Dans un entretien à
PureMédias, le porte-parole du
gouvernement a justifié le non-accès des
journalistes de RT à la salle de presse
de l'Elysée, au seul motif que le média
était financé par un Etat étranger, ce
qui en ferait un outil de «propagande».
«Il y a deux
organes de presse que je refuse dans la
salle de presse de l’Elysée, c’est
Russia Today et Sputnik, parce que je
considère que ce ne sont pas des organes
de presse. C'est de la propagande
financée par un Etat étranger.» C’est ce
qu’a répondu ce 22 octobre le
porte-parole du gouvernement Benjamin
Griveaux, à un journaliste
du site PureMédias, qui lui
demandait pourquoi «RT France [était]
interdit d'entrée à l'Elysée». Une
discrimination fondée donc sur le
financement public russe de RT France et
de Sputnik – alors même que d'autres
médias tels que la BBC ou Al Jazeera se
trouvent dans la même situation. Est-ce
légal ? Benjamin Griveaux ne le dit pas.
«Je sais faire la
différence entre la propagande payée par
un Etat étranger et un journalisme
d’opinion qui ne nous épargne pas mais
qui respecte les codes du journalisme et
les déontologies du journalisme», a
encore martelé le secrétaire d'Etat
auprès du Premier ministre, sans étayer
ses propos et même si les journalistes
de RT France se voient remettre, comme
tous autres journalistes, une carte de
presse française.
Ces accusations non
justifiées faisaient suite à un
argumentaire en faveur de
la proposition de loi controversée
sur la «manipulation de l'information»,
développé par Benjamin Griveaux dans
l'entretien qu'il a eu avec PureMédias.
Se rangeant non sans ironie dans le camp
des «amoureux de la liberté», le
porte-parole du gouvernement a estimé
que ce texte, porté par le gouvernement
et la majorité présidentielle, pourrait
permettre de lutter plus efficacement
contre «les officines tenues par des
Etats étrangers qui ont vocation de
déstabiliser des candidatures en
Europe».
Un éclairage sur
les précédents refus d'accréditation ?
Dès la campagne
présidentielle de 2017, les équipes d'En
Marche!
avaient accusé RT de diffuser des «fake
news», sans apporter de preuves à
ces graves allégations. Or, si les
équipes d'En Marche!
n'avaient pas accepté d'accréditer les
reporters de RT au QG de campagne
d'Emmanuel Macron pour la soirée du 1er
tour, des raisons techniques avaient
été invoquées. «Vous n'avez pas
l'autorisation, je suis désolée [...] on
a un quota, voilà [...] J'ai pas plus
d'informations à vous donner», avait
fait savoir un membre du staff de
campagne d'Emmanuel Macron à l'entrée du
QG le 23 avril, quand bien même RT avait
adressé, longtemps avant l'événement, de
nombreuses demandes d'accréditation.
Après l'élection
d'Emmanuel Macron, les journalistes de
RT France ont essuyé des refus
similaires, sans obtenir d'explication
claire justifiant ce traitement. Fin mai
dernier, par exemple,
un journaliste de RT France s'est vu
priver d'accès à l'Elysée par un
gendarme, sur consigne expresse de
la présidence et malgré présentation de
sa carte de presse. «Tant que c'est
Russia Today ou que vous travaillez pour
Russia Today, vous ne pouvez pas
rentrer», avait déclaré le représentant
des forces de l'ordre.
Dans son
interview, Benjamin Griveaux explique de
manière inédite les raisons qui poussent
l'Elysée à refuser d'accréditer RT
France. Il semble ainsi lever le voile
sur les ostracisations répétées qui ont
frappé ce média et sur lesquelles la
présidence ou LREM maintenaient un
certain flou.
Une loi contre
la «manipulation de l'information»
spécialement concoctée pour RT France ?
Si le porte-parole
du gouvernement met en lumière, en toute
franchise, la volonté élyséenne de
discriminer RT France, le gouvernement
et la majorité présidentielle ont en
outre laissé entendre à plusieurs
reprises vouloir s'en prendre à ce média
via une proposition de loi actuellement
étudiée par les parlementaires, celle
sur la «manipulation
de l'information».
Le 9 octobre, le
secrétaire d'Etat chargé du Numérique,
Mounir Mahjoubi, avait déclaré que
«l'essentiel de cette loi» n'était pas
de «dire ce qui est vrai ou ce qui est
faux», mais d'empêcher «des forces
étrangères [d'] investir de l'argent
dans notre espace médiatique ici pour
manipuler l'opinion des Français». En
mars dernier, d'ailleurs, Mounir
Mahjoubi
admettait que RT ne relayait pas de «fake
news» – contrairement à ce qu'avait
affirmé jusqu'alors le camp macronien –
mais que son «état d'esprit» dérangeait.
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