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Palestine : ne laissons pas le virus
masquer l'apartheid (1)
BDS 34
Samedi 4 avril 2020
Dans le
mouvement de solidarité à la Palestine
et au-delà, les regards qui se portent
aujourd’hui vers la Bande de Gaza sont
dans l’attente anxieuse des effets
catastrophiques d’une extension
fulgurante du covid.19. La population de
la Bande de Gaza est confrontée depuis
bientôt 14 ans à une des modalités les
plus meurtrières de l’apartheid
israélien : l’enfermement et la
privation de la liberté de circulation
des humains comme des marchandises.
Des bombardements massifs presque tous
les deux ans causant des milliers de
mort-e-s et des dizaines de milliers de
blessé-e-s dans la population civile
confortent le constat d’un génocide
progressif. Dans ce contexte il ne fait
aucun doute que l’arrivée du virus dans
une population épuisée par une crise
humanitaire et dont la densité est de 5
400 ha au Km2 (117 en France) ouvre des
probabilités effrayantes de catastrophe. Comment
aborder cette situation ? Que peut-on
attendre d’Israël et de l’Union
Européenne ? Que peut le mouvement de
solidarité à la Palestine face à une
telle situation ? quelles actions de
solidarité et avec qui ? Aujourd’hui et
dans l’après virus ?
Nous ne
prétendons pas pouvoir répondre seul.e.s
et en une seule fois à toutes ces
interrogations mais nous souhaitons
ouvrir, localement au moins, le débat
sur ces questions qui concernent
l’ensemble des mouvements sociaux de la
société civile. Nous le ferons à partir
des repères fournis par le cadre
stratégique de la Campagne BDS sous
direction palestinienne dont BDS France
Montpellier est membre via BDS France.
SE DÉGAGER DE LA
FASCINATION PARALYSANTE DE LA
CATASTROPHE
Essayons d’aborder
l’ensemble du problème à la lumière du
modèle de décryptage qu‘opère Said
Bouamama dans « Le
Corona Virus comme analyseur :
Autopsie de la vulnérabilité systémique
de la mondialisation capitaliste ».
L’auteur explique qu’entre les « aléas »
c’est à dire les éléments extérieurs
perturbateurs (ici le virus) et la
« catastrophe » (les conséquences du
virus) il y a la « vulnérabilité » c’est
à dire les conditions qui ont plus ou
moins contribué à produire ou non la
« catastrophe ». Il compare «
les effets du cyclone Ivan qui touche
Cuba en septembre 2004 et ceux du
cyclone Katrina qui s’abat sur la
Floride, la Louisiane et le Mississipi
un an après (…) Tous deux de catégories
5 c’est-à-dire avec des vitesses de vent
dépassant 249 km/h, les deux cyclones se
soldent pourtant par des bilans humains
aux antipodes : aucun décès à Cuba ;
1836 morts et 135 disparus aux USA. »
et l’auteur constate : « Des
aléas similaires débouchent ainsi sur
des conséquences diamétralement
opposées ».
Ainsi la
« vulnérabilité (qui) désigne pour sa
part les effets prévisibles d’un aléa
sur l’homme dépendant eux-mêmes d’un
certain nombre de facteurs : densité de
population des zones à risque, capacité
de prévention, état des infrastructures
permettant de réagir efficacement et
rapidement, etc. » va en quelque
sorte déterminer la gravité des
conséquences des « aléas ».
Le centrage
médiatique sur la « catastrophe » (ce
que font généralement les gouvernements)
est destiné à masquer les éléments de
vulnérabilité et donc les décisions et
choix politiques responsables de la
vulnérabilité face aux aléas.
CERNER LES
CAUSES DE LA VULNÉRABILITE DANS LA BANDE
DE GAZA …
L’état des lieux de
la « vulnérabilité » de la population
de la Bande de Gaza est accablant.
Près de 2,5
millions d’habitant-e-s sur 360 km2 (5
400 ha au Km2). Près de 1,8 millions de
réfugié-e-s (près de 80% de la
population de la Bande de Gaza)
entassé-e-s dans 8 camps.
L’ONU prévoyait en
2012 une crise humanitaire pour 2020.
Nous y sommes, la crise humanitaire est
là.
Après 14 ans de
blocus : 44% de chômeurs dont 61% chez
les jeunes. 80% de la population dépend
d’une aide étrangère. 10% des enfants
ont un retard de croissance dû à la
malnutrition. Un taux de pauvreté de
53 %, un taux de mortalité infantile de
10,5 décès pour 1 000 naissances
vivantes.
97% de l’eau est
non potable et les problèmes
d’assainissement sont énormes. 800
produits de consommation courante ou
destinés aux entreprises selon une liste
(changeante) établie par Israël, sont
interdits d’entrée à Gaza.
« L’offre
de soins de santé est en déclin constant.
Selon l’ONG
Medical Aid for Palestinians, depuis
l’an 2000 « il y a eu une baisse du
nombre de lits d’hôpitaux (de 1,8 à 1,58
pour mille), de médecins (1,68 à 1,42
pour mille) et d’infirmières (2,09 à
1,98 pour mille), avec un surpeuplement
et une réduction de la qualité des
services ». L’interdiction imposée par
Israël à l’importation de technologies
susceptibles d’être « à double usage » a
restreint l’achat d’équipements, tels
que les scanners à rayons X et les
radioscopes médicaux.
Des coupures de
courant régulières menacent la vie de
milliers de patients qui dépendent
d’appareils médicaux, avec parmi eux des
bébés dans des incubateurs. Les hôpitaux
manquent d’environ 40% des médicaments
considérés essentiels, et les quantités
de fournitures médicales de base, comme
les seringues et la gaze, sont
insuffisantes. »
Le bilan des
Grandes marches du retour (du 30 mars
2018 à début 2020) est lourd, 301
mort-e-s dont 61 enfants de moins de 16
ans, 27 000 blessé-e-s, 130 amputé-e-s.
Déjà les hôpitaux ont eu du mal à faire
face à cet afflux de blessé-e-s.
DÉNONCER LES
RESPONSABILITÉS CRIMINELLES DE L’ETAT
D’APARTHEID …
Ceci n’est qu’un
aperçu sommaire et incomplet de la
situation dans la Bande de Gaza dont la
responsabilité incombe entièrement à
l’État d’Israël qui dès sa création a
provoqué l’exode des réfugiés dans des
camps, colonisé et occupé la Bande de
Gaza, puis imposé depuis 14 ans le
blocus, mené des bombardements massifs
réguliers, des bombardements ponctuels,
des assassinats ciblés, des vols
permanents de drones, des arrestations
arbitraires etc.
La catastrophe, la
Nakba comme disent les Palestiniens, se
perpétue depuis 1948. Colonisation de
peuplement et nettoyage ethnique dans
toute la Palestine dont Jérusalem et
génocide progressif dans la Bande de
Gaza, sans oublier les Palestiniens de
48 soumis à l’apartheid.
Israël devra de ce
fait être tenu pour directement
responsable des mort-e-s et des dégâts
humains et matériels qui pourraient
advenir du fait du Covid.19 dans la
Bande de Gaza.
A L’OCCASION DE
L’ÉPIDÉMIE DU CORONA VIRUS ISRAËL
S’ATTAQUE À TOUTES LES COMPOSANTES DU
PEUPLE PALESTINIEN
Sans doute
l’extrême gravité de ce qui se passe à
Gaza en fait un symbole et appelle notre
solidarité active. A la fois, en raison
de la politique génocidaire menée à
l’encontre de sa population mais
également en raison de la résistance
exemplaire de cette même population.
N’a-t-elle pas, après 12 ans de blocus
et d’attaques aériennes massives et
meurtrières réussi à lancer et maintenir
pendant 2 ans, chaque vendredi, les
grandes Marches du Retour, pour le
Retour des réfugiés et la levée du
blocus sous les tirs meurtriers des
snippers israélien ? Mais l’attaque de
l’occupant est généralisée contre
l’ensemble des palestinien.e.s où
qu’ils.elles se trouvent.
Dès la création de
l’État d’Israël, par un découpage et des
assignations géographiques spécifiques
doublées de statuts juridiques
différents, Israël a fait éclater
l’unité du peuple Palestinien. Les
palestinien-ne-s de Cisjordanie et de
Gaza, de Jérusalem ou d’Israël sont
soumis-e-s à des juridictions
israéliennes différentes. La puissance
stratégique de l’appel BDS Palestinien
de 2005, en posant comme objectif
l’autodétermination du peuple
palestinien fixe comme condition
préalable à une réelle autodétermination
la satisfaction de trois revendications,
chacune répondant au problème majeur de
chacune des composantes du peuple
palestinien. La fin de la colonisation
(Cisjordanie et Gaza), retour des
réfugiés dans leurs maisons (de tous-tes
les Réfugié-e-s, extérieurs et
intérieurs, Réolution. 194-ONU) et
égalité absolue pour les palestiniens
d’Israël (Palestiniens de 48). Cette
stratégie refonde et reconstruit l’unité
du peuple palestinien, condition
première pour mettre fin à l’apartheid.
PALESTINIEN.NE.S
DE 48
– Nous manquons (à
ce jour) d’informations sur les
discriminations et les inégalités subies
par les palestinien.ne.s d’Israël
(Palestinien.e.s de 48) dans les prises
en charge sanitaires face à l’épidémie.
Elles sont inévitables au regard de la
nature officiellement raciste de l’État
d’Israël. La loi fondamentale récemment
votée déclarant qu’Israël est l’État
nation du peuple juif officialise
l’apartheid en faisant des 20% des
palestinien.ne.s d’Israël des citoyens
de seconde catégorie.
–
Dans le désert du Neguev, à la mi-mars,
les autorités israéliennes ont détruit
les plantations de centaines d’ha de
terres agricoles dans deux communautés
bédouines. Alors que ces mêmes
autorités appelaient à réductions
d’activités et interdisaient les
rassemblements de plus de 10 personnes,
la police, une douzaine de tracteurs
« protégés par des membres de la
Patrouille verte, une force
paramilitaire appartenant à l’Autorité
foncière israélienne qui se concentre
sur les problèmes d’application de la
loi dans le Néguev, se sont présentés à
la périphérie de Wadi al-Na’am, le
matin, avec des tracteurs. Ils ont
ensuite détruit systématiquement une
grande partie des cultures, retournant
du nord au sud une vaste étendue de
terre où se trouvaient des stocks de blé
et d’orge, utilisés pour nourrir les
moutons et les vaches. »
Depuis des dizaines
d’années Israël tente chasser les
bédouins de leurs terres ancestrales,
les confiner dans des « réserves » et de
s’emparer de leurs terres.
Des tracteurs
arrivent à Tel Arad pour raser les
récoltes mercredi 18 mars
(MEE/Me’eqel
Al Hawashla)
PALESTINIEN.NE.S
DE CISJORDANIE
Par contre nous
avons les premiers éléments des
réactions israéliennes à l’apparition du
virus en Israël où viennent travailler
de nombreux ouvriers frontaliers
palestiniens, du sabotage des
installations palestiniennes de soins et
des inquiétudes des réfugiés du camp de
Suhafat (Jérusalem-est) quant à l’accès
aux soins.
–
L’épisode d’un ouvrier palestinien
fiévreux et très mal, jeté à même le
sol par les force de polices
israéliennes du côté palestinien d’un
check-point israélien à la périphérie du
village de Beit Sira, à l’ouest de
Ramallah a fait le tour des réseaux
sociaux. Sans même attendre les
résultats du test qu’il avait passé son
patron l’a fait expulser par la police.
3 autres cas identiques ont été signalés
et gageons que ce n’est que le début :
« C’est le vrai visage de l’occupation
israélienne », affirme le jeune homme
qui a secouru le malade au sol « Ils
nous tuent tous les jours, donc ce n’est
pas différent pour eux. » « C’est comme
si nous étions leurs esclaves »,
poursuit-il. « Ils nous utilisent quand
ils ont besoin de nous, et quand ils ont
fini, ils se débarrassent de nous comme
des ordures. »
– L’association des
droits humains B‘Tselem dénonce
l’intervention de l’armée israélienne
du 26 mars dans la communauté
palestinienne de Khirbet Ibziq, dans le
nord de la vallée du Jourdain. Avec
bulldozer et deux camions à plateau avec
grues, l’armée a confisqué deux tentes
destinées à une clinique de campagne
contre le virus.
Les soldats ont
également confisqué (volé) une cabane en
tôle en place depuis plus de deux ans,
ainsi qu’un générateur d’électricité et
des sacs de sable et de ciment. Quatre
palettes de parpaings destinées aux
planchers des tentes ont été emportées
et quatre autres démolies.
PALESTINIEN.NE.S
DE JÉRUSALEM
Les Réfugiés du Camp de Suafat, en
périphérie de Jérusalem-est ont le
statut de résident de Jérusalem et
relèvent de la juridiction israélienne.
Ils sont très inquiets des barrages et
obstacles israéliens dans leur accès aux
soins. « Le camp n’a qu’une clinique,
aucun hôpital », détaille à MEE
une porte-parole de l’organisation
israélienne de défense des droits de
l’homme Association for Civil Rights in
Israel. Les hôpitaux les plus proches
sont tous israéliens.
« Nous payons nos
taxes, nous demandons donc aux autorités
israéliennes qu’elles s’occupent de nous
avec le même soin avec lequel elles
s’occupent de n’importe quel autre
citoyen israélien. En tant qu’État
occupant, Israël a le devoir de nous
prendre en charge. Car où peut-on
aller ? Vers qui peut-on se tourner ? »,
déplore Khaled al-Sheikh.
« Nous sommes
seuls, nous n’avons aucun appui
officiel », insiste-il. Pas de
respirateur artificiel, pas de véhicule
dédié pour le transport d’éventuels
patients infectés par le coronavirus, ni
de bâtiment officiel pour placer les cas
suspects en quarantaine…
Même scénario
dramatique pour les habitants de Kufr
Aqab de l’autre côté du mur mais
officiellement rattaché à la
municipalité de Jérusalem. « Dans cette
zone où s’entassent 70 000 Palestiniens,
trois personnes infectées ont été
éloignées la semaine dernière par les
habitants, qui se sont organisés pour
qu’elles soient tenues à l’écart du
quartier, rapporte Mounir Zgheir, à la
tête du comité qui représente les
habitants. »
« Israël veut
depuis des années se débarrasser de ces
zones et de leurs habitants. Israël n’a
pas construit la barrière de séparation
de cette manière sans raison : il
voulait couper ces zones de Jérusalem »,
poursuit le chercheur. En 2015, le
Premier ministre israélien Benyamin
Netanyahou avait d’ailleurs évoqué la
possibilité de
révoquer le statut de résident des
habitants de ces quartiers.
PALESTINIEN.NE.S
– RÉFUGIÉ-E-S DE LA BANDE DE GAZA
Comme toujours Gaza
bénéficie d’un régime spécial de
répression. Le vendredi 27 mars en
soirée trois raids de l’armée de l’air
israélienne ont bombardé le nord de la
Bande de Gaza où se trouve le camp de
réfugiés de Jabalia.
ET LES 5000
PRISONNIER.E.S PALESTINIEN.NE.S…
5.000 prisonniers
politiques palestiniens sont détenus par
Israël dont 180 mineurs. « Notre
inquiétude croissante pour les
prisonniers et détenus palestiniens
pendant l’évolution de la pandémie de
COVID-19 vient de la négligence médicale
systématique et quotidienne dans les
centres de détention et d’interrogatoire
israéliens », a dit mardi Addameer,
l’association de défense des droits des
prisonniers. L’association mène une
campagne internationale pour demander la
libération de tous les prisonniers.
Au prétexte de
l’épidémie, Israël depuis début mars,
multiplie les brimades, renforce
l’isolement et viole les droits des
prisonniers. Interdictions des visites
des familles et des avocats. Refus
d’installer des téléphones fixes pour
permettre aux prisonniers de parler à
leurs familles – comme cela avait été
promis auparavant.
QU’ATTENDRE
D’ISRAËL ET DE L’UE ?
De la part de
l’État israélien et son gouvernement
raciste rien de bon, c’est évident. Le
pire est déjà là et il ne peut
qu’empirer. Les bombardements ci-dessus
et les quelques exemples cités en ce
début d’épidémie montrent qu’Israël fera
tout pour tirer partie de l’épidémie au
profit de son nettoyage ethnique et du
vol des terres palestiniennes. Quand à
l’union européenne, la complicité est
flagrante et dans cette période où
« sauver le capitalisme » sera sa
priorité absolue, il n’y en a rien à
attendre non plus.
Mais ce constat ne
date pas d’aujourd’hui. C’est ce constat
qui a donné jour à l’appel BDS
palestinien de 2005, qui constatant la
complicité de la « communauté
internationale » s’est tourné vers les
sociétés civiles de la planète les
appelant :
» Nous,
représentants de la Société Civile
Palestinienne, invitons les
organisations des sociétés civiles
internationales et les gens de
conscience du monde entier à imposer de
larges boycotts et à mettre en
application des initiatives de retrait
d’investissement contre Israël tels que
ceux appliqués à l’Afrique du Sud à
l’époque de l’Apartheid.
Nous faisons
appel à vous pour faire pression sur vos
états respectifs pour qu’ils appliquent
des embargos et des sanctions contre
Israël.
Nous invitons
également les Israéliens honnêtes à
soutenir cet appel, dans l’intérêt de la
justice et d’une véritable paix.
Ces mesures
punitives non-violentes devraient être
maintenues jusqu’à ce qu’Israël honore
son obligation de reconnaître le droit
inaliénable des Palestiniens à
l’autodétermination et respecte
entièrement les préceptes du droit
international en :
-
1. Mettant fin à son
occupation et à sa colonisation de
tous les terres Arabes et en
démantelant le Mur
-
2. Reconnaissant les droits
fondamentaux des citoyens
Arabo-Palestiniens d’Israël à une
égalité absolue et
-
3. Respectant, protégeant et
favorisant les droits des réfugiés
palestiniens à revenir dans leurs
maisons et propriétés comme stipulé
dans la résolution 194 de l’ONU »
Allons-nous
répondre à cet appel ?
comment aujourd’hui ? comment dans
l’après virus et avec qui ?
Comité BDS France
Montpellier
2 avril 2020
Le
dossier BDS
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