Palestine - Solidarité

   


UJFP 
Section locale de Lille


Pourquoi doit-on avoir peur de Tali Fahima ?
Lin Chalozin-Dovrat


Jeudi 12 août 2004, publié en hébreu sur www.walla.co.il (site israélien).

Tali Fahima, Israélienne qui a grandit à Kiryat Gat (site de deux villages Palestiniens détruits après la guerre de 1948, Faloudja et Iraq Manshiyya), a voté pour le Likoud aux dernières élections en Israël. Au cours de la dernière flambée de violence entre Israéliens et Palestiniens, Tali réalisa que pour comprendre à fond le conflit et les opinions de l'autre camp, elle ferait mieux de s'informer auprès des Palestiniens. Après avoir lu les positions de Zakaria Zbeiâi - chef des Brigades des martyrs d'AI-Aqsa à Jénine - dans la presse israélienne, elle le contacta et peu après démarra un projet humanitaire avec les enfants du camp.

Maintenant, elle est détenue pour la seconde fois, cette fois sur de fausses allégations l'impliquant dans une action terroriste. Tali a refusé, les semaines précédentes, d'être recrutée par le Shabak (services de renseignements) comme informatrice. Au cours de sa précédente période de détention, el/e subit pendant une semaine entière un interrogatoire très dur qui prit fin suite à une décision de la cour israélienne...

Pourquoi aurait-on peur de Tali Fahima ? Des raisons, il y en a.

Premièrement... Si une brave fille de Kiryat Gat, électrice du Likoud, commence à penser que l'occupation est une catastrophe, qui sait, peut-être que plus de gens vont se réveiller et découvriront alors que nous avons tous été manipulés? Que se passerait-il demain si d'autres Tali Fahima se levaient et commençaient à penser autrement? Des femmes? Des Mizrahi? Des exclus? Devrait-on leur tirer dans les jambes des balles qui atteindraient accidentellement leurs têtes? Ce n'est pas la Palestine ici, il ne faut pas exagérer!

Que se passerait-il si les gens commençaient à contester le budget du ministère des finances et ses plans pour l'année prochaine? Que se passerait-il si ces gens là s'opposaient énergiquement au fait que quelques personnes, qui gagnent mille fois le salaire moyen et trempent dans de sales affaires, dilapidaient leurs pensions? Comment dirigerait-on l'Etat dans ce cas?!

Deuxièmement... Si une Tali Fahima peut approcher Zakaria Zbeïdi, lui parler et trouver un langage commun basé sur la confiance - ça peut devenir un désastre. Cela peut même distraire l'attention du public des nouveaux bavardages médiatiques au sujet de la coalition qui, mis à part quelques membres de partis politiques, n'intéressent personne - et pourquoi devrions-nous nous y intéresser?

Nous avons compris depuis longtemps que nous sommes hors jeu et qu'il ne s'agit que d'un échange de fauteuils entre quelques personnes.

C'est pourquoi il est très important de mettre à l'écart l'indésirable Tali Fahima de l'arène politique. Le meilleur moyen de le faire est de faire rabâcher à quelques journalistes, jour et nuit, que Tali Fahima est un peu dérangée et amoureuse de Zbeïdi. De cette façon, on continue de faire les gros titres avec le jeu des chaises musicales, et on relègue Tali Fahima en bas de page, avec les faits divers.

Troisièmement... Il Y a une autre affaire qui ne doit pas être mentionnée, et surtout pas être discutée en profondeur. L'Etat d'Israël a été occupé ces dernières semaines à éliminer tous ceux qui pourraient menacer le régime éclairé de celui qu'on a paradoxalement traité tant de fois auparavant d'incompétent - Yasser Arafat. Parallèlement et pour des raisons qu'on ne comprend pas, l'Etat trouve difficile d'éliminer un certain Zakaria Zbeïdi qui a, comme tant d'autres au Moyen-Orient, du sang sur les mains. Ce qu'il y a de commun entre lui et Fahima est qu'ils ne veulent pas se taire. Par contre, son avantage sur elle est non seulement d'être un homme mais aussi d'être armé, donc moins susceptible d'être l'objet de commérages calomnieux. Zbeïdi a causé dernièrement beaucoup d'ennuis au Raïs, et actuellement quiconque cause des ennuis au président traité par ailleurs d'incompétent, devient une cible importante dans les plans israéliens. Cela dérange sûrement plus les décideurs que le sang qu'il a sur les mains. Ou du moins, nous aimerions penser que les services de sécurité limitent la démagogie aux porte-parole, et gardent un ton rationnel dans des discussions internes. On peut penser que les terribles infractions aux lois internationales et à n'importe quel code moral sont en fait commises avec une certaine finesse, d'une chic manière, en élaborant des discussions sérieuses sur la balance des forces dans la région et sur l'intérêt d'Israël dans tout ça.

Mais franchement, qui se fiche de l'intérêt d'Israël? De l'intérêt du peuple israélien? Son intérêt serait-il, Dieu nous en préserve, la justice, l'égalité, la paix et du travail pour tous? Son intérêt serait-il que quelques Tali Fahima supplémentaires se mettent à penser différemment avec leur cœur, le sens de la dignité humaine et la compassion?

C'est difficile d'aimer Tali Fahima, c'est vrai. Elle dit exactement ce qu'elle pense et ce qu'elle ressent sans se soucier de ce que les autres peuvent en dire. Cela doit être trop dangereux pour trop de gens, particulièrement pour ceux qui ont l'argent et le pouvoir, et surtout si ça devient à la mode, de ne pas avaler les derniers propos de notre commentateur des affaires militaires et d'aller voir soi-même s'il est possible de déconstruire ce cauchemar au profit d'un respect et d'une confiance. Sans murs, ni explosifs ou préjudices.

Ai-je effrayé quelqu'un? Relax. Les services secrets existent pour ça. Le système ne va pas s'effondrer; les chaises ne sont pas encore à bascule. Il y a toujours «les règlements d'urgence» et des prisons secrètes. Il y a des fusils, des chars, des états de sièges, de s blocages, des collaborateurs, des avions sans pilote, des démolitions de maisons et des assassinats. Il y a des réunions et des négociations secrètes entre les partis au pouvoir, de bonnes relations avec les médias, et beaucoup d'articles détaillés sur le budget de l'Etat que personne ne peut comprendre. Il y a les ténors des partis et les groupes de pression, alors il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Il y a toujours des gens qui ont peur de perdre leur travail, qui ont peur de mettre leurs enfants en péril, et qui sont préoccupés par ce qui peut se dire sur eux et où ils vivront demain.

Tant qu'il y a la peur, la terreur et le désespoir, on peut dormir tranquille. Demain, une fois de plus, rien ne sera changé - le soleil se lèvera encore sur un monde de silence et de mise sous silence. 

Lin Chalozin-Dovrat
(militante de« La Coalition des Femmes pour une Paix Juste »)

 


 Source : UJFP Lille


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