BDS
Eurovision 2019: dernier appel de Gaza
BDS 34
Un chanteur
palestinien joue pendant un événement
appelant au boycott de l’Eurovision sur
les
décombres d’un immeuble récemment
détruit par les raids aériens israéliens
sur Gaza le 14 mai [Reuters/Mohammed
Salem]
Samedi 18 mai 2019 Qu’est-ce que
cela fait de chanter si près de tant de
misère humaine et de tant de souffrance
?
Par Haidar Eid, 17
mai 2019
Chère Madonna,
chers concurrents de l’Eurovision 2019,
Vous avez jusqu’à
présent décidé d’ignorer plusieurs
demandes de respecter le piquet de grève
palestinien. Le 9 mai, des organisations
culturelles et des artistes de
Gaza ont lancé un appel fort
demandant de boycotter la compétition
par respect pour les deux bébés et les
deux femmes enceintes tués avec 23
autres Palestiniens dans le dernier
assaut violent d’Israël sur la Bande de
Gaza.
En plus des appels
répétés des Palestiniens et de leur
mouvement de Boycott, désinvestissement,
sanctions (BDS),
des dizaines de milliers de personnes en
Europe et dans le monde entier
ont signé des pétitions réitérant
l’appel à #BoycottEurovision2019 à Tel
Aviv et vous ont demandé d’arrêter de
blanchir l’occupation et l’apartheid par
votre art. Mais tout ceci est tombé dans
les oreilles de sourds !
Il est possible que
vous vous en moquiez, il est possible
que vous croyiez en la propagande
d’Israël selon laquelle nous sommes tous
des terroristes et les attaques sur Gaza
des « opérations de sécurité ». Certains
d’entre vous ont évoqué vouloir soutenir
la paix, mais si vous le faisiez
vraiment, alors vous ne seriez pas en
train de chanter en Israël.
Laissez moi vous
dire ce que soutenir la paix signifie
réellement.
Cela signifie
affirmer le fait que la
Palestine est sous occupation et qu’
Israël a violé de nombreuses
résolutions des Nations Unies appelant
au retrait de ses troupes hors des
territoires palestiniens. Cela signifie
reconnaître qu’Israël et ses colonies
illégales opèrent avec un régime
apartheid où les Palestiniens sont
ségrégués, surveillés, opprimés et tués
pour les mater. Cela signifie
reconnaître qu’Israël a été bâti sur une
terre dont la population autochtone
originelle a été ethniquement nettoyée
et dépossédée par la violence.
Le lieu même où vos
hôtes vous font chanter, l’Expo Tel Aviv,
a été construit sur les ruines du
village palestinien Al-Shaykh Muwannis,
qui comme 530 autres a été complètement
rasé en 1948 pour faire place aux colons
venant de vos pays en Europe. Nous, les
six millions de Palestiniens réfugiés
éparpillés dans le monde entier, sommes
la preuve vivante que la Palestine était
une terre florissante et civilisée avant
l’arrivée des sionistes européens.
Les rares
Palestiniens qui furent capables de
rester dans leur pays et à qui fut
accordée la citoyenneté israélienne sont
confrontés à plus de 50 lois
discriminatoires qui font d’eux des
citoyens non-égaux. En fait, l’an
dernier, Israël a finalement
reconnu officiellement l’apartheid
qu’il a imposé depuis des décennies sur
les non-Juifs à l’intérieur de ses
frontières en se proclamant lui-même un
état juif. Mais même avant cette
déclaration, les combattants
anti-apartheid comme Nelson Mandela et
l’archevêque Desmond Tutu ont maintes
fois comparé Israël à l’Afrique du Sud
et ont dit que les
parallèles sont clairs.
Si l’Europe a agi
et a boycotté le régime raciste
meurtrier de
l’Afrique du Sud de l’apartheid,
pourquoi ne faites-vous pas la même
chose avec Israël ? Pourquoi
insistez-vous pour récompenser les
coupables du deuxième plus grave crime
contre l’humanité, l’apartheid ?
Pourquoi
prétendez-vous ne pas voir la
colonisation de la Palestine ? Au cours
des derniers jours, vous avez chanté à
tout juste quelques kilomètres d’un
vaste réseau d’infrastructure et de
checkpoints ségrégationnistes qui
séparent de la population palestinienne
les quelques 650000 colons juifs qui
vivent dans des
colonies illégales construites sur
des terres palestiniennes occupées.
Pendant ce temps, les vrais
propriétaires de la terre en
Cisjordanie n’ont aucun état pour
les protéger, aucun droit aux ressources
du pays, y compris l’eau, aucune
liberté réelle de mouvement, et
aucune perspective économique réelle de
vivre une vie digne.
Près de là, juste à
60km au sud d’où vous allez chanter est
aussi mon foyer, Gaza, qui depuis 12 ans
vit sous un blocus médiéval. Il a été
comparé à un camp de concentration et à
une prison à ciel ouvert, mais je
voudrais vous dire que c’est bien pire.
Nous luttons pour vivre sans accès à de
l’eau potable et avec seulement
quelques heures d’électricité par
jour ; nos enfants souffrent de
malnutrition et nos malades meurent à un
taux inimaginable
faute de médicaments et d’un traitement
convenable.
Israël a mené
contre nous trois guerres majeures dans
les dix dernières années, tuant des
milliers de personnes dans un
bombardement sans discrimination par des
avions de combats construits aux
Etats-Unis. Après chaque conflit, des
organisations internationales parlent
d’ordinaire de reconstruction. Dans
notre cas, elles ne le font pas. Après
chaque violent assaut israélien, nous ne
pouvons pas reconstruire parce qu’il n’y
a ni béton, ni matériaux de
constructions de base, ni fournitures
électriques.
Tout ceci constitue
un « punition collective » et sous la
Convention de Genève, c’est un crime de
guerre — un des nombreux qu’Israël
commet quotidiennement.
D’ici l’an
prochain,
selon les Nations Unies, Gaza
deviendra inhabitable.
Qu’est-ce que cela
fait de chanter et de danser si près de
tant de misère humaine et de tant de
souffrance ? A seulement 60 km d’un lieu
qui ne peut plus soutenir la vie
humaine, mais qui contient deux millions
de personnes sous le confinement imposé
par votre hôte ?
Cela veut-il dire
quelque chose pour vous ?
Avec une précision
brutale, nous avons été déracinés,
humiliés aux checkpoints, emprisonnés
sans charge, privés de notre héritage et
de nos sites religieux, privés de notre
liberté de nous déplacer et de voir les
membres de notre famille, privés d’eau,
de terres arables et de moyens
d’existence, privés de nos rêves de vie
normale. Tout le long, vous et le reste
de l’Europe, vous avez simplement
regardé, vous n’avez rien fait, même si
ce sont les puissances européennes qui
nous ont apporté cette souffrance il y a
soixante-dix ans.
Mais il n’est pas
trop tard. Vous pouvez encore faire
quelque chose.
Vous pouvez vous
lever contre l’apartheid et
l’occupation, vous pouvez vous lever
pour les
droits humains de base et l’égalité
et vous pouvez refuser de chanter sur
les ruines d’un village palestinien une
nuit de plus. Vous pouvez soutenir un
des nombreux rassemblements pour une
Eurovision sans apartheid qui ont lieu
partout en Europe. Vous pouvez soutenir
BDS et appeler les autres à le faire.
Ceci est notre
dernier appel.
Rappelez-vous vos
pairs de la génération précédente qui se
sont levés courageusement contre
l’apartheid sud-africain et ont soutenu
le mouvement de boycott. Comme eux, vous
pouvez vous tenir du bon côté de
l’histoire et boycotter aujourd’hui
Israël !
A propos de
l’auteur
Haidar Eid est
maître de conférence à l’université Al-Aqsa
de Gaza.
Catherine G. pour
BDSF34 Montpellier
Source:
Al Jazeera
Le
dossier BDS
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