En direct de Gaza
Un été dramatique pour les
prisonniers palestiniens
dans les prisons israéliennes. Entre le
coronavirus, la canicule et les
pratiques inhumaines de l'occupation
Ziad Medoukh
Samedi 12 septembre 2020
La mort d'un
prisonnier palestinien dans la prison
israélienne d'Ofar la
semaine dernière, le deuxième en un
mois, après le décès d'un autre
prisonnier âgé fin juillet 2020 - le
quatrième depuis le début de l'an 2020-,
le nombre considérable
d'arrestations notamment des étudiantes
et étudiants-18 en juillet et août-, la
canicule, la découverte de 25
prisonniers infectés par le coronavirus,
et la menace d'expulser à vie d'un
prisonnier libéré de Jérusalem,
a mis de nouveau la lumière sur
la situation alarmante et préoccupante
de nos cinq milles prisonniers
palestiniens toujours derrière les
barreaux israéliens dans des conditions
épouvantables. Ce prisonnier mort
suite à une crise cardiaque sans être
secouru à temps, au contraire, il a été
entravé par la police, soi-disant la
plus morale du monde, d'un
Etat, soi-disant le seul
Etat démocratique de la région, ne sera
ni le premier ni le dernier détenu
palestinien mort dans une prison
israélienne.
De par une
négligence médicale délibérée, de
par les mesures atroces de l’occupation
contre tous nos prisonniers, mais
surtout, de par le silence complice de
la communauté internationale, et une
normalisation gratuite entre quelques
pays arabes et cet état colonial, cette
situation va se répéter.
L'association
Al-Damir qui s'occupe des prisonniers
palestiniens, montre que presque tous
les prisonniers qui ont décédé ont passé
entre 15 et 20 ans et quelques fois deux
ou trois mois avant leur libération , et
souvent ils ont perdu leurs pères ou
mères sans les voir, terrible!
Selon le club du
prisonnier palestinien, cette nouvelle
disparition augmente le nombre de
prisonniers palestiniens morts dans les
prisons israéliennes depuis 1967 à 225
détenus.
Ce même club, a
confirmé que plus de 850.000
palestiniens sont déjà passé par les
geôles israéliennes depuis 1967, soit 20
% de la population des territoires
palestiniens occupés, donc, rare sont
donc les familles palestiniennes qui
n'ont pas connu un ou plusieurs de leurs
membres en prison.
Par milliers, ces
Palestiniens,
militants, résistants, activistes,
députés, hommes politiques, engagés,
combattants ou simples civils, hommes,
femmes ou enfants croupissent dans les
prisons israéliennes, en toute
illégalité au regard du droit
international.
Les autorités
israéliennes ont toujours utilisé la
détention comme un moyen de contrôle de
la résistance palestinienne voire comme
un instrument de négociation..
Il faut rappeler
ici qu'en 2019, cinq prisonniers
palestiniens sont morts en captivité,
dont quatre à la suite d'une négligence
médicale délibérée.
S'ajoute à ce
drame, la découverte fin août et début
septembre de 25 prisonniers infectés par
le Covid-19 dans plusieurs prisons
israéliennes, avec le risque d'avoir une
contamination rapide surtout que tous
les prisonniers palestiniens sont isolés
dans des cellules étroites sans aucune
prise de conscience de la part du
service pénitentiaire de l'occupation.
Et récemment cette
canicule exceptionnelle en Palestine,
qui a transformé les prisons en fours en
feu, et a provoqué un essoufflement chez
certains détenus, en raison du manque de
ventilation.
Le Centre
Palestinien d'études sur les prisonniers
palestiniens a mis en garde, contre
l'impact de la forte vague de chaleur
qui frappe les territoires palestiniens
depuis mi-août 2020 sur la vie des
prisonniers dans les zones désertiques ,
surtout les prisons du sud comme Néguev,
Raymond, Nafha et Ishel, qui contiennent
la moitié du nombre de prisonniers
palestiniens.
Oui, la situation
actuelle pour nos prisonniers est
dramatique et insupportable pendant cet
été, qui a augmenté leur souffrance, eux
qui subissent au quotidien des pratiques
inhumaines comme la torture, la violence
physique et psychologique, la négligence
médicale, et les conditions carcérales
insupportables dans les prisons
israéliennes. Une mort lente attend les
plus de cinq mille prisonniers qui sont
toujours derrière les barreaux
israéliens.
Selon le Pacte
International relatif aux droits civils
et politiques (PIDCP), l'interdiction de
la torture est absolue. Pourtant, les
aveux des prisonniers palestiniens sont
souvent obtenus par la torture suite à
de longues heures d'interrogatoire.
Selon le Comité israélien contre la
torture, les méthodes de torture
utilisées par la sécurité israélienne
sont à la fois psychologiques et
physiques, allant des pressions exercées
via des membres de la famille du détenu
jusqu'à au maintien de longue durée dans
des positions inconfortables. Amnesty
International et le comité israélien
contre la torture ont confirmé ces
pratiques inhumaines, en ajoutant
l'isolation qui est également souvent
utilisée, y compris sur les enfants.
Ces conditions qui
se sont aggravées ces derniers jours,
avec le risque d'avoir une contamination
rapide pour ces prisonniers. Aucune
mesure urgente n'a été prise par les
autorités pénitentiaires israéliennes
pour freiner la propagation de ce virus
dans toutes les autres prisons, ni pour
protéger les 5000 prisonniers
palestiniens toujours derrière les
barreaux de l'occupation. Des
prisonniers qui vivent la surpopulation
carcérale.
Surtout que parmi
ces prisonniers, des personnes fragiles
susceptibles de céder plus facilement à
l'épidémie comme les enfants, les
femmes, les personnes âgées, les malades
et les blessés. Sans oublier, le
surpeuplement, l'insalubrité et la
mauvaise nutrition; tout cela fait des
prisons des lieux dangereux de
reproduction du virus.
En plus,
l'administration israélienne refuse
l'entrée des produits sanitaires et de
stérilisation, ainsi que les médicaments
pour les détenus.
C'est seulement le
mois dernier, que cette administration a
commencé à distribuer quelques masques à
des dizaines de prisonniers.
Et cela malgré
l'appel de l'Organisation mondiale de la
santé-OMS- et de la Croix Rouge
Internationale aux autorités
israéliennes, fin mai dernier, afin
d'intervenir pour isoler les prisonniers
palestiniens qui sont entassés par
dizaines dans des cellules étroites, et
qui sont en contact direct entre eux, au
quotidien, avec une possibilité de
transmettre ce nouveau virus Corona, et
pour améliorer les dépistages et les
conditions sanitaires de cinq milles
prisonniers.
Au contraire, jour
après jour, les prisonniers palestiniens
s'exposent à une négligence médicale
délibérée, ils reçoivent leur traitement
médical avec beaucoup de retard,
beaucoup de détenus très malades et très
âgés sont sur la voie de mourir dans des
prisons surpeuplées et privées de kits
de dépistage.
Voilà comment cet
état d'apartheid traite les malades
palestiniens dans des geôles
insupportable. Une mort lente et
cruelle.
D'autant plus, que,
et comme une punition collective, et
pour mettre la pression sur ces
prisonniers et sur leurs familles,
l'administration pénitentiaire
israélienne a profité de cette situation
sanitaire exceptionnelle pour suspendre
les visites des familles et des avocats,
ainsi que les appels vidéo. De plus,
toutes les procédures devant les
tribunaux militaires sont reportées
indéfiniment, et cela depuis avril
dernier.
Déjà, l'ensemble
des prisons israéliennes sont situées
dans des régions très loin, excepté la
prison d'Ofar, qui se trouve au nord de
Jérusalem, en Cisjordanie occupée. Ce
qui signifie que les prisonniers
palestiniens sont transférés dans des
prisons hors du territoire occupé. Cet
éloignement rend les visites de leurs
proches très difficiles, puisque ces
derniers doivent obtenir des permis pour
se rendre dans ces prisons, ce qui
demande du temps et des moyens.
Même le Comité
international de la Croix-Rouge-CICR- la
seule structure autorisée à communiquer
directement avec les prisonniers
palestiniens et à leur rendre visite,
n'a pas la possibilité de faire entrer
les produits d'hygiène et
d'assainissement adéquats dans la
cantine de la prison, nécessaires dans
ces conditions particulières.
Un autre aspect
dramatique, les forces de l'occupation
israéliennes continuent à arrêter des
Palestiniens en Cisjordanie occupée et à
Jérusalem, même en pleine période de
pandémie. Parmi eux des étudiants, et
surtout des enfants. Et cela malgré
l'appel de l'ONG "Défense for Children
International " afin que les autorités
israéliennes prennent des mesures
immédiates pour libérer tous les enfants
palestiniens détenus dans les prisons et
les centres de détention israéliens à
cause de l'épidémie du Covid -19, et
pour sauver leur vie en accord avec le
droit international.
Selon l'association
Al Dhamir, l'armée israélienne a arrêté
depuis le début de cette année 2020
presque 527 palestiniens , et parmi eux
16 enfants , 5 femmes, et 34 prisonniers
libérés.
Ces arrestations
arbitraires augmentent le nombre de
prisonniers palestiniens dans les geôles
israéliens. Plusieurs milliers se
retrouvent dans de petites cellules,
sans accès à des sanitaires propres et
privés. De tels traitements augmentent
les risques et l'exposition à des
conditions non hygiéniques dans
lesquelles le virus Covid -19 prospère.
Oui, plus de cinq
milles palestiniens toujours détenus
dans les différentes prisons
israéliennes. Selon les derniers
chiffres du Club du prisonnier
palestinien-Al-Asir Club- fin août,
début septembre 2020, il y a
actuellement 5077 détenus, et parmi
eux, 42 femmes, parmi
elles 15 mères de familles, 216 enfants
moins de 18 ans, 5 députés , 27
journalistes, 520 prisonniers malades
dont 40 très gravement, 130 prisonniers
âgés de plus de 60 ans, 443 prisonniers
qui sont condamnés à perpétuité une ou
plusieurs fois, 152 prisonniers qui sont
en prison depuis plus de 20 ans, et 25
détenus sont arrêtés avant les accord
d'Oslo en 1994. Parmi eux, deux sont en
prison depuis 30 ans, dont le plus
ancien prisonnier palestinien Karim
Younis en prison depuis 37 ans,
considéré comme le doyen des prisonniers
palestiniens.
Parmi ces
prisonniers, plus de 500 personnes sous
détention administrative illégale sans
jugement, ni procès. Cette pratique de
la détention administrative a des fins
de contrôle, elle permet l'arrestation
et la détention d'une personne sans
motif et sans procès et cela pour une
période de six mois renouvelables, une
pratique illégale selon le droit
international.
En effet, les
tribunaux de l'occupation ne permettent
pas aux Palestiniens d'avoir accès à un
procès équitable, droit pourtant garanti
par l'article 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
ratifié en 1991 par Israël.
Phénomène très
particulier cette année: les 34
prisonniers palestiniens libérés entre
avril et août 2020 après la fin de leur
peine , n'ont pas eu cet accueil attendu
par leurs familles, proches et voisins
dans leurs villes respectives, ni de
rassemblements de joie et de fête, cela
à cause des mesures préventives face à
l'épidémie du coronavirus , or, la
sortie de n'importe quel prisonnier est
considéré comme fête nationale en
Palestine. Cette fois, ces prisonniers
libérés ont été mis directement en
quarantaine sans voir leurs familles. Il
y avait parmi eux des personnes ayant
passé 20 ans dans les prisons, terrible
!
Mais l'espoir reste
intact pour libérer tous nos
prisonniers, nos héros et nos
résistants.
Nos prisonniers
avec leur résistance remarquable
continuent de donner une leçon de
courage et de détermination, pas
seulement aux forces de l’occupation
israélienne, mais au monde entier. Ils
sont un exemple de patience et de
persévérance, de volonté et
d’attachement à la justice.
Ils sont nos héros,
ils sont notre dignité, ils sont notre
espoir ! Ils sont libres malgré
l'isolement. Eux, les militants d'un
idéal. Ils sont les prisonniers de la
liberté !
Malgré la cruauté
de l'occupant, le silence complice de
cette communauté internationale
officielle, l'absence de pression de la
part des organisations des droits de
l'Homme, et le silence des médias qui
occultent leur souffrance, le combat de
nos prisonniers continue jusqu’à la
liberté, et pour la justice.
Nos prisonniers
défient l’occupation ! Ils résistent,
existent et persistent !
Ils se révoltent et
organisent des grèves de la faim, et des
actions de protestation,
La grève de la faim
est devenue le seul moyen d'agir pour
ces prisonniers, face aux violations
incessantes de leurs droits, ces
mouvements collectifs et individuels ont
participé à obtenir quelques
améliorations , comme le retour de la
deuxième visite mensuelle, l'allongement
du temps des visites de 45 minutes à une
heure et demi, l'autorisation de la
visite des enfants et petits-enfants de
moins de seize ans , et un meilleur
traitement durant les transports, en
particulier pour les femmes
prisonnières.
Et même la loi
israélienne sur l'alimentation forcée
des prisonniers grévistes a été refusée
intégralement par tous les prisonniers
et les organisations internationales.
L’arrestation, la
détention et le jugement de nos 5000
prisonniers retenus jusqu'à présent dans
20 prisons israéliennes sont
illégitimes, car ils sont les
prisonniers de la liberté, ce sont les
prisonniers de la dignité.
Face à cette
situation cruelle, la communauté
internationale reste silencieuse , avec
des médias complices, et des
organisations de droits de l'homme qui
reste muettes.
Heureusement, les
voix solidaires s'élèvent un peu partout
dans le monde pour soutenir le combat
quotidien des prisonniers palestiniens
via des campagnes, des appels, des
pétitions, et des actions- même
virtuelles cette année vu le contexte
actuel. Des solidaires de bonne volonté
qui demandent comme tout le peuple
palestinien de mettre fin à l'impunité
de cette occupation, et réclamer des
conditions humaines.
Malgré la cruauté
de l’occupant et le silence du « monde
libre », le combat de nos prisonniers
continue jusqu’à la liberté, et pour la
justice.
Et en ce temps de
risque de contamination, ils poursuivent
leur lutte légitime
Honte à
l’occupation et à toutes ses mesures
atroces dirigées contre eux.
Honte au monde dit
libre qui ne bouge pas pour arrêter
leurs souffrances.
Ce monde regarde
mourir lentement nos prisonniers qui ne
cessent de souffrir.
Souffriront-ils
encore longtemps ?
Où sont donc les
organisations des droits de l’Homme ?
Où est donc le
monde libre ?
Ne voit-il pas ?
N'entend-il pas ?
Quand y aura-t-il
une réelle pression sur les autorités
israéliennes d’occupation ?
Le cri des ventres
vides de nos prisonniers
sera-t-il entendu ?
Jusqu’à quand cette
injustice ?
Vive le combat
légitime de nos prisonniers pour la
liberté et pour la vie.
Vive la solidarité
internationale avec nos prisonniers
palestiniens, et
avec notre cause de
justice.
Une seule évidence,
la lutte continue, et les prisonniers
palestiniens vont développer davantage
des actions pacifiques et de
mobilisation individuelle et collective
à la fin de cette nouvelle épreuve afin
de faire entendre leur voix, la voix des
opprimés, mais la voix légitime de ces
résistants contre toutes les mesures
atroces de l'occupant jusqu'à la
liberté.
En attendant,
derrière ces prisonniers et ces héros,
tout notre peuple poursuivra le combat,
jusqu’à la conquête de ses droits
légitimes et jusqu’à la sortie du
dernier détenu des prisons et des
cachots israéliens.
Les analyses et poèmes de Ziad Medoukh
Le dossier des prisonniers palestiniens
Les dernières mises à jour
|