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De l’Irak à la Syrie, le plan américain
échouera
Al Manar

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/ ATTA KENARE
Mercredi 12 septembre 2018
En refusant la défaite stratégique dont
les dernières lignes s’écrivent, en
particulier sur les scènes irakienne et
syrienne, l’Amérique s’est engagée dans
un plan complexe qui, s’il réussit,
permettra d’atténuer les impacts de la
défaite et d’empêcher le vainqueur dans
les deux pays d’investir dans ses
réalisations.
En Irak, le plan est de contrôler la
formation du gouvernement, et en Syrie,
contrôler particulièrement la région
d’Idlib et empêcher sa libération pour
éviter que la Syrie ne se consacre à
l’action politique qui rétablit la
sécurité et une paix globale dans tout
le pays et permet la sortie de tout
occupant, y compris les occupants
américains et turcs.
Parce que sa
politique agressive à l’égard de la
région échoue, en particulier en Syrie
et en Irak, l’Amérique s’est concentrée
sur ces deux pays, considérant qu’un
retour effectif en Irak couperait le
lien de l’axe de la résistance d’est en
ouest et lui permettrait de prendre le
contrôle d’une réserve pétrolière
mondiale que l’Occident a longtemps rêvé
de posséder.
En Syrie,
l’Amérique considère que la poursuite de
la guerre, conformément à son concept de
« pérennisation du conflit », est une
occasion inestimable dont elle a
désespérément besoin pour imposer ce
qu’il est convenu d’appeler « le deal du
siècle » visant à liquider la cause
palestinienne et à consacrer l’existence
d’Israël, son rôle et son influence dans
toute la région arabe, à commencer par
le Golfe.
En Irak, l’Amérique
a trouvé l’ouverture appropriée en
passant par la porte de la formation
d’un gouvernement, après les élections
législatives dont elle a estimé que les
résultats lui permettaient d’intervenir
et d’exercer un contrôle sur l’ensemble
du gouvernement, tant que la formation
du bloc dont sera issu le Premier
ministre peut être négociable ; la
réunion de 165 députés pour former le
bloc majoritaire nécessite en effet la
coalition d’au moins 5 blocs majeurs
ayant remporté les meilleurs résultats
lors des élections, le plus grand compte
54 députés et le plus petit 14 députés.
C’est pour
exploiter cet espace que l’Amérique a
nommé un émissaire en Irak, dont la
mission principale est de former le plus
grand bloc pro-saoudien et américain et
qui puisse être hostile à l’axe de la
résistance. Les USA volaient aussi
mettre en œuvre une politique définie en
Irak qui lui garantit une colonisation
masquée, en révisant l’accord-cadre
stratégique signé entre l’Irak et les
États-Unis, et dénoncé alors par
l’ex-Premier ministre Nouri al-Maliki .
Celui-ci avait alors refusé d’accorder
aux Américains tout avantage affectant
la souveraineté, l’indépendance de
l’Irak et son droit exclusif de
contrôler son ciel et sa richesse,
pétrolière essentiellement.
C’est ainsi que
l’Amérique a trouvé en Haider al-Abadi,
l’actuel Premier ministre, son Père
Noël, surtout après qu’il ait affiché
son antagonisme à l’Iran et exprimé sa
volonté d’acquiescer les exigences
américaines et saoudiennes. Elle a
mobilisé les forces nécessaires pour lui
permettre de reprendre le pouvoir pour
un nouveau mandat de Premier Ministre
irakien, lequel en véritable gouvernant
détient de larges prérogatives en
matière de politique, d’administration,
de forces armées et même de justice.
Durant les dernières semaines, elle a pu
constituer un bloc soutenant Abadi et
comprenant près de 150 députés, mais il
lui manquait quelques votes pour
atteindre les 165. Le tout en veillant à
écarter les candidats qui croient en de
bonnes relations avec l’Iran voisin, la
Syrie et l’axe de la résistance.
Afin d’atteindre
son objectif, l’envoyé américain en
Irak, Brett McGurk, a agi sur trois
fronts :
– les chefs des blocs,
quelle que soit la taille du bloc, pour
solliciter leur soutien
– les députés pour les
empêcher de soutenir un bloc dans lequel
le al-Hachd al-Chaabi « qui doit être
dissolu » est représenté
– sur le terrain et dans la
rue pour démontrer « l’importance du
rejet populaire » pour ce qu’il appelle
« l’influence iranienne en Irak ».
Les événements de
Bassora, qui ont été déclenchés pour des
raisons de revendications liées à l’eau
et à l’électricité, se sont transformés
en une vague de violence contre l’Iran
et les forces qui tiennent à préserver
de bonnes relations avec lui.
Ils constituent un scandale qui entache
tout le plan américain lequel s’est
soldé par un échec. Ils ont eu l’effet
inverse de ce que l’envoyé McGurk
espérait.
Dans ce contexte,
il faut noter les efforts déployés par
l’autorité religieuse pour assurer, à
ses frais, la disponibilité des stations
d’eau à Bassora et désamorcer ainsi les
débordements chaotiques. Ces stations,
qu’Abadi avait refusé de fournir tout au
long de son mandat, ont été une cause
directe de l’éclatement des
protestations et du chaos dans la ville,
conduisant à l’incendie de bâtiments à
caractère symbolique de la relation
entre l’Iran et l’Irak, y compris le
consulat iranien à Bassora.
En incendiant le
consulat iranien à Bassora, ainsi que
les locaux des Hachd al-Chaabi et des
forces pro-iraniennes, les Etats-Unis
voulaient montrer le rejet populaire de
la présence et du rôle de l’Iran en Irak
et enrayer ainsi tout espoir de trouver
une figure rivale à Abadi ou un partisan
de l’axe de la résistance.
Mais la découverte de la machination
américaine a pratiquement anéanti les
chances d’Abadi de revenir au pouvoir et
barré la route à toute autre figure
alternative pro-américaine et
pro-saoudienne.
En conséquence, le plan américain qui
n’a pas réussi à rétablir son emprise
sur le pouvoir en Irak a en revanche
créé les conditions pour la formation
d’un gouvernement qui devrait être en
mesure de protéger les acquis de l’Irak
en matière de souveraineté,
d’indépendance, de richesse et de rôle
stratégique régional en harmonie avec
l’axe de la résistance.
En Syrie, les USA
essaient toujours d’empêcher la Syrie de
lancer l’opération de libération d’Idlib
pour la purger du terrorisme et de
s’occuper ensuite du dernier dossier sur
terrain dans l’est de l’Euphrate, où se
trouvent ses bases militaires dont le
nombre dépasse les 13 et ses 9.000
soldats, après les derniers renforts
arrivés à Al-Tanf.
Pour empêcher le
lancement de la libération d’Idlib,
Washington a mis sur pied un plan
également formé de trois lignes :
–
L’intimidation et la menace d’une
intervention militaire si l’armée
syrienne et ses alliés pénètrent dans
Idlib, menace accompagnée d’une exigence
de s’abstenir de toute opération
militaire et d’activer les zones de
désescalade avec des délais
indéterminés. Washington ayant investi
dans le rôle négatif de la Turquie au
sommet de Téhéran, sa demande de trêve
et son rejet de l’action militaire.
– Les exercices et les
renforts militaires, la mobilisation de
forces aéronavales disposant de 220
missiles Tomahawk prêts à cibler de
grands objectifs en Syrie en réponse à «
l’utilisation hypothétique d’armes
chimiques », comme colporté par les
allégations américaines et occidentales.
– Les manœuvres militaires
menées à Al-Tanf et ailleurs pour
suggérer une forte capacité militaire
américaine prête à une intervention
militaire directe, accompagnée d’une «
fuite » de la Maison-Blanche selon
laquelle Trump envisage sérieusement une
attaque contre les troupes russes en
Syrie.
Une fois encore,
nous constatons l’échec de la démarche
américaine ; la trêve a été rejetée
ainsi que le report de la bataille
d’Idlib, l’heure H de celle-ci pourra
sonner à tout moment. Certaines
opérations préliminaires ont même déjà
commencé avec des raids massifs et
sélectifs, effectués il y a deux jours
par les forces aériennes russes et
syriennes, sur des cibles terroristes en
épargnant totalement les civils.
La réponse à la
deuxième ligne a été principalement
donnée par la Russie grâce à son
important renforcement naval en
Méditerranée. Elle a mobilisé des
navires de guerre, des bâtiments de
soutien et des forces professionnelles
de reconnaissance et de brouillage pour
perturber l’efficacité des Tomahawk,
dans le cadre des manœuvres militaires
les plus importantes ces 40 dernières
années.
Pour le troisième
point, l’Amérique sait que personne ne
prend au sérieux sa décision d’une
confrontation terrestre avec ses
adversaires sur le sol syrien. Cette
confrontation ne sera pas du tout dans
son intérêt et à tous les niveaux.
En résumé, nous
pouvons affirmer que l’Amérique, qui
avait l’intention de s’emparer de l’Irak
en confisquant son gouvernement, est sur
le point d’échouer . Elle ne pourra non
plus empêcher la Syrie d’achever la
libération du fief terroriste (Province
d’Idleb, ndlr) , quelle que soit la
menace ou l’intimidation.
Cette Amérique qui
clame qu’elle ne permettra pas à la
Syrie et à ses alliés, l’Iran et le
Hezbollah, d’entrer à Idlib, sait
parfaitement que cela n’est pas
envisageable. La Syrie est souveraine
sur son sol et les États-Unis sont les
intrus qui doivent le quitter. S’ils ne
le font pas volontairement, ils seront
forcés d’en sortir par la force, comme
ils quitteront l’Irak. C’est alors que
la Syrie et l’Irak redessineront un
paysage politique et pratique sans
aucune place pour les Américains.
Par Amine Htaite:
Général libanais à la retraite et
professeur universitaire et expert
stratégique.
Sources: le journal
libanais al-binaa; traduit par Rania
Tahar
Le
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