Actualité
L'Inde porte un coup inattendu à
l'économie américaine
Sputnik
© REUTERS
/ Kim Kyung-Hoon
Vendredi 11 janvier 2019
Source :
Sputnik
L'Inde appliquera une taxe de 30% sur
les produits agricoles US à compter du
31 janvier. La mesure portera sur 857
millions de dollars de produits, soit
plus d'un tiers des importations
agricoles en provenance des USA.
Pourquoi les autorités indiennes
ont-elles pris une telle décision et
pourquoi les experts y perçoivent-ils
une «trace chinoise»?
L'année des cheveux
gris
Bien que la Chine
reste le front principal de la guerre
commerciale menée par Washington, Donald
Trump a déjà réussi à irriter
sérieusement le Premier ministre indien
Narendra Modi.
Tout a commencé en
mars 2018 quand Donald Trump a annoncé
des taxes de 10% sur l'aluminium et de
25% sur l'acier, ce qui a affecté le
secteur métallurgique de la Russie, de
la Chine, de l'UE, du Japon et d'autres
pays tels que l'Inde.
Cette dernière a
également souffert à cause de sa
coopération militaro-technique avec
Moscou. En avril, la Maison-Blanche a
inscrit l'agence russe Rosoboronexport
sur la liste des sanctions dans le cadre
de la loi «sur la lutte contre les
adversaires de l'Amérique par les
sanctions» (CAATSA), et les banques
indiennes ont été contraintes de geler
une tranche de 2 milliards de dollars
prévue pour payer les réparations du
sous-marin nucléaire Chakra (projet 971
Chtchouka-B) loué à la Russie. Dans le
cas contraire, elles risquaient d'être
privées de la possibilité d'effectuer
des opérations en dollars.
Début mai, le chef
de l'État américain a annoncé le retrait
de l'accord nucléaire avec l'Iran et a
promis de rétablir les sanctions contre
Téhéran et tous ceux qui coopéreraient
avec les autorités iraniennes. Cela
s'adressait notamment à la Chine et à
l'Inde — les deux principaux acheteurs
de pétrole iranien.
Toutefois, le
locataire de la Maison-Blanche a accordé
à Pékin et à New Delhi un délai de 180
jours pour trouver de nouveaux
fournisseurs. Selon le département
d'État américain, les paiements devaient
transiter par un compte fiduciaire
spécial ouvert par le pays acheteur, et
les fonds transférés ne pouvaient être
utilisés par l'Iran que pour se procurer
des produits humanitaires dont l'achat
était autorisé par Washington.
Donald Trump n'a
pas accepté d'accorder ce délai par
bonté de cœur, mais après des
négociations qui avaient duré six mois.
C'est ce qu'a déclaré début novembre une
source du ministère des Affaires
étrangères de l'Inde.
La vengeance est
un plat qui se mange froid
De par l'ampleur de
son économie, l'Inde ne peut pas
répondre symétriquement aux taxes
américaines et entrer en confrontation
ouverte avec Washington comme le fait la
Chine (selon la Banque mondiale, le PIB
de l'Inde s'élevait en 2017 à 2.600
milliards de dollars, et celui de la
Chine à 12.200 milliards de dollars).
Mais face à
l'agressivité de Washington, pour la
première fois depuis longtemps, Pékin et
New Delhi sont passés d'une
confrontation économique aux mesures
coordonnées contre la pression
américaine — même si au fond l'Inde et
la Chine sont des rivaux stratégiques en
Asie-Pacifique.
Suivez les
gestes
Pendant ce temps,
New Delhi et Téhéran sont convenus de
renoncer au dollar dans les achats de
pétrole pour passer aux roupies à partir
de janvier. C'est ce qu'a annoncé à
l'agence Reuters le directeur exécutif
de la banque publique indienne UCO
Charan Singh.
Plus tôt, un accord
similaire avait été conclu avec la
Russie. Début novembre, le vice-premier
ministre russe Iouri Borissov avait
annoncé que l'Inde paierait les systèmes
antimissiles russes S-400 en roubles. A
terme, il est prévu d'élargir les
échanges en monnaies nationales aux
produits civils.
En pratique, cela
signifie que l'Inde ne dépend plus de la
monnaie américaine pour échanger les
principaux produits de son commerce
extérieur.
Le 21 décembre, les
chefs de diplomatie de l'Inde et de la
Chine Sushma Swaraj et Wang Yi se sont
rencontrés à New Delhi. Les médias en
ont peu parlé, mais ce n'est
certainement pas une coïncidence si deux
semaines plus tard l'Inde a annoncé de
nouvelles taxes sur les pommes, les
amandes, les noix, les lentilles et les
pois chiches américains. Sachant que New
Delhi a averti qu'à terme les
restrictions pourraient s'étendre à
plusieurs produits d'acier et de fer,
l'acide borique, ainsi que les pièces
pour les tuyaux et les motos.
L'automne dernier,
Pékin avait également décrété des taxes
de 25% sur des produits agricoles
américains. Cela avait sérieusement
affecté les fermiers fournissant du blé,
du maïs, des produits laitiers et du
porc à la Chine. Le plus touché a été le
marché du soja, dont les exportations en
Chine ont chuté de 98%, ce qui a
provoqué une crise de surproduction (le
soja représentait près de 60% de toutes
les fournitures agricoles américaines en
Chine).
Il n'y avait tout
simplement pas de place pour le stocker.
Même quand le prix de location des
entrepôts a grimpé de 40% par rapport à
l'année précédente, ils se sont tous
remplis de soja dont personne n'avait
besoin. Il ne restait plus aux fermiers
qu'à détruire les récoltes en les
enterrant.
A présent, la même
perspective peu réjouissante se profile
à cause des taxes indiennes, alors même
que les États agricoles constituaient
l'appui électoral principal de Donald
Trump lors de la présidentielle de 2016.
En 2020, il ne pourra manifestement plus
compter sur leur soutien.
Afin de remédier à
la situation, la Maison-Blanche a mis en
place un programme d'aide aux fermiers à
hauteur de 15 milliards de dollars. Mais
suite aux litiges avec le président au
sujet de la construction du mur à la
frontière mexicaine, les sénateurs ont
refusé de valider le budget 2019 et à
présent toutes les dépenses publiques
sont gelées pour une durée indéterminée.
Y compris le programme de soutien aux
fermiers.
Il est évident que
ce n'est pas par hasard que l'Inde et la
Chine se sont rapprochées l'an dernier
en organisant plusieurs réunions (hormis
celle du 21 décembre à New Delhi) après
de nombreuses années d'hostilité et de
litiges territoriaux.
Désormais, les deux
plus grandes puissances économiques de
l'Asie-Pacifique, qui représentent près
de 20% des importations et 12% des
exportations des USA, affrontent
Washington en tandem. Cette année, il ne
sera donc certainement pas plus facile
pour Donald Trump d'améliorer la balance
du commerce extérieur.
© 2019 Sputnik. Tous droits réservés
Publié le 13 janvier 2019
Le dossier
Monde
Les dernières mises à jour
|