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(Re)découvrir le
marxisme :
L'abrégé du capital de Karl Marx
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Vendredi 9 août 2013
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# ABREGE DU CAPITAL DE KARL MARX
(Critique de l'économie capitaliste,
1878)
Carlo Cafiero (Auteur)
Editions Le chien rouge
I / UN LIVRE POUR ABORDER MARX ET LE
MARXISME
« Le capitalisme n’est et ne sera pas là
de toute éternité. »
Cet Abrégé, rédigé en 1878 nous livre
l’essentiel de l’analyse contenue dans
le Livre I du Capital de Karl Marx. Ce
compendium de la critique du système
capitaliste – « où ce ne sont pas les
moyens de production qui sont au service
du travailleur, mais bien le travailleur
qui se trouve au service des moyens de
production » – a été rédigé à
destination d’un public populaire. Écrit
dans un style simple et sans l’appareil
scientifique qui rend parfois ardue
l’approche de l’œuvre originale, ce
résumé a d’ailleurs été approuvé par
Marx en personne.
Destiné à un large public, écrit dans un
style débarrassé de l'appareil
scientifique qui rend parfois ardue l'oeuvre
originale, ce résumé fut considéré par
Marx à l'époque comme « un très bon
résumé populaire de sa théorie de la
plus-value ».
« Cet abrégé est idéal pour connaître
l'essentiel des idées du livre 1 du
Capital de Karl Marx. Le livre de Marx
décode un à un les rouages du système
capitalisme, commente Florian Pennec
(sur son Blog). Très long et assez
complexe, il n'était pas destiné à tout
le monde. Devant ce constat, Carlo
Cafiero (…) a décidé d'en proposer une
version plus simple afin de diffuser les
idées de l'oeuvre de façon plus large.
Il a pour cela repris contact avec Marx
dont la correspondance est incluse en
annexe, malgré certaines divergences. En
effet, Carlo Cafiero va suivre Bakounine
lorsque celui-ci est exclu de
l'Assemblée internationale des
travailleurs (AIT) en 1872.
L'internationale socialiste devait se
muer en entité politique. Marx voulait
un centre de décision, basé à Londres.
Bakounine voyait en cette idée un
"socialisme autoritaire".
Il va préférer un « socialisme
libertaire"
qui s'affranchirait du
capitalisme et des instances étatiques.
Cafiero a rédigé cet abrégé en prison
après une tentative d'insurrection
pendant l'hiver 1877-1878. »
QUI EST CARLO CAFIERO ?
Membre fondateur de la Fédération
italienne de l'Internationale, proche de
Bakounine, Carlo Cafiero (1846-1892)
publie en 1878, à destination d'un
public populaire, cet essai où il livre
un résumé de l'analyse du capitalisme
faite par Marx dans le Livre I
du«Capital».
L’auteur, Carlo Cafiero (1846-1892),
communiste libertaire italien, n’était
pourtant pas un disciple du théoricien
allemand auquel il s’était opposé lors
de la scission de la Première
Internationale en 1872.
L’avant-propos nous rappelle le parcours
de Cafiero et les tendances qui
s’affrontèrent à l’époque au sein du
mouvement ouvrier. Notamment entre Marx
et l’anarchiste Bakounine.
En Annexe, la correspondance entre Carlo
Cafiero et Karl Marx.
II / QUELQUES EXTRAITS DU LIVRE :
* I. Marchandise, monnaie, richesse et
capital
« La marchandise est un objet qui a deux
sortes de valeur : la valeur d'usage, et
la valeur d'échange ou valeur proprement
dite ».
« La valeur d'usage de la marchandise
est fondée sur les qualités propres de
cette marchandise, laquelle est, en
vertu de ses qualités, destinée à
satisfaire tel de nos besoins, et non
tel autre ».
« La base de la valeur d'échange, ou
valeur proprement dite, c'est le travail
humain nécessaire pour la production ».
« La substance de la valeur est donc le
travail humain, et la grandeur de la
valeur est déterminée par la grandeur de
ce travail est humain. La substance de
la valeur est la même dans toutes les
marchandises : il n'y a donc qu'à en
égaliser la grandeur, pour que les
marchandisent soient, comme expression
de la valeur, toutes égales entre elles,
c'est-à-dire toutes échangeables les
unes contre les autres ».
« Les marchandises, donc, s'échangent
entre elles ; c'est-à-dire que l'une se
présente comme l'équivalent de l'autre.
Pour la plus grande commodité des
échanges, on convient de se servir
toujours, comme équivalent, d'une
certaine marchandise donnée : celle-ci
sort, par là, du rang de toutes les
autres pour se placer en face d'elles
comme équivalent général, c'est-à-dire
comme monnaie ».
« Quand nous nous trouvons en possession
d'une certaine accumulation de
marchandises, ou de monnaie, ce qui est
la même chose, nous sommes possesseurs
d'une certaine richesse. Si à cette
richesse nous pouvons faire prendre un
corps, c'est-à-dire un organisme capable
de se développer, nous aurons le capital
».
* II. Comment naît le capital
« [...] On constate qu'en dernière
analyse la question de la naissance du
capital revient à ceci : trouver une
marchandise qui rapporte plus qu'elle
n'a coûté ; trouver une marchandise qui,
entre nos mains, puisse croître en
valeur, de façon qu'en la vendant nous
recevions plus d'argent que nous en
avions dépensé pour l'acheter. Il faut
que ce soit en un mot, une marchandise
élastique, qui, entre nos mains, étirées
quelque peu, puisse agrandir le volume
de sa valeur. Cette marchandise si
singulière existe réellement, et elle
s'appelle puissance de travail, ou force
de travail ».
« Le prix de la force de travail se
calcule de la manière suivante. Qu'on
prenne le prix des aliments, des
vêtements, du logement et de tout ce qui
est nécessaire au travailleur, en une
année, pour maintenir constamment sa
force de travail dans son état normal ;
qu'on ajoute à cette première somme le
prix de tout ce dont le travailleur a
besoin en une année pour procréer,
entretenir et élever, selon sa
condition, ses enfants ; qu'on divise le
total par 365, nombres de jours de
l'année, et on aura le chiffre de ce qui
est nécessaire, chaque jour de l'année,
et on aura le chiffre de ce qui est
nécessaire, chaque jour, pour maintenir
la force de travail : on en aura le prix
journalier, qui est le salaire
journalier du travailleur ».
« Les éléments du travail sont au nombre
de trois : 1° la force de travail ; 2°
la matière première de travail ; 3° le
moyen de travail. Notre possesseur
d'argent, après avoir acheté sur le
marché la force de travail, y a acheté
aussi la matière première du travail, à
savoir du coton ; le moyen de travail,
c'est-à-dire l'atelier avec tous les
outils, est tout préparé ; et par
conséquent et il ne lui reste plus qu'à
se mettre en route pour faire commencer
tout de suite la besogne ».
« Il [le bourgeois] sait très bien qu'il
existe une grande différence entre le
prix de la force de travail et le
produit de cette force de travail. Le
salaire d'une journée de travail ne
représente pas du tout ce que l'ouvrier
produit en une journée de travail. Notre
possesseur d'argent sait très bien que
les 3 francs de salaire payés par lui
représentent l'entretien de son ouvrier
pendant vingt-quatre heures, mais non
pas que celui-ci a produit pendant les
douze heures qu'il a travaillé dans son
atelier ».
* III. La journée de travail
« Le temps pendant lequel l'ouvrier
travaille est le temps pendant lequel le
capitaliste consomme la force de travail
qu'il a acheté. Si le salarié consomme
pour lui même son temps disponible, il
vole le capitaliste ».
« Le capitaliste ne f'ait qu'exercer son
droit d'acheteur, lorsqu'il cherche à
prolonger le plus possible la journée de
travail, lorsque d'une journée de
travail il en fait deux ».
* IV. La plus-value relative
« Quelque minime, en effet, que soit le
temps laissé par le capitaliste à
l'ouvrier pour la satisfaction de ses
plus indispensables besoins, la journée
de travail sera toujours inférieur à
vingt-quatre heures ».
« Représentons une journée de travail
par la ligne AB :
A-----------------------D-----C
-----------------------B
La lettre A indiquera le
commencement, la lettre B la fin,
c'est-à-dire ce terme naturel au-delà
duquel il n'est pas possible d'aller.
Soit AC la partie de la journée pendant
laquelle l'ouvrier produit la valeur
équivalente au salaire reçu, et CB la
partie de la journée pendant laquelle il
produit la plus-value.[...] Le travail
AC, par lequel on reproduit la valeur du
salaire, est dit travail nécessaire,
tandis que le travail CB, qui produit la
plus-value, s'appelle surtravail. Le
capital est altéré de surtravail, parce
que c'est le surtravail qui engendre la
plus-value. Le surtravail prolonge la
journée de travail ; et celle-ci finit
par rencontrer sa limite naturelle B qui
présente un obstacle insurmontable au
surtravail et à la plus-value.
Que faire alors ? Le capitaliste a vite
trouvé le remède. Il observe que le
travail à deux limites : l'une B, terme
de la journée de travail ; l'autre, C,
terme du travail nécessaire ; or, si la
limite B est immuable, il n'est pas
ainsi de la limite C. Si on réussit à
transporter la limite C au point D, on
aura accru le surtravail CB de la
longueur DC, et en même temps diminué
d'autant le travail nécessaire AC. La
plus-value aura trouvé ainsi le moyen de
continuer à croître, non plus de façon
absolue comme précédemment, c'est-à-dire
en prolongeant toujours davantage la
longueur de la journée de travail, mais
en accroissant le surtravail par une
diminution correspondante de temps de
travail nécessaire. La première était la
plus-value absolue, la seconde est la
plus-value relative. La plus-value
relative se fonde sur la diminution du
travail nécessaire ; la diminution du
travail nécessaire se fonde sur la
diminution du salaire ; la diminution du
salaire se fonde sur la diminution du
prix des choses nécessaires à l'ouvrier
: donc la plus-value relative est fondée
sur l'abaissement de la valeur des
marchandises dont l'ouvrier a besoin ».
« Le capitalisme a besoin de faire
naître une raison pour que ses articles
se vendent au marché en quantité double
de sa marchandise ; et cette raison il
la fournit à l'acheteur par une baisse
de prix ».
« Mais le capitaliste, s'il n'a plus le
gain provenant de la différence entre la
valeur de la marchandise et le prix de
vente, conserve toujours l'intégrité de
la plus-value : celle-ci est répartie
sur douze articles, au lieu de l'être
sur six seulement ; mais comme les douze
articles sont produits dans le même
temps que l'étaient les six,
c'est-à-dire en douze heures de travail,
la plus-value est restée la même [...]
».
* V. Coopération
« Le capital s'est énormément accru, et
pour satisfaire à ses nouveaux besoins,
le capitaliste a établi le travail
coopératif, qui est le travail exécuté
par l'union des forces ».
« Premièrement, c'est dans la
coopération que le capital réalise la
notion de travail social. La force
sociale du travail étant la moyenne
prise dans un centre donné de
production, sur un nombre d'ouvriers qui
travaillent avec un degré moyen
d'habileté [...] ».
« Le second avantage est l'économie des
moyens de travail. Le même atelier, les
mêmes calorifères, etc., qui ne
servaient qu'à un seul, servent
maintenant à beaucoup d'ouvriers ».
« Le troisième avantage de la
coopération est l'augmentation de la
force du travail ».
« Le quatrième avantage est la
possibilité de combiner les forces de
façon à pouvoir exécuter des travaux
qu'avec des forces isolées il eût été
impossible d'accomplir, ou qui n'eussent
été accomplis que d'une manière très
imparfaite ».
« La coopération est le mode fondamental
de la production capitaliste ».
* VI. Division du travail et manufacture
« Quand le capitaliste réunit dans son
atelier les ouvriers qui exécutent les
diverses parties du travail nécessaire à
la fabrication d'une marchandise, il
donne alors à la coopération un
caractère spécial : il établit la
division du travail et la manufacture,
laquelle n'est autre chose qu'un
organisme de production dont les membres
sont des hommes ».
Bien que la manufacture soit toujours
fondée sur la division du travail, elle
a néanmoins une double origine. En
effet, dans quelques cas, la manufacture
a réuni dans le même atelier les
diverses opérations requises pour la
confection d'une marchandise, opérations
qui, à L'origine, restaient distinctes
et séparées L'une de L'autre, comme
étant des métiers différents ; dans
d'autres cas, elle a divisé, mais en les
conservant dans le même atelier, les
diverses opérations du travail, qui
autrefois formaient un tout dans la
confection d'une marchandise ».
« La manufacture multiplie les forces et
les instruments de travail, mais les
rend éminemment techniques et simples,
en les appliquant constamment à une
seule et unique opération élémentaire ».
« Storch dit : L'ouvrier qui porte dans
ses mains tout un métier peut aller
partout exercer son industrie et trouver
des moyens de subsister ; L'autre (celui
des manufactures) n'est qu'un accessoire
qui, séparé de ses confrères, n'a plus
ni capacité ni indépendance, et qui se
trouve forcé d'accepter la loi qu'on
juge à propos de lui imposer ».
« L'ignorance dit Ferguson est la mère
de L'industrie comme de la superstition.
La réflexion et L'imagination sont
sujettes à s'égarer ; mais L'habitude de
mouvoir le pied ou la main ne dépend ni
de L'une ni de L'autre. Aussi
pourrait-on dire que la perfection, en
ce qui concerne les manufactures,
consiste à pouvoir se passer de
L'esprit, de manière que L'atelier
puisse être considéré comme une machine
dont les parties sont les hommes ».
« Adam Smith dit : L'esprit de la
plupart des hommes se développe
nécessairement en conformité de leurs
occupations de chaque jour. Un homme
dont toute la vie se passe à exécuter un
petit nombre d'opérations simples n'a
aucune occasion d'exercer son
intelligence. Il devient en général
aussi stupide et ignorant qu'il est
possible à une créature humaine de
L'être. Après avoir dépeint
L'abêtissement de L'ouvrier parcellaire,
Smith continue ainsi : L'uniformité de
sa vie stationnaire porte aussi
atteinte, naturellement, à sa hardiesse
d'esprit ; elle détruit même L'énergie
de son corps et le rend incapable
d'appliquer sa force avec vigueur et
persévérance à autre chose qu'à
L'opération accessoire qu'il a appris à
exécuter. Sa dextérité dans L'occupation
spéciale à laquelle il est voué paraît
ainsi avoir été acquise aux dépens de
ses vertus intellectuelles, sociales et
guerrières. Et dans toute société
industrielle et civilisée, c'est là
L'état où doit tomber nécessairement le
pauvre, c'est-à-dire la grande masse du
peuple ».
« La division du travail, dans sa forme
capitaliste, n'est qu'une méthode
particulière de produire de la
plus-value relative, c'est-à-dire
d'accroître aux dépens du travailleur le
rendement du capital, ce qu'on appelle
richesse nationale. Aux dépens du
travailleur, elle développe la force
productive sociale du travail au profit
exclusif du capitaliste. Elle crée des
conditions nouvelles pour la domination
du capital sur le travail. Si, d'une
part, elle apparaît comme un progrès
historique et comme une phase de
développement économique de la société,
elle est en même temps, d'autre part, un
moyen civilisé et raffiné d'exploitation
».
* VII. Machines et grandes industries
« Le but des applications capitaliste
des machines, d'ailleurs, n'était pas de
soulager la fatigue des travailleurs.
Comme tous les autres développements de
la force productive du travail, leur
emploi est simplement destiné à diminuer
le prix des marchandises, de façon à
raccourcir la portion de la journée de
travail dont l'ouvrier a besoin pour
payer son entretien, et à allonger
l'autre partie de cette journée, celle
qu'il donne pour rien au capitaliste.
C'est un moyen de produire de la
plus-value ».
« Il [le capitaliste] voit maintenant
que, par les machines, il peut obtenir
dans le même temps un produit deux fois,
quatre fois, dix fois plus grand
qu'auparavant ; et il adopte les
machines. La coopération, la
manufacture, se transforment ainsi pour
devenir la grande industrie, et
l'atelier devient la fabrique ».
« Le capital se distingue en capital
constant et en capital variable. On nome
capital constant celui qui est
représenté par les moyens de travail et
les matières premières. Les bâtiments,
les calorifères, les outils, les
matières auxiliaires, comme le suif, le
charbon, l'huile, etc., les matières
premières, comme le fer, le coton, la
soie, l'argent, le bois, etc. ».
« Le capital variable est celui qui est
représenté par le salaire, c'est-à-dire
par le prix de la force de travail ».
« Le premier est appelé constant, parce
que sa valeur reste constante dans la
valeur de la marchandise dont elle fait
partie ; tandis que le second est appelé
variable, parce que sa valeur augmente
en entrant comme partie composante dans
la valeur d'une marchandise. C'est le
capital variable qui seul crée de la
plus-value ; et la machine ne peut faire
partie que du capital constant ».
« L'usure matérielle des machines se
présente sous un double aspect. Elles
s'usent, d'une part, en raison de leur
emploi, comme les pièces de monnaie par
la circulation ; et, d'autre part, par
le non-emploi, comme une épée qui se
rouille dans le fourreau ; ceci est la
destruction par les éléments. Le premier
genre d'usure est plus ou moins en
raison directe, et le dernier, à un
certain degré, en raison inverse de leur
emploi. La machine est en outre sujette
à ce qu'on pourrait appeler l'usure
morale. Elle perd de sa valeur d'échange
à mesure que des machines de même
construction peuvent être fabriquées à
meilleur marché ou que des machines
perfectionnées viennent lui faire
concurrence ».
« Pour réparer ce dernier dommage, le
capitaliste a besoin de faire travailler
sa machine le plus possible, et il
commence, avant tout, par prolonger le
travail quotidien, en introduisant le
travail de nuit et le système des
relais. [...] le système de relais
consiste à faire exécuter le travail par
deux équipes de travailleurs qui se
rechangent toutes les douze heures, ou
par trois équipes qui se rechangent
toutes les huit heures, de façon que le
travail soit continué sans aucune
interruption pendant la totalité des
vingt-quatre heures ».
« Le capitaliste, donc, supprime grâce
aux machines tous les obstacles de
temps, toutes les limites de la journée,
qui dans la manufacture étaient imposés
au travail. Et quand il est arrivé aux
limites de la journée naturelle,
c'est-à-dire, à l'absorption intégrale
des vingt-quatre heures de celle-ci, il
trouve le moyen de faire, d'une seule
journée, deux, trois, quatre jours et
davantage, en intensifiant le travail
deux, trois, ou quatre fois ».
« Les machines du maître représentent en
réalité un facteur bien plus important
de la production que le travail et
l'habileté de l'ouvrier, que six mois
d'apprentissage peuvent enseigner, et
que le moindre travailleur peut
apprendre (Rapport du Comité du Fonds de
défense des maîtres filateurs et
manufacturiers, Manchester, 1854.) ».
« Le fouet du conducteur d'esclaves est
remplacé par le livret de punitions du
contre-maître, punitions qui se
résolvent naturellement en amendes et en
retenues sur salaire ».
* VIII. Le salaire
« Le travailleur ne peut pas vendre le
travail déjà sorti de lui, c'est-à-dire
la chose qu'il a produite, la
marchandise, car elle appartient au
capitaliste, et non à lui ».
« Les deux formes principales du salaire
sont le salaire au temps et le salaire
aux pièces ».
« Le salaire au temps est celui qui est
payé pour un temps donné : pour une
journée, pour une semaine, pour un mois,
etc., de travail ».
« Le salaire aux pièces n'est pas autre
chose qu'une transformation du salaire
au temps ».
« Dans le travail aux pièces, la qualité
du travail est contrôlée par l'ouvrage
même, qui doit être d'une bonté moyenne
pour que la pièce soit payée au prix
convenu. Sous ce rapport, le salaire aux
pièces devient une source inépuisable de
prétextes pour faire des retenues sur le
paiement de l'ouvrier. Il fournit en
même temps au capitaliste une mesure
exacte de l'intensité du travail ».
« La qualité et l'intensité du travail
étant ainsi contrôlées par la force même
du salaire, une grande partie du travail
de surveillance devient superflue. Cette
forme constitue ainsi la base du travail
à domicile moderne, et de tout un
système hiérarchiquement organisé
d'exploitation et d'oppression ».
« Le salaire aux pièces une fois établi,
l'intérêt personnel pousse naturellement
l'ouvrier à intensifier le plus possible
son effort de travail, ce qui facilite
au capitaliste une élévation du degré
normal de l'intensité ».
« L'augmentation de la production est
suivie de la diminution proportionnelle
du salaire. Quand l'ouvrier produisait
douze pièces en douze heures, le
capitaliste lui payait, par exemple, un
salaire de 25 centimes par pièce. Si la
production est doublée, l'ouvrier
produit vingt-quatre pièces au lieu de
douze, et le capitaliste abaisse le
salaire de moitié, ne payant plus que 12
centimes et demi par pièce ».
* IX. L'accumulation du capital
« L'esclave, le serf et l'ouvrier
travaillent, tous trois, en partie pour
produire ce qui est nécessaire à leur
entretien, et en partie pour le profit
de leur maître. Ils représentent trois
formes diverses de la même chaîne de
sujétion et d'exploitation humaine.
C'est toujours l'assujettissement de
l'homme dépourvu de toute accumulation
antérieur (c'est-à-dire des moyens de
produire, qui sont les moyens de vivre)
à l'homme qui possède une accumulation
ancienne, les moyens de production, les
sources de la vie. La conservation du
capital, c'est-à-dire, sa reproduction
est précisément, dans le mode de
production capitaliste, la conservation
de cette chaîne de sujétion et
d'exploitation humaine.
Mais le travail ne reproduit pas
seulement le capital : il produit en
outre de la plus-value, qui forme ce
qu'on appelle la rente du capital. Si le
capitaliste reporte chaque année tout ou
partie de sa rente sur son capital, nous
aurons une accumulation de capital ; le
capital ira en s'accroissant. Par la
reproduction simple, le travail conserve
le capital ; par l'accumulation de la
plus-value, le travail grossit le
capital ».
« Quand la rente s'ajoute au capital,
cette rente se trouve employée partie en
moyen de travail, partie en matières
premières, et partie force de travail.
C'est le surtravail passé, le travail
passé non payé, qui grossit le capital.
Une partie du travail non payé de
l'année écoulée paie le travail
nécessaire de l'année présente. Voilà ce
que réussit à faire le capitaliste,
grâce à l'ingénieux mécanisme de la
production moderne ».
« Quand le capitaliste commence à
accumuler capital sur capital, une
nouvelle vertu, qui lui appartient en
propre, se développe en lui : la vertu
qu'on appelle l'abstinence qui consiste
à limiter le plus possible ses dépenses,
afin d'employer la plus grande partie de
sa rente pour l'accumulation ».
« À mesure que croît l'accumulation du
capital, sa partie variable diminue,
tandis que sa partie constante augmente.
C'est-à-dire qu'on voit augmenter les
bâtiments, les machines avec leurs
matières auxiliaires, et les matières
premières du travail, mais qu'en même
temps, et à proportion de cette
augmentation, avec l'accumulation du
capital diminue le besoin de la force de
travail, le besoin de bras. Le besoin de
force de travail diminuant, la demande
de cette force diminue aussi. Il en
résulte que plus progresse
l'accumulation de capital, plus les
salaires s'abaissent ».
« L'accumulation du capital prend de
vastes proportions au moyen de la
concurrence et du crédit. Le crédit
porte spontanément un grand nombre de
capitaux à se fondre ensemble, ou plutôt
à se fondre avec un capital plus fort
que chacun d'eux en particulier. La
concurrence, au contraire, est la guerre
que se font tous les capitaux entre eux
; c'est leur lutte pour l'existence, de
laquelle sortent plus fort encore ceux
qui, pour vaincre, avaient dû être déjà
les plus forts ».
« L'accumulation du capital rend donc
inutile un grand nombre de bras :
c'est-à-dire qu'elle crée un excédent
relatif - non absolu - de population
parmi les travailleurs ».
« Et tandis que le progrès de
l'accumulation de la richesse sur la
base capitaliste produit nécessairement
une surpopulation ouvrière relative,
celle-ci devient à son tour le levier le
plus puissant de l'accumulation, une
condition d'existence de la production
capitaliste dans son état de
développement intégral. Elle forme une
armée industrielle de réserve, qui
appartient au capital d'une manière
aussi absolue que s'il l'avait élevée et
disciplinée à ses propres frais. Elle
fournit la matière humaine toujours
exploitable et disponible pour la
fabrication de la plus-value... C'est
seulement sous le régime de la grande
industrie que la production d'un
superflu de population ouvrière devient
un ressort régulier de la production des
richesses ».
« Cette armée industrielle de réserve,
cette surpopulation ouvrière revêt d'une
manière générale trois formes, qu'on
peut appeler la forme flottante, la
forme latente, et la forme stagnante. La
première forme est mieux payée, elle
souffre moins que les autres du manque
de travail, tout en faisant un travail
moins pénible. La dernière forme au
contraire est composée de travailleurs
qui sont occupés plus rarement que tous
les autres, et toujours à un travail
plus fatiguant et répugnant, qui leur
est payé au plus bas prix que puisse
être rétribué le travail humain ».
« Au-dessous de ces trois formes, il ne
reste que le dernier résidu de la
surpopulation relative, qui habite
l'enfer du paupérisme. Abstraction faite
des vagabonds, des criminels, des
prostituées, des mendiants, et de tout
ce monde qui constitue à proprement
parler le prolétariat des gueux (das
Lumpenproletariat)., cette couche
sociale se compose de trois catégories.
La première comprend des ouvriers
capables de travailler. [...] La seconde
catégorie comprend les orphelins et les
enfants d'indigents assistés. [...] La
troisième comprend les déchus, les
dégradés, les gens incapables de tout
travail ».
« Le paupérisme est l'hôtel des
invalides de l'armée active du travail,
et le poids mort de l'armée industrielle
de réserve. Il est produit par la cause
qui engendre la surpopulation relative,
sa nécessité résulte de la nécessité de
celle-ci ; il forme, comme elle, une
condition d'existence de la production
capitaliste et du développement de la
richesse ».
« La loi en vertu de laquelle le
développement de la force productive
sociale du travail fait diminuer
progressivement la dépense de force de
travail, en raison de l'efficacité
accrue et de la masse augmentée des
moyens de production, cette loi qui met
l'homme social en état de produire
davantage avec moins de travail, aboutit
au régime capitaliste - où ce ne sont
pas les moyens de production qui sont au
service du travailleur, mais le
travailleur qui se trouve au service des
moyens de production -, à cette
conséquence toute contraire : que, plus
les moyens de production gagnent en
ressource et en puissance, plus le
nombre des ouvriers sans emploi
augmente, et plus devient précaire par
conséquent la condition d'existence du
salarié, la vente de sa force de travail
».
* X. L'accumulation primitive
« À l'époque la plus reculée, des
groupes de population nomade
s'établirent dans les localités les
mieux situées et les plus favorisés de
la nature. Ils fondèrent des villes, se
mirent à cultiver la terre, et à se
livrer aux diverses occupations qui
pouvaient être nécessaires à leur
bien-être. Mais au cours de leur
développement, ces groupes se
rencontrèrent et s'entrechoquèrent, et
il s'en suivit des guerres, des
meurtres, des incendies, des rapines et
des carnages. Tout ce que possédaient
les vaincus devint la propriété des
vainqueurs, y compris les personnes des
survivants qui furent tous réduits en
esclavage ».
« Dans cette seconde époque de
l'histoire [le Moyen-Age], nous ne
trouvons qu'une série d'invasions :
peuples conquérants faisant irruption
dans les pays plus riches occupés par
d'autres peuples ; et toujours le même
refrain de massacre, de pillage,
d'incendie, etc. Tout ce que possédaient
les vaincus devint la propriété des
vainqueurs, avec cette différence que
les survivants ne furent pas réduits en
esclavage comme dans l'antiquité, mais
eurent à subir un autre genre de
servitude, et devinrent, en qualité de
serfs, la propriété des seigneurs, avec
la terre à laquelle ils étaient attachés
».
« En Angleterre, le servage avait
disparu en fait vers la fin du XIVe
siècle. L'immense majorité de la
population se composait alors, et plus
encore au XVe siècle, de paysans libres
et propriétaires, quel que fût
d'ailleurs le terme féodal sous lequel
était plus ou moins dissimulé leur droit
de possession ».
« Le prélude de la révolution qui créa
les fondements du mode de production
capitaliste se joua dans le dernier
tiers du XVe et le premier tiers du XVIe
siècle. Le licenciement des suites
féodales des seigneurs jeta sur le
marché une masse de prolétaires sans feu
ni lieu ; masse qui fut considérablement
accrue par l'usurpation des biens
communaux, et par l'expulsion des
paysans de terres sur lesquelles ils
avaient eu, dans le régime féodal,
autant de droits que les seigneurs ».
« Une nouvelle et terrible impulsion fut
donnée à l'expropriation violente des
masses populaires, au XVIe siècle, par
la Réforme et le vol colossal des biens
de cette Église qui en fut la suite.
L'Église catholique était, à l'époque,
propriétaire, sous la forme féodale,
d'une grande partie du sol anglais. La
suppression des couvents, etc. jeta les
habitants de leurs anciens domaines dans
le prolétariat ».
« Au XVIIIe siècle, la loi elle-même
devint l'instrument du vol des terres du
peuple. La forme parlementaire de ce vol
est celle des "lois sur la clôture des
terres communales", en d'autres termes
des décrets par lesquels les landlords
s'adjugent eux-mêmes la propriété
populaire comme propriété privée, des
décrets d'expropriation du peuple ».
« Les villes et les manufactures
grandiront, parce qu'un plus grand
nombre de personnes se verront forcées
d'y aller chercher une occupation ».
« La création et l'accroissement d'un
prolétariat sans feu ni lieu est allé
nécessairement plus vite que son
absorption brusquement arrachée à leurs
conditions habituelles d'existence ne
pouvait s'adapter du premier coup d'oeil
à la discipline du nouvel ordre social.
Ils se transformèrent en très grand
nombre, en mendiants, en voleurs, en
vagabonds, quelquefois par un penchant
naturel, le plus souvent par nécessité.
De là, vers la fin du XVe siècle et
pendant tout le XVIe, dans l'Europe
occidentale, une législation sanguinaire
contre le vagabondage ».
« W.Howitt [pionnier de
l'anthropologie], qui s'exprime ainsi :
"Les Barbaries et les atrocités
exécrables perpétrées par les races
dites chrétiennes, dans toutes les
régions du monde et contre tous les
peuples qu'elles ont pu asservir, ne
trouvent leur équivalent à aucune époque
de l'histoire universelle, chez aucune
race, si sauvage, si grossière, si
impitoyable, si éhontée qu'elle fût" ».
« L'ouvrier a tout fait ; et l'ouvrier
peut tout détruire, parce qu'il peut
tout refaire ».
Auteur
Carlo Cafiero
Editeur
Chien Rouge
Date de parution
mars 2013
Format
11cm x 19cm
ISBN
2916542205
EAN
978-2916542201
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