Palestine - Solidarité

 

Retour :  Sommaire UJFP  -  Accueil Analyses Ressources


UJFP 
Section locale de Lille


Pourquoi la création de l’UJFP et dans quel contexte ?
Pierre Stambul

 



L’Union Juive Française pour la Paix existe depuis 1994. Au début, c’était une association tout à fait confidentielle. Et puis, en septembre 2000, Sharon fait une gigantesque provocation sur l’esplanade des mosquées. La deuxième Intifada commence. Comme d’autres, nous sommes révolté(e)s en voyant l’armée israélienne tirer sur un peuple désarmé, détruire systématiquement la société palestinienne, boucler les territoires, humilier quotidiennement la population civile, assassiner impunément et sans jugement… À cette révolte largement partagée par d’autres, s’ajoute autre chose. Nous sommes Juives/Juifs ou proches du judaïsme. Ces violations honteuses et criminelles de tous les droits se font en notre nom. Elles récupèrent l’antisémitisme, le génocide nazi et la « martyrologie juive » pour justifier la négation et l’ethnocide d’un peuple et pour promouvoir un projet colonial.

 Dans les premières réunions, nous avons fait une espèce d’introspection : pourquoi étions-nous là ? Pourquoi avions-nous fait une espèce « d’outing » en venant dans une association où figure la lettre J alors que nous sommes quasiment tou(te)s athées et en tout cas laïques et farouchement opposé(e)s au communautarisme. Il y a plusieurs réponses.

-- La principale, c’est « pas en notre nom ». Juif, Sioniste et Israélien, ce sont des réalités totalement distinctes. Le Sionisme essaie de dire aujourd’hui qu’il n’y a qu’une seule voie : le soutien inconditionnel à un état juif ou l’émigration vers Israël. Nous sommes à l’UJFP non sionistes et pour la plupart d’entre nous clairement antisionistes. L’Etat Juif, où les Non-juifs sont des sous-citoyens et qui détruit un autre peuple, insulte notre mémoire du judaïsme. Nous nous réclamons des lumières juives, de la sortie du ghetto, de la lutte opiniâtre pour l’égalité des droits contre l’antisémitisme, de la participation massive des Juifs aux mouvements progressistes, anticolonialistes et révolutionnaires, du Bund, de la MOI, de l’internationalisme. Nous refusons le repli communautariste et le rôle de complice qu’on nous assigne. Nous refusons l’instrumentalisation de l’antisémitisme. Le CRIF qui est une officine sioniste ne nous représente en rien.

-- L’UJFP fait partie des collectifs d’associations qui soutiennent la résistance du peuple palestinien. Nous avons constaté l’impact de la présence de l’UJFP dans les manifestations. La guerre au Proche-Orient n’est ni une guerre religieuse, ni une guerre nationale, ni une guerre ethnique. C’est une guerre qui porte sur l’égalité des droits et la justice. De fait, l’existence d’une « composante juive » dans le mouvement pour la Palestine est aussi une garantie contre toute dérive. Les Palestiniens l’ont fort bien compris. Leïla Shahid, dans ses réunions publiques intervient systématiquement avec des Juifs progressistes. Des deux côtés, le message universaliste est le même : pour l’égalité des droits et contre le colonialisme.

-- Il existe en Israël une petite minorité qui a franchi le pas, qui milite quotidiennement avec « l’autre », le Palestinien, qui va sur les barrages, qui manifeste contre le Mur de l’Apartheid, qui essaie d’empêcher les confiscations de terre ou les destructions de maisons, qui recherche la mémoire des anciens villages palestiniens détruits lors de l’expulsion du peuple palestinien (1948), qui refuse de servir dans l’armée (les refuzniks) y compris au prix de la perte de la liberté, qui crée les liens de la solidarité. Si la paix un jour devient possible, ce sera grâce à eux. L’UJFP est en contact permanent avec ces militant(e)s et popularise leurs actions. En même temps, elle fait partie d’un réseau de 18 associations juives progressistes de 10 pays d’Europe.

-- Enfin, c’est moins important mais pas négligeable. On s’adresse à l’UJFP comme « experts ». Nous sommes en mesure de démonter de l’intérieur le rouleau compresseur de la propagande sioniste et l’instrumentalisation de l’antisémitisme. C’est tout le sens de « l’autre voie juive » que nous voulons promouvoir. Bien sûr, nous sommes « petits ». Quelques centaines en tout dont une cinquantaine dans la région marseillaise. Mais nous avons conscience de représenter le malaise ou le refus d’un grand nombre de gens révoltés comme nous par cette guerre.

Quelle est la position de l’UJFP sur la situation actuelle au Proche-Orient ?

Le Sionisme et l’Etat d’Israël se sont construits sur des mensonges fondateurs. La Palestine n’était pas « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Un peuple autochtone était là et il a été expulsé par la violence lors de la « Naqba » (la  catastrophe) en 1948. L’Occident s’est débarrassé de sa responsabilité dans l’antisémitisme et le génocide nazi en faisant payer un peuple qui n’avait commis aucune faute, aucun crime. Le projet sioniste s’est longtemps masqué derrière l’idée du « havre de paix » pour les Juifs. Il est totalement clair aujourd’hui que c’est un projet colonialiste, qui vise à acquérir un maximum de terres en expulsant les Palestiniens ou en les cantonnant dans des bantoustans non-viables sans terre, sans eau et sans unité territoriale. Un projet qui s’accompagne de l’idée démente de faire venir tous les Juifs en Israël, mettant ainsi en danger des siècles de lutte pour la laïcité et la citoyenneté.

L’UJFP prône une paix entre Palestiniens et Israéliens fondée sur l’égalité des droits et la justice. Cela passe par la reconnaissance de la Naqba, par le droit au retour des réfugiés palestiniens (nous laissons aux négociateurs le soin d’élaborer comment ce droit se traduira), la libération de tous les prisonniers (650000 Palestiniens ont connu la prison en 38 ans d’occupation), le retrait de l’armée israélienne de tous les territoires occupés en 1967 (y compris bien sûr Jérusalem-Est), le démantèlement de toutes les colonies et un partage équitable des ressources de la région. Quelle forme prendra cette paix ? Le droit international ne reconnaît pas les annexions israéliennes de 1967. Et l’OLP, depuis 1988, a limité sa revendication à un état palestinien sur 22% de la Palestine historique avec Jérusalem-Est comme capital. C’est le refus obstiné des différents gouvernements israéliens qui empêche la paix. Ils veulent tout garder : Jérusalem, les blocs de colonies, Hébron …Il y a aujourd’hui 450000 Israéliens dans les territoires occupés. Même Rabin, entre la signature des accords d’Oslo et son assassinat en avait installé 50000 nouveaux. Cette situation explique que l’idée (qui fut longtemps celle de l’OLP) d’un seul état en Palestine, laïque et démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur origine auraient les mêmes droits, reprend vigueur. Qu’il y ait à l’avenir deux états ou un seul, il faudra en finir avec la notion d’Etat Juif et lui substituer la même citoyenneté pour tou(te)s.

 

Quel avenir pour la région et quel combat en France ?

 

Il y a hélas peu de raisons d’être optimiste. Sharon est l’héritier idéologique de Jabotinski qui dans les années 30 était un admirateur de Mussolini et prônait (déjà) le « transfert » des Palestiniens au-delà du Jourdain. Depuis des années, les différents gouvernements israéliens procèdent par grignotage et par fait accompli. Sharon parle aujourd’hui de « fixer les frontières définitives » d’Israël. Ces frontières, on les connaît, c’est le Mur dont le tracé annexe la moitié de la Cisjordanie et transforme le futur « état palestinien » en cantons isolés reliés par des tunnels.

Sharon se prend pour De Gaulle. Il a scissionné le parti qu’il avait fondé (le Likoud) et isolé les plus fous du courant « national religieux », ceux qui, au nom d’une interprétation littérale de la Bible veulent le « Grand Israël » de la Méditerranée au Jourdain, voire du Nil à l’Euphrate. Il bénéficie de l’appui inconditionnel de l’impérialisme américain et du financement sans limites de différents lobbys (en particulier celui des Chrétiens Sionistes, des fondamentalistes religieux pour qui les Arabes incarnent le Mal). Il bénéficie aussi de l’impunité  et de la lâcheté de la « communauté internationale » qui laisse faire. L’Union Européenne a financé le port et l’aéroport de Gaza et n’a rien dit quand Israël les a détruits. Elle a élaboré un rapport sur la purification ethnique en cours à Jérusalem et refuse de le publier. Elle laisse rentrer sur le marché européen, avec des droits de douane limités, des produits israéliens souvent fabriqués en territoires occupés. Des entreprises européennes comme Alstom et la Connex (de sinistre mémoire à Marseille) construisent un tramway entre Jérusalem et des colonies.

En face de Sharon, la « gauche traditionnelle » israélienne est assez pitoyable. Shimon Pérès termine sa triste trajectoire politique en se ralliant à Sharon. Alors que la société israélienne subit (sous les coups de l’ultralibéralisme) des mutations profondes très bien décrites dans les films d’Amos Gitaï, la gauche travailliste qui a trempé dans tous les mauvais coups contre les Palestiniens, n’a pas d’alternative. Certes, Amir Peretz est un ancien syndicaliste qui parle de la question sociale et propose de reprendre les négociations. Mais il ne propose pas un retour aux frontières d’avant 67, ce sera donc la prolongation de la guerre.

La société palestinienne résiste difficilement à l’étranglement économique et aux actes de guerre incessants. L’Autorité Palestinienne est très contestée à cause de la corruption et du fait qu’elle n’a rien obtenu de tangible. Ce discrédit profite au Hamas.

Cette situation assez dramatique nous impose une solidarité active en Europe. L’UJFP lie son action contre l’occupation de la Palestine au nécessaire « vivre ensemble » ici, en France. Elle a vivement protesté contre le gouvernement Villepin-Sarkozy qui, à coup de discrimination, de « racaille » et de « kärcher », a provoqué l’explosion des cités. Il est symptomatique que ce gouvernement ait reçu l’appui, dans sa politique raciste, de défenseurs inconditionnels de la politique israélienne : Alain Finkielkraut qui parle de pogrom antirépublicain  fomenté par des Islamistes et Arno Klarsfeld qui approuve la loi sur les aspects « positifs » du colonialisme. L’UJFP a dénoncé à leur propos l’instrumentalisation de l’antisémitisme pour justifier les discriminations d’aujourd’hui.

La Palestine et les pacifistes israéliens ont besoin de nous. Il faut rejoindre les comités Palestine. Il faut faire pression pour que l’occupation de la Palestine soit sanctionnée par un boycott, un arrêt de tout investissement et des sanctions contre Israël. Il faut interpeller sans relâche ceux qui soutiennent la politique israélienne ou qui « laissent faire »  comme on l’a fait autrefois pour l’Afrique du Sud.

Pierre Stambul (vice-président de l’Ujfp)


 Source : Rudolf Bkouche


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.

Retour  -  Sommaire UJFP  -  Ressources  -  Débat  -  Communiques  -  Accueil