Gaza
Du nouveau depuis Gaza
Amir
Hassan
Mercredi 21 novembre. 18h30 à Paris.
19h30 à Gaza. Au téléphone, Amir répond
que « ça va ça va » en riant. Il n’a pas
perdu son sens de l’humour. « On est
enfermé depuis huit jours. On en a
marre. Alors je ris ! Je réalise à quel
point Israël se moque des pays arabes,
de la communauté internationale. » Le
précédent cessez-le-feu dont tout le
monde parlait la veille, soit mardi
soir, n’est pas entré en vigueur. «
Israël a continué à bombarder. Israël a
beaucoup d’argent, beaucoup d’armes et
ne sait pas quoi en faire. Alors il
détruit tout. Il contrôle le ciel, la
terre et les airs. Pendant que je te
parle, il tire sur le Port de Gaza. »
Les Israéliens sont ceux qui peuvent
arrêter ce massacre en acceptant le
cessez-le-feu mais même avec ce « geste
» cela n’effacera pas ses crimes contre
l’humanité. « Si ils arrêtent cette
opération, il restera le blocus. Ils
continueront à contrôler le passage de
Rafah, les arrivages de carburant et de
produits alimentaires, l’électricité…
tout ! On va retrouver notre vie avec le
blocus tout simplement, mais pas une vie
normale. » A ce moment-là, le nombre des
martyrs est de 159 et il y a 1350
blessés. « Tous les morts seront-ils
oubliés quand Israël aura mis fin à
l’opération ? La peur, la panique, le
sang, ces cadavres déchiquetés, ces
corps brûlés… A quoi ça aura servi ? »
Au même moment, les médias indiquent
qu’un cessez-le-feu devrait débuter à
21h, heure à Gaza. « Je n’ai pas
confiance en Israël, j’attends de voir.
Israël n’a pas de respect pour nous. Le
respect c’est la justice. Le blocus n’a
rien de juste ou de respectueux ! On
doit nous rendre nos droits. Nos droits
d’avoir l’électricité tout le temps. De
voyager comme on veut sans contrôle à
des points de passage. Lorsque tu es
privé de tout ça, tu peux comprendre
pourquoi certains ont la haine et
choisissent la résistance. Je ne
cautionne pas la violence mais qui ne
respecte pas l’autre en le privant de
tout ? » Il me raconte ce médecin de
l’hôpital Al-Shiffa qui n’était pas
rentré chez lui depuis plusieurs jours
travaillant nuit et jour. Tandis qu’il
accueillait les patients, il s’est
retrouvé avec le corps de son fils face
à lui. Un fils qui avait perdu la vie.
Aujourd’hui, l’état hébreu a encore
piraté les chaînes de télévision en
montrant des photographies de l’appareil
militaire de Tsahal et en écrivant que
le Hamas n’aurait pas la capacité pour
faire face. « Les pays ont des armées.
Tsahal a Israël ! Nous voulons des
garanties internationales pour qu’il ne
recommence pas à nouveau. Cet état
utilise des armes interdites. Il faut le
punir. Il faut que l’UNICEF et toutes
ces organisations de protection de
l’enfance protestent ! » Amir fait le
point sur les destructions. Le pont
reliant Gaza au Sud de la Bande de Gaza
a été endommagé. Un bâtiment public qui
s’appelle Abou Khadra a été touché par
un F16. « Il y a eu 22 martyrs
aujourd’hui quand je te parle. Ca va
augmenter certainement. Avec 6 enfants
morts. » Dans les écoles, les familles
qui sont venues se réfugier sont dans la
précarité. Certaines continuent à
arriver. « Les images sont horribles. Il
faut aussi dire que Rafah a connu un
bombardement… extraordinaire ! Les
tunnels ont été bombardés. Hillary
Clinton a participé à une conférence de
presse avec le Ministre Egyptien des
Affaires Étrangères. Je connais son
discours. Il faut la paix… Si on a la
paix et qu’on se trouve encore avec des
avions d’observation, qu’est ce qu’on
aura gagné ? Rien ! » Amir fait la liste
des dernières nouvelles qu’il découvre
en même temps. « A Jabalia, une maison a
été touchée. Dans le sud de la Bande de
Gaza, il y a eu 5 morts. Un homme est
mort avec son fils et sa fille aussi.
Dans le centre de Gaza, il y a eu un
mort âgé de 22 ans, un autre de 13 ans.
Israël a aussi touché la municipalité.
Un homme âgé de 80 ans est mort avec sa
fille à Khan Younes. Un autre mort dans
le quartier est de Gaza. La maison du
conseiller du Premier Ministre a été
touchée.. On est des chiffres ! Les
Palestiniens sont des chiffres ! »
Les Palestiniens sentent que ces
bombardements sont différents des
précédents. « Il n’y a pas les mêmes
bruits que durant 2008, ce ne sont pas
les mêmes armes. On est tellement
habitué qu’on peut les différencier. »
Derrière lui, se font entendre les
sirènes des ambulances. « Comme dit
Julien Salingue, dans trêve il y a rêve…
» Amir me dit que le Premier Ministre
Israélien veut donner une chance à ce
cessez-le-feu. Mais la résistance doit
arrêter de tirer des roquettes contre
quoi Israël arrêtera ses bombardements.
« Apparemment Israël voudrait porter
plainte contre la résistance
palestinienne devant l’ONU. » Il y a à
présent 162 martyrs. Et le plus dur est
l’après pour Amir. « On va reconstruire.
Mais ce sera long, difficile. Moi je me
remettrai à donner mes cours de français
depuis chez moi probablement. A Gaza on
a beaucoup de volonté. C’est ce qui
caractérise la ville ! Hier, un étudiant
en architecture disait qu’après tout ça,
il ferait une réunion afin de voir
comment reconstruire. A Gaza, tout est
beau. Les bâtiments embrassent la mer.
La mer caresse la plage. Gaza est une
ville avec beaucoup d’ambiance ! » Amir
me décrit cette ville qui est sa terre.
Une terre avec une âme. « Israël se
demande comment on fait pour se relever.
Gaza est très forte, elle donne des
leçons de vie. J’étais à Paris
dernièrement et je voulais vraiment
rentrer pour vivre cette guerre. C’est
chez moi ici. Aujourd’hui je suis vivant
et je le fais exprès. Je fais exprès de
vivre pour narguer l’état hébreu. » En
2008, lors de la précédente opération
militaire, Amir ne parlait pas français
et il n’était pas autant sollicité pour
comprendre la situation à Gaza. « J’ai
tout vécu enfermé chez moi. Et
aujourd’hui en 2012, on m’appelle depuis
l’étranger pour des interviews. Tant
mieux si je peux rapporter la réalité
des choses ! »
Gaza est volonté. Gaza est aussi
espoir. « Tout à l’heure, je suis
descendu dans un autre appartement. J’ai
trouvé les enfants de la tour en train
de jouer au football à l’intérieur. »
Gaza existe, ses habitants aussi. Les
habitants vivent tandis qu’ils côtoient
plus souvent la mort que la vie. « Les
bombes israéliennes n’effaceront jamais
l’histoire de cette terre ni la
géographie. Gaza est la plus grande
ville du monde pourtant les Israéliens
ont tellement attaqué cette terre durant
les deux Intifada et au cours de toutes
les autres opérations militaires. » Amir
est plein d’optimisme. « Qu’on nous
laisse deux ans, qu’on nous enlève ce
blocus et vous verrez des hôtels sur le
littoral. Vous verrez même du tourisme.
Nous avons tellement de rêves ici !
Cette terre est à part. Nous sommes
attachés à elle ! » Amir me parle de
Gaza, de cette ville si poétique, de
cette ville si artistique. « Quand on me
dit que je fais de la poésie, je dis que
ce n’est pas moi qui fait de la poésie
mais c’est Gaza. C’est Gaza qui me rend
comme ça ! » Son chez lui est synonyme
de tolérance, de solidarité. « Combien
de familles ont voulu partir par le
terminal de Rafah au début de cette
opération ? Très peu. Au contraire dans
le couloir palestinien, au passage de
Rafah, les gens se battaient pour passer
les premiers. Je m’interrogeais en
souriant : qu’est ce qui peut donc
autant les attirer dans cette Bande de
Gaza ? Pourquoi les uns veulent passer
avant les autres ? Dans les colonies
israéliennes, ceux qui fuient tandis
qu’ils entendent les alertes ne sont pas
attachés à chez eux. Nous, nous restons.
» Après cette intervention militaire,
Amir sait qu’Israël n’aura rien gagné.
»Cet état a juste fait perdre l’humanité
en commettant tout ce qu’il a fait. Gaza
est certainement à sang mais Gaza ne
s’explique pas ! Je souhaite que Dieu
protège cette terre et aide les
Palestiniens à être plus forts encore.
Je sais Gaza arrogante parfois mais elle
n’aime pas les injustices. Pour elle, on
fera beaucoup de choses. On reconstruira
tout. Je redonnerai des cours de
français, j’écrirai des poèmes. »
Il est à présent 20h30, à Gaza,
lorsque nous nous quittons. Près d’une
demi-heure après avoir raccroché,
effectivement, les médias indiquent que
le cessez-le-feu doit débuter. Soit à
21h à Gaza. Sur Facebook, Amir avait
déjà écrit « Gaza a gagné, vive Gaza
libre, forte et digne. » Et aux
alentours de 22h à Gaza, lorsque je
rappelle Amir, j’entends un Amir avec le
sourire dans sa voix ! « Les mosquées et
les appels à la prière comme pour l’Aid.
Des klaxons. Plus aucun avion dans le
ciel. Les drapeaux des différents
partis. Les familles dans les rues. Les
magasins qui distribuent des jus de
fruits gratuitement. Les gens repartent
des écoles pour rentrer chez eux. Il y a
même des feux d’artifice. Je n’ai jamais
vu ça de ma vie. Demain il y aura
peut-être une grande fête. Vendredi sera
jour de prière avec beaucoup de gens
dans les mosquées. Samedi on reprendra
le travail dans la bonne humeur. » La
Bande de Gaza retrouvera son quotidien.
Reste à savoir ce que deviendra ce
blocus qui dure depuis trop d’années.
« Gaza l’Espoir »
par Siham TOUIL
Le dossier Pilier de défense
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