Actualité
Prétexter une ‘crise migratoire’
pour envahir le Venezuela ?
Photo d’un
montage hollywoodien à la frontière
entre le Venezuela et la Colombie
explication dans le texte
Mercredi 12 septembre 2018
Après les mesures économiques annoncées
par le président Maduro pour stabiliser
le pouvoir d’achat et limiter la
hausse des prix par le secteur privé
majoritaire dans son pays, les grands
médias se voient obligés de revenir à la
charge en élevant le volume de
l’émigration vénézuélienne à des niveaux
stridents, qualifiant le phénomène de
« crise humanitaire sans précédent » et
le présentant comme la preuve
irréfutable qu’une situation grave se
produit au Venezuela qui nécessite « une
aide humanitaire » et justifie ainsi une
intervention étrangère. Un nouveau plan
qui honore les déclarations que l’ancien
président Obama a fait il y a quelque
temps dans une interview cynique et
inhabituelle pour le portail américain
Vox : « … Nous avons la plus forte armée
du monde et parfois nous devons tourner
le bras des pays qui ne veulent pas
faire ce que nous voulons… Si nous ne
voulons pas avoir cette dose de
‘réalisme politique’, nous ne pourrions
atteindre nos objectifs. »
Plusieurs nouvelles simultanées liées à
l’émigration ont provoqué de grands
bouleversements ces derniers jours :
– le rapatriement
de 89 Vénézuéliens de Lima dans un avion
mis à leur disposition par le
gouvernement bolivarien, qui a décrit
les conditions pas du tout idylliques
dans lesquelles ils ont dû survivre dans
un Pérou désormais xénophobe et
néolibéral ;
– le nombre
croissant de Vénézuéliens, comme en
témoignent les milliers de demandes des
consulats et ambassades qui veulent
rentrer au pays, stimulés par les
récentes mesures prises par le
gouvernement pour affronter la guerre
économique ;
– les récentes
déclarations du sénateur républicain
Marcos Rubio cataloguant l’émigration
vénézuélienne comme une menace à la
sécurité régionale ;
– l’appel de Luis
Almagro en faveur d’une session
ordinaire du Conseil permanent de l’OEA
le 5 septembre pour traiter la « crise
migratoire » causée par la situation au
Venezuela et
-l’analyse de cette
situation par Samuel Moncada,
représentant du Venezuela auprès de
l’ONU.
Le rapatriement des
Vénézuéliens a montré la face cachée de
cet exode, et il devient évident que la
désormais appelée « crise migratoire »,
ainsi que la « crise économique »
induite, rendent visible aux artistes
publicitaires experts en construction de
« réalités » dans le meilleur style
hollywoodien. Dans une interview pour
Telesur, la journaliste Madeleine
García, qui accompagnait les rapatriés,
a rendu compte de la mise en scène
minutieusement préparée pour prendre la
photo de « l’exode massif des
Vénézuéliens fuyant la dictature »,
pour laquelle ils ont arrêté le trafic
normal sur le pont de la frontière entre
la Colombie et le Venezuela, où,
chaque jour, des milliers de personnes
vont et viennent, attendent qu’un grand
nombre s’accumule dans un espace réduit,
et capturent ainsi « la photo », que les
médias internationaux ont ensuite
diffusée dans le monde entier, exposant
un long cortège de personnes traversant
le pont international Simón Bolívar et
convainquant l’opinion publique mondiale
qu’il existe une « diaspora » massive.
Et voici la question : les migrants
sont-ils utilisés pour renforcer le
bilan de la « crise humanitaire » ?
Selon les
résultats d’une étude réalisée par
l’Organisation des Nations Unies pour
les migrations (OIM) et le Ministère
colombien des affaires étrangères, aux
points de passage officiels et non
officiels entre la Colombie et le
Venezuela dans les municipalités de
Cúcuta, Villa del Rosario et Arauca (N.d.E.
villes colombiennes), 67 % des personnes
qui ont franchi la frontière et qui sont
actuellement dans ces trois
municipalités sont des ressortissants
colombiens (notamment des personnes
binationales), et 33 % des Vénézuéliens.
Lorsqu’on leur a demandé pourquoi ils se
rendaient en Colombie, 52 % ont dit
qu’ils traversaient pour faire du
shopping, 17 % pour rendre visite à leur
famille, 14 % pour le travail, 5 % pour
le tourisme, 2 % pour les études et 10 %
pour d’autres raisons. Selon les
informations recueillies par Migración
Colombia du 1er mai 2017 à ce jour,
la grande majorité des 455 094
Vénézuéliens enregistrés ont une
vocation temporaire en Colombie, et plus
de 50% d’entre eux entrent dans la zone
frontalière pour y acheter des denrées
alimentaires.
Le ministre de la
Communication et de l’Information, Jorge
Rodríguez, a affirmé qu’après l’arrivée
récente de 89 ressortissants péruviens
qui avaient souffert de mauvaises
expériences dans le pays sud-américain,
ils ont reçu des milliers de demandes
pour faciliter de futurs retours. Pour
sa part, le Président Maduro a affirmé
mardi la mise en œuvre prochaine d’un
plan de retour pour les Vénézuéliens.
« Tous les Vénézuéliens qui sont allés
dans d’autres pays et qui veulent
retourner dans leur patrie seront
accueillis avec amour et avec
l’engagement de lutter pour le pays.
Ceci, à travers le Plan « Retour à la
patrie », un programme social de
protection de la population qui a décidé
d’émigrer et qui se trouve dans une
situation difficile, avec une attention
particulière à ceux qui se trouvent en
Colombie, au Brésil, au Pérou et en
Équateur où une forte réaction xénophobe
a été déclenchée contre eux. Ce n’est
pas une bonne nouvelle pour les coyotes
d’assister à l’arrivée des avions de
retour rapatriés, ils tombent sous le
charme du « show hollywoodien » qu’ils
induisent et mettent en scène autour des
émigrants considérant que plus de 750 « fakes
news » (fausses nouvelles) ont été
produites du 2 mars au 28 août sur le
thème de l’émigration des Venezueliens,
187 seulement en août et 80% dans le
même Venezuela.
La Vice-Présidente
Exécutive de la République bolivarienne
du Venezuela, Delcy Rodriguez, lors
d’une conférence de presse, a rappelé
qu’en 2014, le Chef du Commandement Sud
des États-Unis de l’époque avait menacé
d’envahir le pays, elle a cité ses
paroles : « Si une crise humanitaire se
présentait au Venezuela, les États-Unis
Interviendraient militairement. »
La Vice-Présidente
a dénoncé que le Groupe de Lima a
modifié le nombre d’émigrants
vénézuéliens, la quantité la plus
utilisée et la moins vérifiée étant
celle de quatre millions d’émigrants.
Elle a informé de la réunion avec des
représentants du Haut commissaire des
Nations Unies pour les réfugiés (ACNUR)
où elle a présenté des preuves dans
lesquelles on demande aux vénézuéliens à
l’étranger de se déclarer comme
« réfugiés » et a annoncé que le
gouvernement travaillera main dans la
main avec l’ACNUR et l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM)
pour rendre compte fidèlement du nombre
de migrants vénézuéliens qui ont été « malsainement »
agressés par le Groupe de Lima.
Le Vice-Président a
précisé qu’il est nécessaire de faire la
distinction entre les réfugiés, qui sont
les personnes déplacées de force qui
sont obligées de fuir à cause de la
violence et de la guerre, violant leurs
droits humains et les migrants
économiques qui sont des personnes qui
décident de partir pour des raisons
personnelles, à la recherche de
meilleures conditions économiques. Les
Vénézuéliens sont des « migrants
économiques ». Le Venezuela ne connaît
pas une situation de guerre, que c’est
la manière comme l’ACNUR définit
conceptuellement les personnes déplacées
ou les réfugiés forcés en raison de la
violation de leurs droits humains.
D’autre part, alors
que cette guerre non conventionnelle
contre le Venezuela est menée de
l’étranger, le sénateur républicain de
Floride Marco Rubio a déclaré le 29 août
dans une interview à Univision qu’il
avait tenu une réunion avec le
conseiller à la sécurité nationale du
gouvernement Donald Trump, John Bolton,
au cours de laquelle il a évoqué la
crise que traverse le Venezuela et les
répercussions sur les Etats-Unis et
l’Amérique latine. Il a ajouté que
pendant des années, il a refusé une
option militaire dans le cas du
Venezuela, mais maintenant les
circonstances ont changé et il
considère qu’il existe des arguments
solides pour considérer que le
gouvernement de Nicolás Maduro
représente une menace pour son pays et
la région latino-américaine.
Le lendemain de ces
déclarations de Marcos Rubio, l’OEA, à
la demande de Luis Almagro, a convoqué
une réunion d’urgence pour aborder la « crise
migratoire au Venezuela ». Lors d’un
forum tenu à Saint-Domingue, Almagro
avait déjà annoncé que le Conseil
permanent se réunirait pour discuter de
la sortie massive des Vénézuéliens,
qu’il considérait comme « le plus grand
exode de l’histoire de l’hémisphère
occidental ». Le Venezuela attaqué par
Almagro a sur son territoire 5 millions
600 mille Colombiens qui ont fui la
guerre sans fin en Colombie, 400 mille
Équatoriens et 500 mille Péruviens,
selon les registres du gouvernement
vénézuélien, et le Venezuela les a reçus
à bras ouverts et sans faire un scandale
international, au contraire, tous
bénéficiant des avantages sociaux de la
Révolution Bolivarienne, mais cette
question n’a pas été examinée à la
séance proposée par l’OEA.
Selon l’analyse
faite par le représentant du Venezuela à
l’ONU, Samuel Moncada, le Venezuela
entre dans une phase dangereuse
d’agression. « Tout indique qu’il ne
s’agit pas d’une résolution sur les
migrants mais de la déclaration d’un
« casus belli » (cas de guerre) contre
le Venezuela. La déclaration d’un Etat
en déliquescence incapable d’agir sur
son propre territoire et générant une
crise humanitaire qui déstabilise la
région et ne peut être arrêtée que par
une « intervention humanitaire ». Il
est nécessaire de dénoncer dans toutes
les agences de l’ONU, dans tous les
forums multilatéraux et dans tous les
États de l’OEA ce qu’ils appuieraient
délibérément ou par inadvertance. Il
s’agit d’une action énergique contre le
Venezuela. Il ne s’agit pas d’une
résolution sur les migrants et l’OEA est
la plate-forme de l’agression. Ce texte
n’est pas nouveau et a déjà été utilisé
en Libye, en Irak, en Afghanistan et
dans tant d’autres pays que les
États-Unis ont envahi sous prétexte
d’apporter une aide humanitaire.
09.09.2018 –
Caracas, Venezuela – Rosi
Baró, pour Pressenza
Pour plus
d’information sur les raisons du
bombardement médiatique de la
« crise-humanitaire-au-Venezuela » : « IL
N’Y A PAS DE CRISE HUMANITAIRE AU
VENEZUELA » EXPLIQUE L’EXPERT
INDÉPENDANT NOMMÉ PAR L’ONU
URL de cet article
: https://www.pressenza.com/fr/2018/09/pretexter-une-crise-migratoire-pour-envahir-le-venezuela/
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