leur territoire, leur
quotidien terrible, les résultats des
élections israéliennes, les pénuries de
carburant, les coupures de courant,
l’eau contaminée et les infrastructures
en ruine. Ils pensent seulement à leur
sort si le Coronavirus arrivait chez
eux.
Ce sont les
habitants de cette région enfermée qui
envoient des messages de soutien et
d'encouragement à leurs amis et aux
solidaires dans le monde qui sont
souvent confinés chez eux .
En attendant, la
population civile dans la bande de Gaza
s'organise, avec des campagnes
officielles et citoyennes de
sensibilisation à l'épidémie, et des
initiatives, des jeunes notamment, pour
informer sur les conséquences graves de
ce virus et de stérilisation quotidienne
des lieux publics.
Les Palestiniens de
Gaza patientent , ils s'adaptent avec
cette nouvelle situation, comme ils ont
déjà fait pendant plus de 14 ans.
La vie continue
malgré tout, pas de panique pour le
moment, mais l'inquiétude est toujours
sur les visages. Les habitants espèrent
qu'aucun cas y arrive.
Les analyses et poèmes de Ziad Medoukh
Les dernières mises à jour
|