Collectif
Palestine Vaincra
Léopold Lambert : Le colon israélien et
le slogan
« Palestinian Lives Matter »
Lundi 8 juin 2020
Léopold Lambert est auteur et
rédacteur en chef du magazine
The Funambulist. Dans ce court
texte, il revient sur les manifestations
de la gauche israélienne en soutien aux
mobilisations contre le racisme et les
crimes policiers aux Etats-Unis. En
particulier, il souligne les limites de
l’utilisation du slogan « Palestinian
Lives Matter » (Les vies des
Palestiniens comptent) par des militants
israéliens.
Le colon dit « Palestinian
Lives Matter ». Aux Etats-Unis, « Black
Lives Matter » est devenu un cri de
ralliement depuis Ferguson [n.d.l.r en
août 2014] et tout le monde le comprend
comme une revendication qui rappelle
cette vérité très simple : « Les vies
des Noirs comptent ». Mais aussi, de
manière plus ambitieuse, comme la
revendication du démantèlement des
fondements de la suprématie blanche.
Mais lorsque le colon israélien1
prend ce slogan et remplace le mot
« Noirs » – ce qui est déjà un problème
en-soi – avec celui du peuple qu’il
colonise, il est difficile de ne pas
interpréter ce nouveau slogan comme une
affirmation bien faible, condescendante
et surtout hors-sujet . Les Palestiniens
ne vous demandent pas de reconnaître que
les vies palestiniennes comptent (sans
compter que beaucoup d’entre-eux sont
déjà gênés que l’on vole le slogan d’une
autre lutte pour leur appliquer), ils
vous demandent de reconnaître vos
conditions de vie de colons, de soutenir
la lutte pour le démantèlement de l’État
d’apartheid tout comme le retour des
réfugiés palestiniens sur leurs terres
!
C’est aussi
troublant de voir que les manifestations
de la gauche israélienne de Jérusalem
(celle de Tel-Aviv prétend se soucier de
la vie des Noirs avant de retourner dans
leurs appartements d’une Jaffa
gentrifiée) n’ont lieu que lorsque le
palestinien assassiné par leur police
présente tout les aspects de l’innocence
– généralement c’est une question
d’âge ; dans ce cas, Iyad al-Hallak, qui
a été assassiné la semaine dernière
était autiste – légitimant ainsi les
meurtres de ceux qui, d’une façon ou
d’une autre, ne correspondaient pas tout
à fait à cette définition de
l’innocence.
On a vu des
Israéliens quitter la Palestine en
renonçant parfois à leur citoyenneté, on
a vu des Israéliens consacrer leur vie à
mettre au jour le colonialisme de
peuplement, on a vu des Israéliens
défendre BDS, on a vu (de très jeunes!)
Israéliens refuser de faire leur service
militaire et être emprisonnés pour cela,
et ça n’est pas rien, loin de là, mais…
Je me demande depuis un certain temps,
combien d’Israéliens ont participé à la
lutte armée ou bien à des actions de
sabotage pour la lutte palestinienne au
cours de ces 70 dernières années. Il y
en a-t-il eu ? C’est une question
sérieuse ; je n’en connais aucun. Je ne
plaide pas nécessairement pour cela (du
moins certainement pas sous la forme
d’un défi) mais simplement, j’y pense
comme une façon (il pourrait en avoir
d’autres, mais peut-être pas aussi
claire) d’imaginer ce à quoi
ressemblerait pour des Israéliens de
s’attaquer le plus radicalement possible
à leur condition de colon, condition
dont découle leur statut et qui régit
leur vie au quotidien. Je sais que c’est
placer la barre de la reconnaissance de
l’engagement très haute, et que nous ne
demandons pas à la gauche de nombreuses
autres colonies de peuplement de
s’engager à ce point à transcender leur
statut de colon. Mais ce qui est sûr,
c’est que même si toute la gauche
israélienne brandissait des pancartes
disant « Palestinian Lives Matter », la
situation en Palestine n’évoluerait pas
d’un poil.
Source – Traduction : Collectif
Palestine Vaincra
1 Qu’il soit un antifa,
ou peut-être même un admirable Refuznik
– il ne faut pas les considérer comme
des libéraux naïfs !
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